L’approvisionnement en eau a toujours posé problème pour les agriculteurs au Rwanda, où la saison sèche dure longtemps. ©Agrinatura et FAO/Nick Pasiecznik
Dans la province de l’Est, les vastes terres agricoles du district de Nyagatare, considéré comme le grenier à blé du Rwanda, produisent des denrées alimentaires pour l’ensemble du pays. Les habitants du district sont pour la plupart des agriculteurs qui pratiquent l’élevage et la culture, notamment de maïs et de riz. En raison de la longueur de la saison sèche, qui s’étend de juin à mi-septembre, l’eau est devenue une ressource vitale très recherchée, qui fait l’objet d’une forte concurrence.
En 2015, le Gouvernement rwandais a construit, avec l’appui financier de la Banque mondiale, un barrage et un réservoir d’eau d’une valeur de 10 millions de dollars des États-Unis.
Malheureusement, les exploitants qui cultivaient sur le haut du versant n’ont pas tardé à s’accaparer au moins un huitième de l’eau de pluie qui s’écoulait dans le bassin hydrographique, au détriment des éleveurs et agriculteurs situés en contrebas. La situation a dégénéré en conflits, et il a fallu trouver une solution.
Régler les différends
Le projet de renforcement des capacités pour les systèmes d’innovation agricole (CDAIS) a été créé en vue d’aider les personnes, les organisations et les organes nationaux intervenant dans les systèmes d’innovation agricole à gérer les problèmes et à améliorer la collaboration grâce au dialogue. Mis en œuvre par la FAO, en partenariat avec Agrinatura (consortium de 31 universités et instituts de recherche européens) et avec le soutien de l’Union européenne, ce projet s'inscrit dans le cadre d'une approche communautaire et mise sur la réflexion, l’apprentissage collectif et une mobilisation accrue pour faciliter l’adoption par les agriculteurs de solutions novatrices.
Grâce au projet CDAIS, les agriculteurs et intervenants locaux s’efforcent ensemble de veiller à ce que chacun ait suffisamment d’eau. ©Agrinatura et FAO/Nick Pasiecznik
Les agriculteurs de Nyagatare ont participé au projet CDAIS dans l’espoir de trouver une solution à leur problème de partage des ressources en eau. La FAO a ainsi créé un lieu de rassemblement pour permettre aux exploitants locaux, aux éleveurs, aux responsables locaux, aux organisations non gouvernementales et à d’autres utilisateurs de l’eau de se réunir pour dialoguer et résoudre leurs différends.
L’objectif principal de cette initiative était de promouvoir une utilisation juste, rationnelle et efficace de l’eau tout en remédiant aux conflits par la collaboration. D’après Athanase Mahoni, un des agriculteurs concernés, les activités de formation organisées dans le cadre du projet CDAIS «ont donné aux agriculteurs les moyens de résoudre eux-mêmes leurs problèmes». À terme, ces diverses activités ont conduit à la création d’un cadre de partenariat entre les utilisateurs de l’eau et les prestataires de services, à une hausse de la productivité et au partage équitable de l’eau. Elles ont également permis de faire en sorte que les réparations du barrage et des canaux de distribution soient réalisées avec les redevances payées par les membres. «Avant, certains agriculteurs ne voulaient pas payer de redevance pour l’eau», explique Athanase. «Aujourd’hui, ils sont plus nombreux à payer», et les réparations peuvent être effectuées rapidement.
Grâce au projet CDAIS, toutes les parties intéressées ont appris à se connaître et à s’écouter. À présent, elles parviennent à mieux communiquer et à mieux se comprendre dans un nouveau climat de confiance mutuelle. Avant, les éleveurs entraient souvent en conflit avec d’autres membres de l’association des utilisateurs de l’eau parce qu’ils estimaient avoir le droit d’accéder gratuitement à cette ressource, mais le projet a fait évoluer les mentalités. Aujourd’hui, les exploitants sont plus pragmatiques et plus organisés, et ils réalisent la plupart des réparations au niveau du barrage et des canaux de distribution.
Avant de bénéficier de l’assistance du projet, les différents groupes d’exploitants ne se préoccupaient que de leur propre sort. Maintenant, ils sont unis. «Aujourd’hui, je peux dire que nous arrivons à résoudre 90 pour cent de nos problèmes», affirme Athanase. Le projet a amélioré la formation et la tenue des dossiers, permettant ainsi une communication transparente des informations financières, qui a également facilité les négociations avec les acheteurs concernant les paiements anticipés pour les récoltes et les animaux.
