EAF-Nansen Programme

La découverte d'une nouvelle espèce de poisson-guitare géant au Bangladesh incite le pays à mener des recherches taxonomiques approfondies

21/12/2021

« Pitambori » est le nom que les pêcheurs bangladais donnent aux espèces de poissons-guitares découvertes dans le pays. C'est également ainsi qu'ils désignent une nouvelle espèce découverte – glaucostegus younholeei – décrite à partir de 13 spécimens collectés sur un site de débarquement de poissons dans le district de Cox's Bazar au Bangladesh. Bien qu'appartenant à la famille des Glaucostegidae – communément appelés poissons-guitares géants – cette espèce présente des différences morphologiques et génétiques évidentes par rapport à ses plus proches parents. Les poissons-guitares géants habitent principalement les zones côtières subtropicales et tropicales de l'Indo-Pacifique et de l'Atlantique oriental, mais une espèce a également été repérée en Méditerranée. Ces poissons vivent près du fond de la mer et se nourrissent principalement d'invertébrés benthiques et de petits poissons. À ce jour, glaucostegus younholeei n'a été trouvé qu'au Bangladesh (d'où son nom commun de poisson-guitare bangladais), mais il se peut qu'il soit également présent dans d'autres zones du golfe du Bengale, voire dans d'autres régions. 

Prof. Kazi Ahsan pendant le cours de taxonomie @FAO Yayedul Islam pendant le cours de taxonomie. @FAO

Les premières informations sur l'existence de la nouvelle espèce de poisson-guitare géant ont été fournies lors de la formation sur la taxonomie de base et l'identification des poissons et macroinvertébrés marins, qui s'est tenue du 15 au 27 juin 2019 et a été organisée par le département de la pêche du Ministère de la Pêche et de l'Élevage à Chattogram, au Bangladesh, et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Une certaine confusion est apparue au sujet de deux spécimens mâles de poisson-guitare géant sexuellement matures, identifiés provisoirement comme glaucostegus granulatus, dont la taille corporelle était inhabituellement petite. Étant donné que les différences en termes de cycle de vie, comme la maturation sexuelle, peuvent indiquer des formes distinctes au sein de complexes d'espèces, les participants ont conclu que les deux spécimens « nains » de g.granulatus observés pendant la formation pourraient représenter une espèce distincte encore non décrite et confondue sous ce nom. Inspirés par ces résultats, le professeur Kazi Ahsan Habib et Md. Jayedul Islam – deux participants à la formation – ont collecté d'autres spécimens et ont résolu la question par l'étude morphologique et l'analyse du codage à barre de l'ADN de quatre individus femelles et neuf individus mâles, et ont prouvé que cette forme naine est une nouvelle espèce pour la science.

Les poissons-guitares géants sont des raies qui ressemblent à des requins et qui sont menacées à l'échelle mondiale. Comme d'autres poissons élasmobranches (c'est-à-dire requins, raies, poissons-scie), leur cycle de vie est caractérisé par une croissance lente, une maturation tardive, une longue gestation et une faible fécondité, d'où leur grande vulnérabilité à la surpêche. Ces dernières années, leur statut de conservation a attiré une attention mondiale en raison d'un risque élevé d'extinction. La dernière mise à jour de la liste rouge mondiale des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), parue en juillet 2019, indique que les six espèces de poissons-guitares géants sont classées dans la catégorie « en danger critique d'extinction ». Elles ont également été classées à l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) à cause d'un déclin important de la population provoqué par une forte pression de pêche et la popularité de leurs nageoires sur le marché international.

Si la découverte d'une nouvelle espèce au Bangladesh est passionnante, elle souligne en même temps la nécessité de prendre des mesures appropriées pour sa gestion future. 

Aperçu dorsal de Glaucostegus younholeei venant de Cox’s Bazar, Bangladesh

Les cours de taxonomie s'inscrivent dans le cadre des efforts de renforcement des capacités du programme EAF-Nansen dans les pays partenaires d'Afrique et du golfe du Bengale. Les formations favorisent la collaboration entre les participants de différents instituts, universités et centres de recherche dans un pays ou une région donnée. Ces échanges contribuent au partage des connaissances et à l'amélioration de la qualité des données halieutiques pour une meilleure gestion future de la pêche. Grâce à la formation en taxonomie qui s'est tenue à Chattogram, le Bangladesh a pris conscience de l'urgence de renforcer les compétences des fonctionnaires nationaux chargés de la pêche et des sciences afin de mieux identifier les espèces marines pour une gestion efficace et durable de la pêche, surtout dans le contexte actuel où la surpêche, le changement climatique et la pollution marine ont un impact sans précédent sur les ressources halieutiques. Le Bangladesh a également souligné son ambition de renforcer son engagement dans la recherche taxonomique, aussi bien au niveau national qu'international.