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Entraide chez les agricultrices au Soudan du Sud


Comment un groupe d’agricultrices à Rumbek a créé une incroyable communauté

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À Rumbek (Soudan du Sud), des agricultrices à la tête d’un groupe qui comprend également des hommes nourrissent leurs familles et se prêtent un précieux soutien mutuel. ©FAO/Andreea Campeanu

03/08/2020

«Dans la langue Dinka, un adage dit: les hommes mangent d’abord, puis les femmes et enfin les enfants. Mais ici, nous les femmes, nous mangeons aux côtés des hommes». 

Apande Dut sourit en prononçant cette phrase. Elle est assise avec tout un groupe de femmes à l’ombre d’un manguier et décortique des arachides en allaitant ses enfants. Ces femmes sont toutes membres d’un groupe d’agriculteurs, composé en majorité de femmes, à Rumbek, au Soudan du Sud.

Jusqu’en 2018, Apande et son amie Agok, membre de la même communauté, travaillaient chacune de leur côté, mais leurs connaissances agricoles étaient limitées et, dans des conditions de production aussi difficiles, elles n’arrivaient jamais à produire suffisamment.

La région est touchée par les conflits et la violence, ce qui complique l’accès aux marchés pour les agriculteurs. De fait, seulement 31 pour cent des foyers de l’État des Lacs ont accès à des aliments toute l’année.

Lorsque Apande et Agok ont entendu dire qu’un groupe d’agriculteurs s’était constitué tout près de chez elles, dans le cadre du projet sur l’agriculture durable en faveur de la résilience économique, mené par la FAO et financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), elles ont décidé de se joindre au groupe.

«Nhom Lau» signifie liberté

Le groupe d’Apande et Agok est constitué de 28 femmes et de deux hommes seulement, ce qui est rare dans la société du Soudan du Sud, traditionnellement dominée par les hommes. Les membres ont donné à leur groupe le nom de «Nhom Lau», ce qui veut dire «liberté» dans leur langue. Ils veulent par là exprimer la liberté financière et sociale qu’ils ont trouvé grâce au groupe, qui en outre contribue à soutenir leurs moyens d’existence. Grâce au projet, ils ont adopté de meilleures pratiques agricoles, mis en commun des informations et commencé à produire et à gagner davantage, tout en s’encourageant et en s’aidant mutuellement à persévérer. 

Dans le cadre des séances de formation organisées par la FAO, les membres du groupe ont reçu des outils agricoles, des informations et une initiation à l’agronomie et à la gestion, ce qui s’est traduit par une hausse de la production et une diversification des produits. L’équipe cultive à présent des légumes et des arachides en coques, à 1 kilomètre environ de Rumbek.

À présent, les membres du groupe produisent des aliments qu’ils vendent à la communauté, ce qui contribue à la sécurité alimentaire dans cette région instable. Le groupe est aussi un système d’entraide, qui profite à tous. ©FAO/Andrea Campeanu

Dans le cadre du projet FAO-USAID, la communauté bénéficiaire a aussi reçu un soutien financier. Pour aller plus loin, le groupe a également introduit un système d’épargne et de prêt, un dispositif qu’on rencontre peu au Soudan du Sud. Dans une région où l’accès aux services financiers formels est compliqué, les initiatives de groupe comme celle-ci sont essentielles, car elles permettent d’offrir des services d’épargne et de crédit de base qui aident les membres à investir dans leurs terres et à augmenter leurs profits.

Le groupe a mis en place un système de caisse d’épargne, auquel chaque membre contribue à hauteur de 320 livres sud-soudanaise (soit 1,30 USD) par semaine. Sur l’année, ce sont 340 800 livres sud-soudanaise (environ 1 200 USD) qui sont ainsi versées dans la caisse. Le groupe envisage aussi d’ouvrir un compte en banque et d’utiliser l’argent mis de côté pour commencer à acheter du matériel agricole plus moderne qui permettrait de réduire le temps de travail et d’augmenter les capacités de récolte.

Un soutien financier, mais aussi un soutien émotionnel.