Grâce au projet, la récolte saisonnière de riz a été quasiment multipliée par six. ©Agrinatura et FAO/Nick Pasiecznik
De meilleures pratiques pour de meilleures récoltes
Les avantages de cette approche sont de plus en plus visibles. Le partage plus équitable de l’eau et l’amélioration des pratiques agricoles se sont par exemple traduits par une hausse de la productivité: la récolte saisonnière de riz a fait un bond impressionnant, passant de 1 tonne à 5,8 tonnes par hectare. Par ailleurs, les agriculteurs ont acquis des compétences en gestion d'entreprise et jouissent d’un plus grand accès aux marchés. «Aujourd’hui, nous récoltons plus pour pouvoir vendre en dehors de notre district; nous avons signé des contrats avec des acheteurs à Kigali», ajoute Athanase.
Parallèlement aux activités porteuses de transformation du projet CDAIS, Gualbert Gbehounou, Représentant de la FAO au Rwanda, a encouragé les agriculteurs du pays à se tourner vers des méthodes novatrices, telles que l’irrigation au goutte-à-goutte et l’utilisation de variétés de semences hybrides peu gourmandes en eau. Ces nouvelles pratiques contribueront encore davantage à faire en sorte que l'on puisse accroître la productivité grâce aux ressources en eau existantes.
Une approche qui fonctionne
Le projet CDAIS privilégie une approche axée sur la participation et l’apprentissage permanent pour améliorer les capacités fonctionnelles, ou autrement dit les compétences générales, des bénéficiaires dans le district de Nyagatare.
«La méthode du projet CDAIS consiste à rassembler les principales parties prenantes afin d’évaluer les besoins en matière de renforcement des capacités pour promouvoir une innovation qui soit compatible avec les besoins des petits exploitants, des entreprises locales de l’agroalimentaire et des consommateurs», explique Selvaraju Ramasamy, responsable de l’Unité de la recherche et de la vulgarisation de la FAO.
Le projet a été mis en œuvre par la FAO et Agrinatura dans huit pays (Angola, Bangladesh, Burkina Faso, Éthiopie, Guatemala, Honduras, République démocratique populaire lao et Rwanda). La manière de procéder et l’objectif principal restent les mêmes partout: créer un lieu de rencontre pour les petits exploitants locaux, où ils pourront dialoguer, innover et régler leurs problèmes ensemble, pour le bien de tous.
D’une manière générale, le projet CDAIS a pour finalité de rendre les systèmes d’innovation agricole plus efficaces et plus durables en tenant compte des réalités auxquelles les exploitants, les entreprises de l’agroalimentaire et les consommateurs sont confrontés. En contribuant de la sorte à améliorer la sécurité alimentaire et à éliminer la faim, il favorise la réalisation de l’objectif de développement durable no 2, qui revêt une importance fondamentale.
Les agriculteurs rwandais face à la covid-19
Comme bien d’autres pays dans le monde, le Rwanda a été ébranlé par la covid-19. Les agriculteurs ont dû utiliser de l’argent qu’ils comptaient investir dans leur activité pour aider leur famille à satisfaire des besoins plus pressants.
«Pendant le confinement mis en place en raison de la covid-19, nous avions du mal à acheminer nos produits vers les marchés», explique Yussuf Nkurizabo, aujourd’hui à la tête du partenariat multipartite créé dans le cadre du projet CDAIS. «Nous produisions des tomates, des potirons et d’autres légumes qui finissaient par pourrir dans les champs.»
Le transport posait problème, mais il leur était également difficile de trouver des clients. «Nous n’avons pas de clientèle fixe», poursuit M. Nkurizabo. «Habituellement, nous allons jusqu’à Kigali pour trouver des clients, mais ce n’était plus possible. Nous avons même perdu ceux que nous avions parce que nous n’étions pas en mesure de leur faire parvenir nos marchandises.»
Alors que les agriculteurs récoltent environ 5 tonnes de fruits et de légumes par hectare en temps normal, le rendement a chuté à 3 tonnes seulement au cours de cette période. Le reste a fini à la poubelle.
L’enjeu est maintenant de relancer ces activités agricoles: «Les mesures de confinement ont été levées, mais nous n’avons pas encore retrouvé une situation financière stable. Nous n’avons pas assez de capital pour réinvestir dans les activités agricoles. Il nous faut à nouveau travailler avec les marchés», conclut M. Nkurizabo.
La FAO réalise actuellement un état des lieux de l’utilisation efficace des ressources en eaux. La prochaine étape consistera à évaluer les progrès accomplis à cet égard. La FAO encourage les agriculteurs à utiliser des surfaces d’irrigation contrôlée pour se relever des pertes occasionnées par la covid-19.
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