Zaza Ivanidze fait du pain avec une espèce de blé rouge menacée qui est nutritive et particulièrement adaptée au climat de la Géorgie: tsiteli doli. ©FAO/Paata Vardanashvili
Lorsque Zaza Ivanidze et sa femme, Tinatin Chilingarashvili, ont fait cuire pour la première fois, dans leur petite ferme de Géorgie, du pain fabriqué avec de la farine issue d’une variété de blé rouge locale, ancienne et menacée, akhaltsikhe tsiteli doli, ils ont découvert un goût qui les a fait voyager avec nostalgie vers le passé.
«Au début, nous avons été épatés par son goût, qui nous a fait revivre des souvenirs d’enfance», affirme le petit exploitant âgé de 40 ans. «Avec le temps, nous avons également appris non seulement que ce pain était riche en nutriments, mais qu’il avait aussi une durée de conservation plus longue.» Il n’est pas étonnant, ajoute-t-il, que de nombreuses personnes pensent aujourd’hui que les anciennes générations vivaient plus longtemps et étaient en meilleure santé.
Zaza explique que son grand-père, de qui il a appris les techniques de cuisson traditionnelles, a vécu jusqu’à 100 ans. La tenace tsiteli doli est à l’image de la constitution robuste du vieil homme: elle prospère dans cette région du sud du Caucase malgré la pauvreté des sols et la rigueur du climat pendant les hivers très froids et les étés chauds et secs.
La première expérience de Zaza avec le pain, réalisée grâce à une recette familiale vieille de 10 ans, a été un nouveau départ pour le diplômé en économie.
Zaza et Tinatin se sont joints aux efforts menés par la Géorgie et soutenus par la BERD, la FAO et leurs partenaires pour promouvoir l’agrotourisme grâce à l’attractivité des aliments typiques du pays. ©FAO/Paata Vardanashvili
L’étape suivante a eu lieu en octobre 2021, lorsque Zaza et Tinatin ont ouvert une petite boulangerie. Ils y vendent différents types de pains et de pâtisseries qui sont fabriqués avec du blé rouge et d’autres ingrédients sélectionnés et qui sont cuits dans un four à bois traditionnel en pierre. Ils obtiennent ainsi des produits de boulangerie aussi délicieux que nutritifs.
La plupart de leurs clients sont des locaux qui passent au magasin ou qui en ont entendu parler grâce à la page Facebook. Ils ont également organisé des dégustations sur place et ont distribué des échantillons de pains aux villageois et à tous ceux qui ont été attirés par l’odeur alléchante des miches.
Zaza n’est que l’un des nombreux agriculteurs qui ont participé à une série d’ateliers organisés par le Centre d’investissement de la FAO et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Dans ce cadre, il a pris part à une initiative qui vise à faciliter l’investissement responsable, inclusif et respectueux de l’environnement dans le développement du secteur de l’agrotourisme sur sa terre natale montagneuse.
Grâce à la richesse de ses traditions gastronomiques, de son patrimoine culturel et de ses paysages saisissants, la Géorgie a pour ambition de devenir l’une des principales destinations de l’agrotourisme durable dans la région au cours de la prochaine décennie.
Pour aider le pays à y parvenir, la FAO et la BERD travaillent en partenariat avec le Ministère de la protection de l’environnement et de l’agriculture de la Géorgie, l’Administration nationale du tourisme en Géorgie et d’autres organisations locales. L’initiative, qui a également été lancée dans plusieurs autres pays, notamment le Monténégro et la Jordanie, porte sur tous les aspects: elle concerne tant la mise en place de la législation et des investissements nécessaires, que la présentation de la gastronomie locale ou la création d’expériences touristiques mémorables.
Dans la région où Zaza pratique son activité agricole, la Samtskhé-Djavakhétie, un projet pilote a été lancé, afin de développer l’agrotourisme dans le pays en mettant en avant la variété tsiteli doli et un fromage traditionnel appelé tenili. Un plan stratégique d’ensemble a été mis au point. Il présente des gastroroutes, qui permettent aussi bien aux touristes gourmets qu’aux locaux de goûter les meilleurs produits en empruntant un itinéraire soigneusement planifié qui passe par une ferme pédagogique.
Un des autres objectifs principaux de l’initiative consiste à mettre en évidence le lien entre la qualité et la valeur d’un produit et la nécessité de prendre en compte et de préserver la biodiversité. Tsiteli doli est une espèce unique et menacée, dont le rôle dans les écosystèmes de la région et les qualités nutritionnelles sont mis en valeur. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour la promouvoir et la protéger.
Pour les agriculteurs comme Zaza, l’intérêt croissant pour les aliments traditionnels signifie qu’il faut désormais se tourner vers certaines techniques abandonnées depuis longtemps mais plus respectueuses de l’environnement. «Mon grand-père utilisait des bœufs et une charrue pour travailler la terre et semer. Il récoltait et nettoyait le blé à la main et moulait le grain dans le moulin à eau du village. À la fin, nous avions un délicieux pain tout juste sorti du four sur notre table.»
Le projet de boulangerie, associé à l’initiative d’agrotourisme soutenue par la BERD, la FAO et ses partenaires, montre parfaitement comment la culture alimentaire traditionnelle peut revitaliser les économies locales. ©FAO/Paata Vardanashvili
La clé de l’agrotourisme
Afin que le plan d’ensemble visant à promouvoir l’agrotourisme et à investir davantage dans le secteur puisse fonctionner, il faut parvenir à réunir différentes parties prenantes autour d’une vision commune, affirme Mariam Zhorzhikashvili, Directrice du développement des projets au sein de l’agence de développement du tourisme de l’Iméréthie, un des groupes locaux qui participent au projet.
«Nous espérons que la communication sera meilleure, en particulier entre le secteur privé et le gouvernement», affirme-t-elle, avant d’ajouter que la feuille de route pour l’agrotourisme dans la région «améliorera la qualité des services fournis par les agriculteurs et entreprises agroalimentaires locaux, favorisera la production de haute qualité et rehaussera le sens de l’hospitalité de tous les participants».
En attendant, la priorité pour Zaza et Tinatin est de satisfaire la demande croissante pour leurs produits. Leur boulangerie n’est ouverte que depuis quelques mois, mais ils reçoivent déjà des commandes spéciales de la part des commerces alimentaires et des restaurants locaux. À l’avenir, ils prévoient d’ajouter un service de livraison et de diversifier le menu en ajoutant des pâtisseries et des plats traditionnels à base de pâte à pain, notamment ceux que l’on appelle tutmaji, makarlama et tatarberagi.
Cette entreprise, comme de nombreuses autres qui sont liées à l’initiative soutenue par la FAO et la BERD, montre parfaitement comment on peut faire revivre la culture alimentaire traditionnelle pour revitaliser les économies locales, maintenir les petites entreprises à flot et préserver la gastronomie, la biodiversité et la beauté naturelle sans égal d’un pays.
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