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Pour les mers et pour les papilles: aider à rendre l’oursin viable sur le long terme


Accompagner les fonctions économiques et écologiques de cette créature hérissée de piquants mais fragile

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Malgré leur apparence vigoureuse, les oursins sont sensibles aux conditions environnementales et fragilisés par le changement climatique et la pollution. ©FAO/Intissare Aamri

25/10/2023

Les eaux turquoise qui entourent l’île italienne de Procida dans le golfe de Naples abritent un milieu marin riche et dynamique. C’est là que se niche l’oursin violet (Paracentrotus lividus), un échinoderme herbivore important dont se nourrissent un certain nombre de poissons, étoiles de mer et mollusques. Cette créature de taille modeste, bardée de piquants, régule le volume des algues et fait ainsi office d’espèce clé de voûte pour le maintien de la dynamique des écosystèmes marins proches des rivages.

Étant l’un des organismes sur lesquels s’articule le système écologique de la région, il est également utilisé comme modèle en biologie du développement et comme moyen d’évaluation de la qualité de l’environnement. Les oursins sont en effet sensibles à l’état de l’environnement et cette espèce souffre du changement climatique et de la pollution. L’oursin étant également un mets recherché dans de nombreux pays, il subit la pression supplémentaire de la surpêche dans certaines zones.

Il n’en demeure pas moins que si cette espèce disparaît de certains sites, d’autres zones connaissent une surpopulation d’oursins qui peut entraîner une raréfaction des algues et d’autres végétaux marins; on se trouve alors face à une zone stérile qu’on appelle «landes à oursins». Ces deux cas de figure qui s’opposent appellent des solutions individualisées.

La Commission générale des pêches pour la Méditerranée (GFCM) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aide les pays et les pêcheurs à s’attaquer à ces deux problèmes. Dans le premier cas de figure, la GFCM publie des directives spécifiques visant à développer une aquaculture restauratrice, axée sur des espèces essentielles comme les oursins, les algues et les coquillages; dans le cas opposé, elle aide à l’enlèvement des oursins et à leur commercialisation sur les marchés où sont proposés des produits gastronomiques, ce qui aide à reconstituer les peuplements d’algues marines tout en valorisant cette espèce.

À Procida (Italie) la Commission générale des pêches pour la Méditerranée recueille de précieuses informations sur le repeuplement de cette espèce, en vue de pérenniser la présence de l’oursin et sa viabilité commerciale en Méditerranée. À gauche/en haut:

La conservation par l’aquaculture

La population des oursins de Méditerranée fait l’objet de toutes les attentions. S’il est exact que le statut de l’espèce et les impacts qu’elle subit varient en fonction des facteurs locaux et des modalités de sa récolte, il n’en demeure pas moins que des efforts de conservation s’imposent dans certaines zones.

À Procida, où les oursins font l’objet d’une surpêche, la GFCM s’est associée à des producteurs locaux et à des chercheurs pour réaliser des échantillonnages sous-marins qui permettent de recueillir des informations précieuses sur l’élevage et la reconstitution des peuplements d’oursins. Cela contribue à stimuler l’élevage des oursins, dont la laitance est prisée des gastronomes, tout en encadrant d’indispensables conseils scientifiques la restauration des peuplements locaux de cette espèce.

La GFCM a mené une série de consultations techniques avec la petite unité d’aquaculture Echinoidea, établie à Procida en 2016. En collaboration avec l’institut de recherche Stazione Zoologica Anton Dohrn (Centre de Zoologie Anton Dohrn), Echinoidea a produit plus de 20 000 larves d’oursins par fertilisation artificielle à la ferme aquacole de Procida. Lorsque les adultes sont prêts, ils sont relâchés dans leur milieu naturel afin de poursuivre leur croissance dans un espace réservé à l’aquaculture, celle-ci permettant d’atténuer les pressions exercées par la pêche à l’oursin sur les peuplements sauvages. 

Mme Maissa Gharbi, de la GFCM, nous en dit plus: «l’aquaculture des oursins est un domaine très prometteur, mais c’est aussi une discipline exigeante en raison des taux de mortalité très élevés enregistrés au cours des premiers stades de la vie. La production d’oursins réclame une surveillance et une attention poussées durant les phases de reproduction».

Bien que l’initiative de Procida nécessite un développement supplémentaire, elle pourrait être érigée en modèle pour l’élevage d’oursins, susceptible d’être étendu à l’ensemble de la Méditerranée.  

«L’élevage d’oursins est une activité nouvelle et cette innovation s’allie au rétablissement des écosystèmes. Elle doit être bien étudiée, afin de proposer les bons modèles à la région Méditerranée et mer Noire», explique M. Ibrahim Al Hawi, Président du Comité scientifique consultatif de la GFCM sur l’aquaculture.

«L’aquaculture restauratrice amène à une meilleure durabilité de l’environnement et des services écosystémiques, en plus de créer une offre de produits alimentaires d’origine aquatique et des moyens de subsistance», ajoute-t-il.

La GFCM a récemment fait paraître un livret (en anglais) énonçant des directives pour un repeuplement durable et a appelé à une surveillance accrue des espèces vulnérables, notamment les oursins.

« La finalité première de ces directives est d’aider les pays de la région Méditerranée et mer Noire à reconstituer et à enrichir les stocks, tout en évitant de nuire à la biodiversité, aux habitats naturels, aux écosystèmes et aux services écosystémiques, en s’appuyant sur de bonnes pratiques et les meilleures connaissances disponibles », ajoute M. Al Hawi.

La GFCM collabore avec Echinoidea, une petite entreprise qui innove en matière d’aquaculture des oursins, afin de répondre à la demande commerciale tout en aidant à reconstituer les populations d’oursins. ©FAO/Intissare Aamri

Restaurer les équilibres

Dans un autre projet, mené en Espagne, la GFCM collabore à la restauration des forêts de macroalgues et des prairies de posidonies avec l’entreprise Urchinomics, le Département du Programme action climatique, alimentation et ruralité (DACC) en Catalogne et l’Institut de recherche et de technologie agroalimentaires (IRTA). Ces végétations marines font l’objet d’un surpâturage de la part des oursins.  La surpopulation d’oursins, qui peut être causée par une pollution organique, la surpêche dont sont victimes leurs prédateurs et la productivité du phytoplancton, est telle que certaines zones marines sont devenues des «landes» où la végétation a disparu, ce qui est préjudiciable à l’écosystème et aux autres espèces aquatiques qui dépendent des algues. La GFCM a encouragé leur enlèvement, afin de permettre la régénération des algues et des herbiers marins.  Les oursins ainsi prélevés sont commercialisés sur les marchés où leur laitance est prisée. 

Des pratiques pan-méditerranéennes

La GFCM travaille aussi avec le DACC à l’aménagement du Centre méditerranéen d’aquaculture restaurative, qui est un pôle d’innovation et de renforcement des capacités sans équivalent dans la sous-région des pays de Méditerranée occidentale.

La vocation de ce centre est de cultiver des savoirs et de développer des capacités utiles à l’aquaculture (dont les élevages d’oursins), de promouvoir l’innovation et l’échange de pratiques optimales, notamment les activités de recherche et de repeuplement du projet pilote de Procida. 

Les oursins occupent une place déterminante dans la biodiversité marine, et leur survivance est intimement liée à la santé des mers. À travers la GFCM, la FAO affirme sa volonté de soutenir le rôle de cette espèce dans la nature, tout en assurant sa viabilité commerciale dans l’intérêt des moyens de subsistance des pêcheurs.

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