FAO au Sénégal

Une agriculture adaptée au Sénégal: une SAGA pour un avenir meilleur

05/09/2023

Par Dr Gouantoueu Robert Guei, Coordinateur Sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest et Représentant de la FAO au Sénégal

 

Le 25 janvier 2023, j'ai effectué une visite de terrain en compagnie de la ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Mme Martine Biron, à Pandiénou, un village situé dans la région de Thiès, à l'ouest du Sénégal. Au cours de cette visite d’un Champ-école de producteurs, j'ai rencontré des femmes et des jeunes de la région qui sont confrontés quotidiennement aux effets du changement climatique. J'ai écouté leurs histoires et j’ai pu apprécier les nombreux avantages de l'apprentissage pratique en groupe. Pandiénou est plus qu'un simple village, il incarne à la fois les défis auxquels sont confrontés de nombreux petits producteurs du Sénégal ainsi que les solutions qui existent au sein des communautés pour faire face à la crise climatique. J'ai pu constater de visu comment le projet de renforcement des capacités de planification de l’adaptation intitulé « Sécurité alimentaire : une agriculture adaptée (SAGA) » favorise l'engagement communautaire, l'agriculture résiliente et le développement durable.

 

 

Pandiénou, région de Thiès. La Ministre des relations internationales et de la francophonie du Québec, Martine Biron, et le Coordinateur sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest et Représentant de la FAO au Sénégal, Gouantoueu Robert Guei, en visite sur le terrain pour le projet SAGA. ©FAO/Yacine Cissé.

 

Au Sénégal, l'agriculture est fermement ancrée dans les communautés rurales. Les secteurs agricoles emploient plus de 27 pour cent de la population active, mais cette source de subsistance est menacée. Pandiénou, tout comme les villages voisins, témoigne de la relation profonde qui existe entre les humains et l'environnement. Le rythme de vie ici est marqué par les cultures de mil, d’arachide et de sorgho. Pourtant, le changement climatique, caractérisé par une variabilité croissante des précipitations, la hausse des températures et l'avancée de la désertification, exercent une pression croissante sur les moyens de subsistance et les revenus des petits producteurs. Avec la crise climatique assombrissant l'avenir de la sécurité alimentaire, la nécessité d’accompagner les petits producteurs à s'adapter est devenue une réalité urgente.

Renforcer l'adaptation en agriculture pour un meilleur environnement et bien plus encore

C'est dans ce contexte que le projet SAGA a émergé comme une lueur d'espoir. Financé par le gouvernement du Québec et mis en œuvre par la FAO en collaboration avec différents partenaires, SAGA renforce les capacités des agriculteurs à s'adapter au changement climatique. Le projet opère en veillant à ce que les communautés, en particulier les femmes et les jeunes, aient accès aux services vitaux de leurs écosystèmes, tout en promouvant leur durabilité. SAGA trouve écho dans le Cadre Stratégique de la FAO et la poursuite d'un meilleur environnement, qui s'engage à protéger, restaurer et promouvoir l'utilisation durable des écosystèmes terrestres et marins tout en luttant contre les changements climatiques.

Le projet met en place une variété d'initiatives pour renforcer la résilience des producteurs, notamment par l’établissement de Champs-écoles des producteurs sensibles au genre, de clubs-conseil en santé des sols, et de conseils de gestion communautaire des ressources naturelles. Les participants s'engagent dans des activités allant du maraîchage, de l'apiculture, à l'agroforesterie, aux pratiques de régénération des sols et des marres pastorales, à la collecte d'eau de pluie et au reboisement, ou encore la production de charbon végétal à faible consommation d'énergie pour préserver les forêts.

Par exemple, en Casamance, région du Sud du Sénégal, l'initiative CasaMiel a touché 277 apiculteurs, renforçant les moyens de subsistance et la résilience communautaire. En adoptant des techniques modernes de production ainsi que l’utilisation durable des ressources naturelles. Les rendements dans la région ont triplé pour la coopérative locale partenaire, passant de 2 816 litres de miel vendus en 2019 à 8 840 litres en 2021. Les efforts déployés dans le cadre de SAGA ont transcendé les silos traditionnels, générant des avantages transversaux qui touchent à l'adaptation au changement climatique, à l'égalité des sexes, à la sécurité alimentaire et à la conservation de la biodiversité. Par exemple, des initiatives comme CasaMiel ne se contentent pas de produire plus de miel ou de renforcer la biodiversité ; elles autonomisent également les femmes des communautés rurales. Les composantes sensibles au genre des Champs-écoles des producteurs encouragent les discussions sur l'estime de soi, le leadership et la communication, en faisant mieux comprendre le rôle fondamental que jouent les femmes dans l'agriculture et l'adaptation.

 Établir des liens entre les communautés et les décideurs politiques

L'expérience SAGA a démontré que de nombreuses réponses résident au sein des communautés elles-mêmes. Alors que l'impact du projet continue de se déployer, les succès réalisés offrent bien plus que des solutions ; ils offrent des connaissances et de l'inspiration pour le développement de solutions et de stratégies d'adaptation, en construisant des ponts entre les communautés et les décideurs politiques.

Les résultats et les leçons apprises documentés à travers ces initiatives alimentent la planification de l'adaptation au Sénégal, que le projet soutient en parallèle, et jettent des bases solides pour l'avenir. Par exemple, SAGA a soutenu l'élaboration d'un plan de mise en œuvre de la Contribution déterminée au niveau national (CDN), deux plans d'action régionaux d'adaptation (régions de Kolda ; Louga et Thiès) et la formulation du Plan national d'adaptation (PNA) pour le secteur de l'agriculture. Le projet a également facilité la réalisation de neuf évaluations sur la vulnérabilité aux changements climatiques ; les scénarios et le potentiel de résilience dans les domaines de l'eau, de l'élevage et de l'agroforesterie ; ainsi que les options d'adaptation en agriculture.

Coordonner les efforts pour un monde durable et libéré de la faim

L'approche inclusive de la FAO et son expertise en matière de partenariats stratégiques sont essentielles au succès de SAGA. Réunir les communautés locales, les instituts de recherche, les organisations civiles et les organismes gouvernementaux autour des mêmes objectifs permet de briser les silos sectoriels. Les synergies formées entre les différentes parties prenantes amplifient l'impact du projet, garantissant un effet de changement durable et la pérennité du projet longtemps après sa conclusion.

À mon avis, l'essence du Cadre stratégique de la FAO et de ses quatre piliers réside dans leur profonde interconnexion. Un meilleur environnement forme une tapisserie complexe tissée avec les fils d'une meilleure production, d'une meilleure nutrition et de meilleures vies. Ce projet témoigne du fait que ces piliers dépendent les uns des autres pour leur réussite. Pour atteindre nos objectifs, nous devons travailler ensemble afin d’améliorer tous les aspects des écosystèmes agricoles, assurant des avantages économiques, sociaux et environnementaux variés pour tous les Objectifs de développement durable (ODD), sans laisser personne pour compte.

SAGA : Un appel à l'action pour les régions confrontées à des défis similaires

Au Sénégal, les témoignages de transformation sont nombreux et variés. Mais ils partagent tous un fil commun : une histoire de partenariat, de résilience et d'espoir en un avenir plus brillant et plus vert. Il est maintenant temps de passer à l'échelle supérieure.

Le projet SAGA se trouve à un moment charnière puisqu'il s'apprête à entamer sa deuxième phase au Sénégal, en Haïti et en Côte d'Ivoire. Il y a un espoir palpable et des preuves pour inspirer d'autres régions à l'intérieur et au-delà des frontières du Sénégal.