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À la recherche de solutions au problème des sargasses dans les Caraïbes


La FAO s’attache à réduire la prolifération d’algues et à aider les pêcheurs à s’adapter aux nouvelles conditions

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Depuis 2011, jusqu’à trois fois plus de sargasses que d’habitude ont envahi les côtes caribéennes et fortement compromis les moyens d’existence fondés sur la pêche, en plus de menacer le tourisme. ©Hazel Oxenford

09/11/2022

Depuis plus de 10 ans, des quantités croissantes de sargasses atterrissent sur les rivages de la mer des Caraïbes. Facilement repérables à leur couleur brune et à leur odeur très nauséabonde, ces algues sont aujourd’hui si nombreuses qu’elles nuisent gravement au tourisme dans les communautés insulaires, aux captures de poissons et aux économies en général.

Les côtes s’étendant de la Trinité-et-Tobago à Anguilla, ainsi que des plages au Belize et dans le sud du Mexique, ont été touchées par ce phénomène. Pire encore, personne ne sait quand les sargasses arriveront ou en quelle quantité.

Les sargasses forment une large masse qui flotte à la surface de l’océan. Elles peuvent servir de nourriture et d’abri à des poissons, des oiseaux, des crabes, des crevettes et à d’autres organismes marins. En quantités limitées, les sargasses qui s’échouent sur les rivages contribuent également à l’équilibre des écosystèmes côtiers de l’Atlantique et des Caraïbes en apportant des nutriments vitaux comme le carbone, l’azote et le phosphore et en limitant l’érosion côtière.

Toutefois, depuis 2011, jusqu’à trois fois plus de sargasses que d’habitude ont envahi le littoral caribéen et forment des couches qui font parfois jusqu’à un mètre de profondeur.

Les vastes efflorescence algales endommagent le matériel de pêche, les moteurs des bateaux et d’autres équipements de pêche et ont obstrué des ports de pêche et des sites d’amarrage dans les Caraïbes orientales. Cela a des conséquences directes sur la pêche. En effet, les pêcheurs ne pouvant tout simplement pas accéder à leurs zones de capture habituelles, les débarquements d’espèces d’importantes sont plus faibles.

«Chaque année, les sargasses envahissent notre océan et notre littoral», raconte Roger Kennedy, pêcheur à Delaford Bay, sur l’île de Tobago. Comme de nombreux autres pêcheurs de sa communauté, Roger a pratiqué la pêche toute sa vie et se retrouve désormais confronté à une hausse considérable et imprévisible des sargasses qui a des retombées sur ses conditions de vie et ses moyens d’existence.

«Quand elles s’échouent sur les rivages en grande quantité, les autres pêcheurs et moi ne pouvons accéder à nos bateaux. Lorsque nous somme en mer, mes lignes s’emmêlent dedans et je pêche beaucoup moins.»

Dans le cadre du projet d’adaptation du secteur de la pêche au changement climatique dans les Caraïbes orientales (CC4FISH) , la FAO travaille avec les pêcheurs, les décideurs et les scientifiques du Centre pour la gestion des ressources et les études environnementales de l’Université des Indes occidentales en vue d’accroître la résilience des populations côtières et de réduire leur vulnérabilité face aux effets néfastes des sargasses.  

Au moyen du projet d’adaptation du secteur de la pêche au changement climatique dans les Caraïbes orientales (CC4FISH) , la FAO accroît la résilience des populations côtières face aux effets néfastes des sargasses sur les moyens d’existence. ©Hazel Oxenfo

«Les sargasses ont toujours existé. Christophe Colomb les a vues dans la mer des Sargasses, nommée d’après l’algue en question, lorsqu’il a traversé l’Atlantique», explique Iris Monnereau, experte des pêches de la FAO affectée à la Barbade. «Auparavant, elles étaient confinées à cette zone, mais, depuis 2011, elles viennent d’une nouvelle région située entre l’Afrique et le Brésil et nuisent à la région des Caraïbes.»

L’incidence et la taille des efflorescences algales dans les Caraïbes et en Afrique de l’Ouest augmentent en raison de la hausse des températures de l’eau, de la présence d’engrais dans les océans et de l’intensification des nuages de poussière en provenance du Sahara, autant de facteurs qui stimulent la croissance des algues.