Pour certaines femmes, le soutien du groupe n’a pas été que financier: il a changé leur vie. Il y a quelques années, Agok a appris que, pour des raisons médicales, elle ne pourrait pas avoir d’enfant. Bouleversée, elle s’est tournée vers les femmes de son groupe. Le groupe a alors décidé d’utiliser une partie de l’argent économisé pour l’aider à se rendre dans l’une des plus grandes villes du Soudan du Sud, Wau, afin qu’elle puisse consulter un médecin et bénéficier d’un traitement médical. Agok est maintenant mère de trois beaux enfants.

Si les femmes disent préférer faire partie du groupe, plutôt que cultiver chacune de leur côté, c’est en partie à cause de ce soutien et de cette solidarité. Pour Agok, «quand on travaille, on peut discuter des problèmes de femmes dont il est d’habitude difficile de parler et on peut se donner des conseils et s’entraider». 

Les femmes du groupe d’Apande et d’Agok sont toutes mariées, mais leurs maris doivent souvent rester éloignés de la famille pour s’occuper du bétail. Les femmes sont alors seules pour gérer leur famille nombreuse, mais comme elles disposent de leurs propres sources de revenu, elles sont plus indépendantes.

«Quand on s’occupe toutes ensemble des cultures, on n’est plus obligées de compter sur les hommes. Avant de me joindre au groupe, je ne participais pas aux décisions financières, mais maintenant j’ai mon propre argent. Quand mon mari part avec le troupeau, je peux subvenir seule aux besoins de ma famille», dit Agok avec joie.

Avant de devenir membre du groupe, beaucoup de ces femmes vendaient de l’alcool, ce qui peut être un métier dangereux, car il arrive que les clients, en général des hommes, deviennent violents ou partent sans payer. La culture collective des légumes leur permet de disposer d’un revenu sûr et du soutien des autres femmes. Pour Agok et les autres agricultrices, le soutien du groupe est très important.

Les choses se passent si bien pour les membres du groupe, qu’ils pensent développer leur activité et ouvrir un compte en banque. ©FAO/Andreea Campeanu

Dans les régions du Soudan du Sud comme celle dans laquelle vivent Agok et Apande, l’agriculture est un dur métier, d’autant plus pour les femmes, qui doivent en plus s’occuper des enfants et du ménage. Les groupes d’agriculture communautaire permettent aux femmes de s’entraider et de mutualiser leurs ressources, ce qui favorise la sécurité financière et alimentaire des familles et de l’ensemble de la communauté. Mais, pour ces femmes, le groupe signifie bien plus que ça. Il représente la «Nhom lau», la liberté de faire leurs propres choix et d’améliorer leurs conditions de vie. Pour parvenir à l’égalité des sexes partout dans le monde et offrir à tous un avenir placé sous le signe de la sécurité alimentaire, rien n’est plus essentiel.

Actualisation : La pandémie de COVID-19 au Soudan du Sud

Bien que peu de cas aient été signalés au Soudan du Sud, l'épidémie de COVID-19 et les mesures de précaution visant à limiter sa propagation, notamment la fermeture des frontières internationales, les restrictions de mouvement, les couvre-feux et le confinement, menacent de paralyser un système alimentaire déjà fragile et ont un impact négatif sur plus de 6,5 millions de Sud-Soudanais. Les agricultrices du Soudan du Sud en ressentent plus fortement les effets, car leurs moyens d’existence sont souvent plus informels, notamment les activités dans le secteur des services ou le commerce transfrontalier.

La FAO soutient les communautés pendant la pandémie en livrant des semences et des outils aux agriculteurs dans tout le pays, en distribuant des affiches contenant des conseils d'hygiène et en menant des opérations d'assainissement des marchés. En juillet, la FAO et le PAM lancent un projet financé par l'USAID visant à atténuer l'impact du COVID-19 sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages économiquement vulnérables dans les zones urbaines. Le projet vise à améliorer la production de légumes et à soutenir la nutrition et les revenus des ménages urbains pauvres à Juba, Nimule, Wau et Aweil.

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