Chen Gangliang, Chine


«Je me suis dit qu’étudier la valeur économique des chameaux serait un excellent moyen de protéger ces ressources tout en augmentant les revenus des éleveurs.»

Share on Facebook Share on X Share on Linkedin

FAO/ Saierjiang Haliman

05/08/2024

Il est difficile de songer à l’histoire de la Chine sans penser à la route de la soie, ou à ses longues caravanes de chameaux, qui transportaient des étoffes fines et des épices à l’autre bout du monde. Et pourtant, au début des années 2000, les chameaux de Bactriane, originaires de Chine, avaient perdu une grande partie de leur attrait économique et de leur population, y compris dans la région autonome du Xinjiang, qui était autrefois l’une des principales artères de la célèbre route commerciale. 

Il n’est donc guère surprenant qu’un entrepreneur du secteur textile les ait remis à l’honneur en établissant un nouveau type d’activité autour du chameau dans cette région du nord-ouest, où le développement économique est relativement faible par rapport à d’autres régions et où les conditions climatiques sont défavorables.

«Le nombre de chameaux en Chine a considérablement diminué car ils ont cessé de faire office de moyen de transport», explique Chen Gangliang, biogénéticien, ancien marchand de tissus et fondateur de la société Xinjiang Wangyuan Camel Milk Ltd.

© Saierjiang Haliman

«La plupart des chameaux en Chine se trouvent dans les régions pauvres peuplées par des minorités ethniques, principalement les Kazakhs et les Mongols», explique-t-il. «Je me suis dit qu’étudier la valeur économique des chameaux serait un excellent moyen de protéger ces ressources tout en augmentant les revenus des éleveurs.» 

L’idée était à la fois simple et intelligente: acheter du lait aux derniers éleveurs du comté de Fuhai, dans le Xinjiang, et encourager d’autres personnes à se lancer dans ce secteur en leur proposant des prêts sans intérêt pour acheter leurs premiers chameaux. Dans le cadre de l’accord, Chen Gangliang se chargerait d’acheter et de collecter tout le lait qu’ils souhaiteraient vendre. 

La principale difficulté qu’il a rencontrée était liée au lait de chamelle lui-même. En effet, ce dernier tourne rapidement, ce qui le rend particulièrement difficile à conserver, et par conséquent à transporter puis à vendre dans le reste de la Chine, et plus encore à l’étranger. Avec ses chercheurs, Chen Gangliang a mené 103 expériences et dépensé plus de 1,4 million d’USD dans le but de mettre au point une technique de biofiltre permettant de conserver le lait de chamelle frais pendant au moins six mois, sans conservateurs ni additifs. C’est ainsi que, pratiquement du jour au lendemain, la production de lait de chamelle est devenue une activité lucrative dans le comté de Fuhai. Aujourd’hui, l’entreprise de Chen Gangliang produit du lait de chamelle pour une valeur de quelque 150 millions d’USD par an.

© Saierjiang Haliman

Depuis sa création en 2007, elle a accordé près de 1 600 prêts, et elle achète aujourd’hui jusqu’à 30 tonnes de lait par jour en hiver et 65 tonnes en été, à un prix équitable. Dans l’ensemble du comté de Fuhai, des centaines d’éleveurs et de coopératives tirent désormais un revenu stable du secteur, et d’autres comtés et entreprises ont repris ce modèle. La population de chameaux du comté de Fuhai est passée d’environ 3 000 en 2006 à quelque 38 000 aujourd’hui. En éliminant les risques et la nécessité de disposer d’un capital de base, qui empêchent souvent les éleveurs de chameaux pauvres de se constituer des moyens de subsistance, l’initiative de Chen a permis de développer à la fois l’entrepreneuriat individuel et une nouvelle économie du chameau dans le Xinjiang.