FAO en République démocratique du Congo

Élever l'espoir dans la réserve de faune à okapis: complémenter la chasse communautaire durable par l’aviculture

FAO ©Thomas Nicolon
26/01/2024

Dans la réserve de faune à okapis, des activités d’aviculture ont pris leur envol grâce à une collaboration entre le Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme), une initiative financée par l’Union européenne, les communautés rurales et les organisations locales.

«C'est la première fois dans l'histoire d’Epulu que les habitants peuvent acheter du poulet sain produit localement» affirme Latiwa Aliyo Cecile, présidente du comité de gestion de l’Institut technique agricole et pédagogique (ITAP), une école rurale partenaire du SWM Programme dans la région. Cet accomplissement est le fruit de l’approche collaborative des partenaires locaux sur le terrain, qui ont fourni un soutien logistique et financier crucial à l’ITAP et aux communautés locales.  Parmi ces efforts, figurent également le développement d’outils de formation, notamment une série engageante de huit vidéos sur la production durable de volailles produite par le SWM Programme.  Cette série est disponible en français, en anglais et en swahili.

Le développement de l'élevage de volailles complète la mise en place d’un modèle novateur de gestion communautaire durable de la faune sauvage qui vise à répondre aux besoins alimentaires des populations natives et autochtones tout en préservant les populations animales sauvages.

Les défis de la sécurité alimentaire et de la conservation de la faune sauvage

La réserve de faune à okapis (RFO) s’étend sur 13 726 km2 dans les provinces de l’Ituri et du Haut-Uélé et abrite une biodiversité exceptionnelle, dont une faune sauvage encore très riche.

Cependant, l’évolution des dynamiques socio-économiques de la région et certaines pratiques de chasse mettent en péril la biodiversité de cette réserve inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Notamment, les groupes armés, l'exploitation minière illégale et le braconnage qui les accompagnent ainsi que la déforestation liée à l'expansion agricole menacent les populations de plusieurs espèces animales telles que l’okapi, l’éléphant de forêt, le chimpanzé et le pangolin.

Par ailleurs, la croissance démographique rapide des villes situées près de la réserve engendre une demande croissante en protéines animales, intensifiant ainsi la pression sur la chasse. Ces circonstances présentent des risques importants pour les populations d'animaux sauvages et menacent la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés rurales ainsi que des peuples autochtones chasseurs-cueilleurs. Ces derniers, lesquels représentent un cinquième de la population vivant dans la réserve, voient leurs modes de vie compromis.

Dans les zones urbaines de la région d'Ituri, plus de 50 pour cent des ménages urbains consomment de la viande sauvage au moins une fois par mois. Elle est consommée par manque d'autres options disponibles localement ou par préférence gustative. Les espèces les plus consommées sont les petits céphalophes bleu («antilopes», 49 pour cent), les petits singes (22 pour cent) et les potamochères («sangliers», 11 pour cent).

Si la chasse pour obtenir de la viande d’animaux sauvages n’est pas réduite à un niveau durable, les populations des espèces concernées déclineront, et le bien-être des communautés rurales et autochtones se détériora. Il y a donc un besoin urgent de trouver des solutions qui soient compatibles à la fois avec des objectifs d’éradication de la pauvreté et de la faim et de conservation de la faune sauvage.

Renforcer les capacités des communautés rurales pour améliorer la production de volailles

Le SWM Programme en République démocratique du Congo fait face à ces défis multiples en encourageant une gestion durable de la faune sauvage pour les espèces non protégées, le développement d’activités génératrice de revenu et une augmentation de l’offre en protéines alternatives, en particulier par l’appui au développement de l’élevage de volailles.

«La série de vidéos de formation du SWM Programme est utilisée pour aider les formateurs et les petits exploitants familiaux à adopter de bonnes pratiques afin d'améliorer et d'augmenter leur production de volaille (viande et œufs) pour la consommation des ménages ou pour générer des revenus à travers  la vente de ces produits » explique Aristide Ongone Obame,  Représentant Résident de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en République démocratique du Congo.

L’objectif est que les communautés rurales puissent réduire leur dépendance à l'égard de la consommation de viande sauvage, améliorer leur nutrition et générer de nouvelles sources de revenus.

«Les élèves et les enseignants de l’ITAP se sont véritablement appropriés l'initiative de l’élevage de volailles. L’engagement des participants est un signe encourageant que les résultats obtenus seront durable bien au-delà de la durée des activités du SWM Programme» témoigne Delphin Bilua, responsable chasse et viande sauvage à la RFO pour la Wildlife Conservation Society, l’organisation partenaire du SWM Programme mettant en œuvre les activités en République démocratique du Congo.

 

Favoriser l’indépendance des communautés et la durabilité

Bangi Doudou, qui vit à Epulu depuis plus de 30 ans, est propriétaire d’un restaurant bien connu des habitants de la région, le «Big Maman». Avant l’arrivée du SWM Programme, elle n’avait pas accès à la viande issue de l’élevage.  Maintenant, elle peut acheter à un prix abordable des poulets sains et produits localement à l’ITAP afin de concocter de succulentes recettes pour ses clients.

En effet, Latiwa Aliyo Cecile explique qu’avant la création de la ferme avicole de l’ITAP, en mai 2022, les habitants d'Epulu ne pouvaient acheter du poulet qu'à Mambasa, à environ 80 kilomètres de là.

Toutefois, l’enclavement d’Epulu et le mauvais état des routes, entre autres, contribuent au coût plus élevé des multiples intrants nécessaire à l'élevage de poulets. «Le coût de la nourriture, de l'eau, des vaccins et des médicaments rend la production quelque peu onéreuse» poursuit-elle.

Le SWM Programme a construit la ferme avicole de l'ITAP et l'a équipée de mangeoires, d'abreuvoirs et de seaux. Le programme a également fourni 900 poussins à l'ITAP, en trois cycles.  Par la suite, les enseignants et les élèves ont élevé 758 poulets supplémentaires, qu’ils ont vendus localement.  

Après la fin du soutien financier du SWM Programme, l’ITAP a continué de réinvestir les revenus des ventes afin de pérenniser l’élevage des poulets.  L’école rurale a ainsi pu continuer à former des élèves. Jusqu’à présent, 17 personnes dont 13 étudiants, la plupart étant des jeunes et des femmes, ont été complètement formé à l’élevage de poulets. «Il est remarquable de voir comment, en si peu de temps, l’ITAP est devenu autonome dans la production de poulets» déclare Delphin Bilua.

Ainsi, l'espoir s'élève pour atteindre un équilibre durable entre les besoins alimentaires humains et la conservation de la faune sauvage.

Le Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme) est une initiative internationale, financée par l'Union européenne et cofinancée par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et l'Agence française de développement (AFD). L'initiative est coordonnée par un consortium dynamique de quatre partenaires, notamment l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Centre de recherche forestière internationale et mondial d'agroforesterie (CIFOR-ICRAF), le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et la Wildlife Conservation Society (WCS).

En République démocratique du Congo, les activités sont mises en œuvre par WCS.

Le programme a pour vocation de restaurer l’équilibre entre sécurité alimentaire et conservation de la faune sauvage, une condition indispensable à la création d’un monde sans faim et sans pauvreté.