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Apprendre tout en gardant les troupeaux au Soudan du Sud


À la radio ou en classe, les champs écoles pastoraux assurent l’éducation et contribuent à une meilleure sécurité alimentaire et à la paix

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Un programme de la FAO et de l’UNESCO s’assure que les enfants des éleveurs nomades au Soudan du Sud ne soient pas privés d’éducation grâce à des cours dispensés par le biais de la radio et dans des écoles à l’air libre. ©FAO/ Andreea Campeanu

03/06/2020

Au Soudan du Sud, le bétail, c’est la vie. Comme les éleveurs soudanais du Sud le disent: ici, le bétail protège contre la faim.

Plus de 65 pour cent de la population dépend du bétail pour sa survie. Les enfants sont nourris avec le lait. Les familles survivent grâce à la viande, au lait et au sang des animaux.

Perdre ses bêtes revient à perdre les économies de toute une vie.

Alors, quand la saison sèche commence et que l’eau et l’herbe se raréfient, les éleveurs doivent se déplacer. Ils partent avec leur famille et leurs animaux – jusqu’à trois, quatre fois ou plus chaque année – à la recherche de pâturages et d’eau.

Ce qui veut dire que les enfants des éleveurs ne peuvent pas aller à l’école et que ces derniers se retrouvent privés d’éducation. De plus, le fait de dépendre exclusivement du bétail pour la survie rend parfois la vie des communautés pastorales extrêmement difficile.

En 2016, la FAO et l’UNESCO, avec l’appui de l’Union européenne, ont travaillé à la création d’un programme d’enseignement dans les champs écoles pastoraux de l’État des Lacs et de l’État d’Équatoria-Central, au centre et au sud du pays.

Dans un premier temps, les deux agences onusiennes ont travaillé avec le Gouvernement du Soudan du Sud afin de mettre en place un programme scolaire et d’élaborer le matériel d’enseignement destiné aux professeurs et les manuels pour les élèves. Elles ont ensuite formé les membres des communautés qui avaient déjà une instruction de base pour qu’ils définissent un programme de lecture, d’écriture et de calcul, et qu’ils transmettent aux éleveurs les compétences leur permettant d’entreprendre les activités nécessaires en vue de satisfaire leurs besoins.

Des éleveurs suivent un cours à la radio (à gauche). ©FAO/Tanya Birkbeck. Ayem, une élève, après la leçon (à droite). ©FAO/Andreea Campeanu

Le champ-école pastoral, en classe et à la radio

Les enfants et les adolescents apprennent à lire, à écrire et à compter.

Voici comment se déroule une leçon-type. 

Les enfants s’assoient sur des nattes, à l’ombre d’un arbre. Certains portent des t-shirts de football aux couleurs vives avec le nom de leurs idoles. La plupart sont pieds nus. 

« Quels mots commencent par "m"?», demande l’enseignant. « Mère », « médecine » - répondent plusieurs voix. Un à un, les enfants se rendent devant le tableau noir et, avec une craie, ils s’entraînent à écrire. Les leçons sont en anglais et en dinka (une des principales langues locales). 

Makim, un jeune de 16 ans qui vit dans un champ pastoral aux alentours de la ville d’Yirol, dans l’État des Lacs, a indiqué que maintenant il arrivait à « comprendre certaines choses de son livre » et qu’il savait lire. Selon lui, avoir « l’école » tout près du champ pastoral est une bonne chose parce que cela lui permet de surveiller ses vaches pendant qu’il étudie.

Puor Deng, 15 ans, pense que s’instruire lui permettra d’avoir « ses choses à lui » - une batterie de cuisine, un matelas et d’autres objets qui ont de la valeur dans sa communauté. 

En plus de l’enseignement qui leur est donné dans ces classes en plein air, ils apprennent aussi par le biais de la radio, grâce à un programme en 18 épisodes – intitulé “Sukul Wutic” ou champ école pastoral – imaginé par la FAO avec le soutien d’un groupe de radios communautaires. 