L’afflux de sargasses cause de plus en plus de dégâts à l’environnement, à la biodiversité et aux écosystèmes côtiers. Par exemple, les algues en décomposition peuvent étouffer les récifs coraliens et limiter l’apport vital en oxygène des poissons dans les zones côtières. Les mammifères marins et les tortues de mer se noient souvent quand ils se retrouvent empêtrés dans les algues.

Les sargasses peuvent aussi nuire à la santé des êtres humains. «En plus d’avoir de profondes répercussions sur les moyens d’existence des pêcheurs, les sargasses peuvent entraîner des maux de tête, des nausées et des difficultés respiratoires, car elles dégagent des gaz toxiques lorsqu’elles se décomposent sur le rivage», dit Mme Monnereau.

La FAO promeut des solutions qui consistent à utiliser les sargasses pour en faire des produits viables sur le plan commercial et ainsi créer des emplois. ©Hazel Oxenford

Des moyens d’existence perdus

La Barbade, le Belize et la Trinité-et-Tobago sont parmi les pays les plus touchés. Les pêcheurs ont dû changer leurs techniques et leurs espèces cibles les années où les sargasses sont en trop grand nombre.

Antonio Horsford, un pêcheur de 44 ans du village côtier de Buccoo à Tobago, pratique la pêche depuis plus de 20 ans. «Les sargasses sont une espèce nuisible. Je vis de la pêche de poissons volants, et les algues les font fuir. J’ai dû remplacer deux moteurs car ils avaient été noyés par les sargasses. Ça représente beaucoup d’argent pour un pêcheur.»

D’après les recherches conduites par la FAO, le nombre de poissons volants a diminué de 50 pour cent rien qu’à la Barbade, et celui de mahis-mahis a reculé de 37 pour cent. Moins de poissons signifie moins d’emplois dans la filière.

«Cette situation a bien évidemment des retombées sur les pêcheurs, mais aussi bien au-delà car, s’il y a moins de poissons, les prix augmentent et il y a moins de travail», fait savoir Mme Monnereau. «Cela a donc des conséquences sur les consommateurs, mais également sur les vendeurs sur les marchés, car ils ont moins de poissons à vendre.»

À l’aide du projet CC4FISH, la FAO épaule les communautés dans plusieurs îles des Caraïbes en proposant une gestion adaptative. Concrètement, elle aide les populations à améliorer la prévision, le suivi et la détection des populations de sargasses, renforce leurs capacités et fournit du matériel et des conseils pour faciliter le nettoyage des plages lorsque les algues affluent.

Suzan Lakhan-Baptiste, Directrice générale de l’organisation à but non lucratif Nature Seekers, explique que l’aide et le matériel apportés par la FAO ont permis à son organisation d’enlever des couches de sargasses et de préparer un espace de nidation propre pour les tortues de mer, qui sont une attraction populaire auprès des touristes à Trinité-et-Tobago. Elle ajoute toutefois que ces algues restent un gros problème.

Première étape: gérer les sargasses

Il est essentiel d’améliorer la gestion des sargasses. Non seulement la FAO encourage l’adoption de pratiques optimales en matière de nettoyage et d’enlèvement des sargasses, mais elle collabore également avec les pouvoirs publics et les populations en vue d’élaborer des politiques, des normes et des mesures d’incitation qui protègent la santé publique et environnementale.

En mettant au point un guide sur les utilisations possibles des sargasses, l’Organisation promeut également des solutions pour fabriquer à partir de ces algues des produits viables sur le plan commercial, de manière à créer des emplois et des sources de revenus. De fait, les sargasses sont déjà utilisées par des petites et moyennes entreprises pour produire des briques, des semelles, du savon, des stimulants végétaux et du papier. De grandes entreprises envisagent de convertir les sargasses en énergie renouvelable, en bioplastique et en compost.

Des avancées importantes ont déjà été faites s’agissant d’aider les pêcheurs à mieux détecter les sargasses dans les Caraïbes et à s’y adapter. Désormais, des initiatives visant à faire des efflorescences algales une ressource pourraient créer prochainement des emplois ainsi que des filières durables.

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