Du fait de ses réalités géographiques uniques, notamment les particularités de son sol et son climat, la Jamaïque produit l’un des meilleurs gingembres au monde. La FAO s’est associée à des entités publiques et privées afin de protéger le secteur contre une maladie destructrice causant la pourriture du rhizome du gingembre. ©Akin_EO/shutterstock.com
La ginger beer, le thé ou les biscuits au gingembre jamaïcain ont une place de choix dans les placards de nombreux foyers. Si l’excellent gingembre de l’île des Caraïbes, prisé pour sa saveur puissante et piquante, a longtemps joui d’une renommée mondiale, le secteur est aujourd’hui menacé.
Pendant des années, la pourriture du rhizome du gingembre a ravagé la production d’un bout à l’autre de l’île, obligeant même de nombreux agriculteurs à abandonner complètement la culture du gingembre. La présence de la maladie fut telle que la production de gingembre en Jamaïque a presque diminué de moitié entre 2015 et 2018.
Un groupe de héros de l’alimentation issus des secteurs public et privé, le Ginger Working Group, a toutefois œuvré à la revitalisation du secteur et au retour du gingembre jamaïcain sur le devant du marché mondial.
Le retour du gingembre jamaïcain
Avec l’aide de la FAO, le groupe a conçu une stratégie à long terme visant à redonner vie au secteur. Sa plus grande réussite à ce jour? La mise en place d’un programme de certification commerciale qui aide à garantir la quantité, la qualité et la diversité des produits du gingembre jamaïcain, et qui rassure et encourage les acheteurs locaux et internationaux.
Le programme de certification offre deux grands avantages. D’une part, il impose que les producteurs de gingembre utilisent des semences propres et exemptes de maladies et qu’ils appliquent des bonnes pratiques sur leur exploitation afin de réduire au minimum le risque d’infection des plants pendant leur croissance. En Jamaïque, la maladie s’est largement propagée car de nombreux agriculteurs plantaient involontairement du gingembre contaminé sur leur terrain. Le nouveau programme de certification garantit que les semences sont saines et que les pépinières et les exploitations membres respectent des protocoles de sécurité visant à réduire en tout temps l’impact de la maladie. D’autre part, le programme garantit la qualité et l’origine du gingembre, renforçant ainsi la confiance des acheteurs et la valeur des produits sur le marché mondial.
À l’heure actuelle, des travaux visant à intégrer au certificat un système de traçabilité sont en cours, dans un souci de raffermir encore la confiance.
«La conception d’un programme de certification du gingembre assorti d’un système de traçabilité nous permettra de voir qui achète nos produits et de labéliser officiellement le gingembre jamaïcain, créant ainsi un marché de niche et des prix intéressants pour un produit authentique. Tout le monde y gagnera, d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur», affirme Michelle Sherwood, Présidente du Ginger Working Group.
Grâce au nouveau programme de certification, le risque de pourriture du rhizome du gingembre est réduit au minimum et le secteur du gingembre jamaïcain attire de nouveau les acheteurs. ©FAO/Nickeisha T. Reid
Pour la suite du programme, la FAO aide le Ministère jamaïcain de l’agriculture et de la pêche à produire du gingembre sain à partir d’une culture tissulaire. L’Organisation a rénové une serre créant les conditions nécessaires à ce processus qui a permis de faire pousser, dans des pépinières, de nouvelles plantules exemptes de la maladie causant la pourriture du rhizome du gingembre, ensuite vendues à des agriculteurs afin d’être cultivées. En outre, l’introduction de nouvelles technologies entraînera une baisse du coût des semences pouvant aller jusqu’à 75 pour cent, semences que les producteurs doivent acheter tous les ans.
Depuis deux ans, la FAO assure aussi des sessions de formation à l’intention des organismes publics, des personnes travaillant dans les pépinières et des agriculteurs sur les bonnes pratiques agricoles qui permettent d’accroître la production de gingembre propre et sain. À ce jour, l’Organisation a dispensé la formation à deux organismes publics au sein du Ministère de l’agriculture et de la pêche afin qu’ils puissent aider à leur tour. Ce personnel formé enseignera désormais aux personnes travaillant dans les pépinières et aux agriculteurs les protocoles indiqués pour tenir la maladie à distance.
La FAO a contribué à la mise en place de nouvelles technologies qui permettent de faire pousser dans des pépinières des plantules de gingembre exemptes de la maladie causant la pourriture du rhizome. ©FAO/Saravanakumar Duraisamy
Sur le chemin de la commercialisation
Aux côtés de l’équipe de la FAO, le Ministère a fait la promotion du modèle de certification commerciale non seulement aux producteurs et aux cultivateurs de gingembre, mais aussi aux entreprises de fabrication locales. Pour inciter les agriculteurs à adhérer au modèle de certification, ce qui représente une hausse de leurs coûts, les potentiels acheteurs de gingembre frais ont été mobilisés. Ainsi, les agriculteurs savent à qui ils vont vendre leurs produits avant même de commencer les plantations et ils comprennent alors l’intérêt d’investir dans les meilleures pratiques de production. Les entreprises de fabrication locales sont aussi gagnantes puisqu’elles savent que les agriculteurs qui plantent du gingembre certifié afficheront un meilleur rendement et elles sont sûres de pouvoir acquérir une quantité suffisante de produit pour le bon fonctionnement de leur activité. Fin mai, le programme avait suscité l’intérêt d’agriculteurs et d’acteurs du secteur privé et plusieurs accords étaient sur la table.
«La collaboration accrue entre les organismes du secteur public a permis de rassurer le secteur privé et de lui donner envie d’investir dans le secteur», affirme Gusland McCook, Directeur général par intérim de l’un des ministères participants.
Depuis le début de la pandémie de covid-19, les activités de commercialisation ont malheureusement été interrompues, et les restrictions imposées aux déplacements ont perturbé le fonctionnement des pépinières et des exploitations, menaçant l’avancement du projet. Cela dit, ces perturbations n’ont pas empêché une équipe variée et de plus en plus grande, composée de partenaires des secteurs public et privé, de continuer à collaborer virtuellement afin de promouvoir la production du gingembre en Jamaïque.
Six mois plus tard, la Jamaïque a remporté haut la main l’épreuve décisive imposée par la covid‑19: faire face à des risques divers et imprévus sur l’ensemble de la chaîne de valeur, tout en veillant au développement du pays. La production actuelle de gingembre a augmenté grâce à des formations techniques, incitant les producteurs à investir dans la production à grande échelle de gingembre certifié, et grâce à l’impressionnante coordination entre tous les partenaires publics. Aujourd’hui, cinq organismes publics travaillent main dans la main dans le cadre de ce programme de certification commun.
La maladie causant la pourriture du rhizome du gingembre ne disparaîtra pas en un jour, mais la collaboration par le biais de partenariats privé-public a déjà permis d’accomplir d’énormes progrès. Grâce au nouveau programme de certification, le taux de rendement national devrait doubler, passant de 12 à 24 tonnes métriques par hectare, et revenir ainsi à la normale.
De toute évidence, la collaboration est essentielle à la mise en place de systèmes alimentaires plus durables dans le monde entier. Grâce au partenariat entre la FAO et le Ginger Working Group en cours depuis deux ans, la gestion des récoltes de gingembre en Jamaïque est désormais plus saine et durable, aidant le secteur du gingembre à se reconstruire sur de meilleures bases et à se remettre en piste.
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