Il existe aussi d’autres classes à l’air libre, consacrées aux adultes, où ceux-ci peuvent écouter un enseignant soit de vive voix, soit à travers la radio. On leur apprend comment créer de petites entreprises – par exemple, produire et vendre du yogourt ou du beurre – et comment mener des activités qui n’ont rien à voir avec l’élevage du bétail – comme la pêche, l’apiculture ou la culture de légumes à consommer ou à vendre. 

Une des leçons concerne la santé des animaux – comment prendre soin du bétail pour que les bêtes soient fortes et en bonne santé et donnent ainsi davantage de lait. Parmi les recommandations «simples», on leur suggère par exemple de: broyer des os d’animaux, prendre de l’argile d’une termitière et les mélanger avec un peu de sel pour le donner aux bêtes à titre de complément alimentaire.

Dans une autre leçon, qui porte sur la manière de préserver la fertilité du sol autour de leur champ pastoral, ils apprennent à recouvrir le sol avec un mélange composé de brindilles et de fumier, pour pouvoir y cultiver des légumes. 

«Avant, lorsque la nourriture manquait, nous n’avions que des légumes sauvages à notre disposition, mais à présent nous avons une variété de légumes comestibles et nous espérons aussi en vendre quelques-uns pour pouvoir acheter d’autres choses – du savon, du sucre, des vêtements et autres denrées alimentaires, que nous n’avons pas», dit Achol Tiop Aleth du champ pastoral Nyigomkot.

Les cours durant la pandémie du COVID-19

Les choses ont changé ces derniers mois avec les restrictions imposées aux éleveurs à cause du risque de COVID-19. Ils ne peuvent plus s’asseoir ensemble et former de grands groupes. Actuellement, au lieu d’apprendre à cultiver des légumes, ils écoutent à la radio les messages de la FAO sur les modes de transmission du COVID-19 et sur la manière de se protéger et de protéger leur famille.

Pendant ce temps, la FAO prépare une deuxième série d’émissions radio de Sukul Wutic. Ainsi, dès que les leçons pourront reprendre pleinement, les enseignants disposeront de nouveaux cours. La FAO prévoit aussi d’étendre le programme d’enseignement à d’autres régions du Soudan du Sud.

Une leçon-type pour les enfants d’éleveurs au Soudan du Sud avant le COVID-19. ©FAO/Andreea Campeanu

Plus qu’une simple formation

À ce jour, 63 membres de communautés ont été formés en tant qu’enseignants et plus de 2 000 éleveurs et leurs enfants – 91 pour cent de la population des champs pastoraux ciblés – ont participé au programme d’enseignement.

Afin d’aider les éleveurs à mettre en pratique ce qu’ils ont appris, la FAO leur a fourni des semences maraîchères, des outils agricoles, du matériel de pêche, des réservoirs d’eau solaires, du matériel vétérinaire et a construit des bars à lait à proximité des champs pastoraux, où les éleveurs peuvent vendre leurs excédents de lait.

Les enfants ont appris rapidement et ont progressé dans leurs études. L’enseignement que les champs écoles pastoraux offrent aux enfants d’éleveurs augmentera leurs chances d’accéder aux nouveaux emplois qui se créent au fur et à mesure que le pays se développe. C’est une avancée considérable quand on sait que 70 pour cent des enfants du Soudan du Sud ne sont pas scolarisés, ce qui met en danger leur avenir et celui de leur pays. 

Désormais les adultes pratiquent la pêche et cultivent des produits maraîchers, ils produisent du yogourt, des «mandazi» (sorte de beignets) et d’autres produits qu’ils peuvent vendre. Grâce à cela, les régimes alimentaires sont plus variés et nutritifs, et les personnes disposent d’un revenu supplémentaire et ne dépendent plus uniquement de leur bétail. Les jeunes qui ont suivi à la formation sont moins enclins à prendre part à des conflits.

En conclusion, parmi ses nombreux avantages, grâce à l’enseignement, le projet contribue à la paix et à la sécurité alimentaire, deux fondamentaux.

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