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Le jeu peut-il améliorer la conservation de la faune sauvage dans le bassin du Congo?


Des approches durables qui bénéficient aux animaux sauvages et aux communautés vivant de la chasse

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Au Congo, le Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme) vise à améliorer la gestion communautaire de la faune par des pratiques de chasse durables, tout en développant d’autres sources de protéines et moyens de subsistance. © Brent Stirton/Getty Images pour la FAO, le CIFOR-ICRAF, le CIRAD et WCS

27/02/2024

Dans le village de Kabo, dans le bassin du Congo, des hommes jouent à un jeu assis en rond. À tour de rôle, chacun prélève quelques haricots d’un petit sac de tissu. Ils s’observent et se sourient en silence, car il est interdit de parler. À mesure que le jeu progresse, le sac se vide rapidement et les joueurs comptent leur butin.

Dans un jeu classique, le gagnant aurait été le joueur avec le plus de haricots à la fin. Dans celui‑ci, tous les participants ont perdu.

En effet, les haricots représentent les animaux sauvages, le sac symbolise la forêt et les joueurs sont des chasseurs. Chaque joueur peut bien avoir un beau tas de haricots, lequel représente de la viande à consommer et à vendre, mais le sac symbolisant la forêt ayant été vidé, plus personnes n’a de ressources pour gagner sa vie et nourrir sa famille.

Ce jeu simple est conçu pour mieux faire comprendre les potentielles implications que la chasse pratiquée de manière non durable à plus grande échelle pourrait avoir sur l’alimentation et les revenus des générations futures. Pour les populations autochtones bantoues et baakas de Kabo et d’autres villages alentours, la viande d’animaux sauvages est depuis longtemps la principale source de protéines et l’une des rares sources de revenus stables dans cette région reculée. On estime que la consommation de viande sauvage couvre 60 à 80 pour cent des besoins journaliers en protéines de certaines communautés du bassin du Congo.

La croissance démographique dans les zones urbaines du Congo a rapidement fait augmenter la demande de viande sauvage. De plus, la porosité des frontières avec les pays voisins a ouvert la voie au trafic illégal d’espèces animales.

La pratique excessive de la chasse qui en a résulté, associée à la déforestation, la pollution, les maladies et le changement climatique, a entraîné la diminution des populations d’animaux sauvages dans le bassin du Congo, la deuxième plus grande forêt tropicale après l’Amazonie.

«Avant, je trouvais facilement de petits animaux comme des céphalophes et des potamochères. Maintenant c’est plus difficile», explique Jean-Louis Pollo, un chasseur participant au jeu. «Grâce à la chasse, je nourris ma famille et je finance les études de mes enfants.»

Les chasseurs de l’association Kabo-Gbabali jouent à un jeu pour mieux comprendre les potentielles implications de pratiques de chasse non durables sur l’alimentation et les revenus des générations futures. ©FAO/Cindy Côté-Andreetti

Comment le jeu peut aider à résoudre les problèmes

Le jeu Kuwinda Nyama n’est qu’un des éléments innovants du Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme), coordonné par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Centre de recherche forestière internationale – Centre mondial d’agroforesterie (CIFOR-ICRAF), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et la Wildlife Conservation Society (WCS). Le Programme vise à rétablir l’équilibre entre sécurité alimentaire et conservation de la faune sauvage.

Au fil des parties, le jeu se complexifie avec l’introduction de plusieurs sacs ou bols représentant différentes parties de la forêt et de haricots colorés symbolisant des animaux locaux (mâles et femelles). De nouveaux haricots sont ajoutés quand les espèces ont le temps de se reproduire. Plusieurs scénarios sont possibles. Les joueurs doivent d’abord travailler seuls, puis ils sont invités dans un second temps à réfléchir à une stratégie commune. Faut-il se limiter à chasser des rongeurs (dont la reproduction est rapide) et cesser la chasse des primates (dont la reproduction est lente)? Si les joueurs trouvent un moyen de continuer à chasser tout en s’assurant que les sacs se remplissent à nouveau, alors la partie est gagnée.

«Tout le monde se prend au jeu et échange des idées pour trouver comment résoudre les problèmes de chasse et gagner», explique Gracia Dorielle Ngohouani, responsable des pratiques de chasse durables pour la WCS. «Ce faisant, les joueurs sont également confrontés à l’importante question de la préservation des ressources fauniques pour les générations futures.»

L’union fait la force

Alors qu’ils avaient toujours chassé de manière individuelle, 94 chasseurs prennent désormais des décisions de gestion de la chasse ensemble en tant qu’association, avec le soutien du Programme. Sous l’impulsion de Jean-Louis, l’association de chasseurs apprend à dresser des inventaires, à effectuer le suivi des animaux chassés et à convenir de règles, de quotas et de zones d’interdiction, lesquelles sont soumises à des rotations pour permettre le repeuplement de la faune sauvage.

L’association teste actuellement des systèmes de suivi. Par exemple, les membres peuvent indiquer où ils ont chassé, et quel gibier ils ont rapporté, en mettant des tiges dans de grandes boîtes disposées dans le village.

Le SWM Programme est présent dans plus de 15 pays et vise à rétablir l’équilibre entre sécurité alimentaire et conservation de la faune sauvage. © Brent Stirton/Getty Images pour la FAO, le CIFOR-ICRAF, le CIRAD et WCS

Les communautés, moteur de la gestion durable de la faune sauvage

Dans un pays où l’État est propriétaire des forêts et de leurs ressources naturelles, l’objectif à long terme de l’association est d’obtenir des droits formels sur la faune sauvage de la région et de pouvoir gérer la faune sauvage de manière durable.

«Le SWM Programme renforce les capacités de gestion de communautés rurales et d’associations de chasseurs du nord du Congo afin qu’elles utilisent la faune sauvage et les écosystèmes de manière viable et légale. Il propose aussi des alternatives visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés. Le but est que celles-ci deviennent les meilleures alliées des pouvoirs publics dans la conservation de la nature et le développement des zones rurales», explique Yannick Rasoarimanana, Représentante de la FAO au Congo.

Le SWM Programme est financé par l’Union européenne, et cofinancé par le Fonds français pour l’environnement mondial et l’Agence française de développement. Il travaille en étroite collaboration avec les associations de chasseurs, les pouvoirs publics et les concessions forestières pour que les règles des chasseurs et les besoins des communautés soient pris en compte.

En parallèle, la FAO travaille aussi avec l’État sur la réforme de la loi sur la faune sauvage et les aires protégées afin de concilier croissance économique, prise en compte des communautés locales et conservation de l’environnement.

«Cette approche de partenariat en matière de conservation et d’utilisation durable de la faune sauvage va nous aider à parvenir à une cohabitation saine et durable entre les êtres humains, l’environnement et les animaux sauvages», assure Giacomo Durazzo, Ambassadeur de l’Union européenne au Congo.

Le Programme aide également les populations rurales à développer d’autres sources de nutrition grâce à l’élevage de volailles et de petits ruminants et encourage la consommation de ces viandes dans les zones urbaines.

Le jeu sur la chasse a marqué les esprits.

«Maintenant nous sommes conscients qu’il y a des règles à appliquer pour ne pas chasser de manière excessive», déclare Jean-Louis. «Je pense que si nous arrivons à appliquer ces règles, il y aura toujours du gibier à Kabo.»

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