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Les femmes déplacent les montagnes


Soutenons des montagnardes qui surmontent les discriminations, les problèmes touchant leurs moyens de subsistance et les difficultés climatiques pour dessiner de nouvelles perspectives; elles sont une source d’inspiration.

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Karen Martinez rêve d’une connexion internet pour pouvoir étudier sans avoir à quitter ses montagnes. ©Patricia Breuer Moreno

09/12/2022

Dans de nombreuses cultures, les montagnes ont une dimension spirituelle et sacrée. En voyant leurs sommets majestueux toucher le ciel à travers les nuages, il est facile d’associer les montagnes à une puissance supérieure. C’est peut-être cette énergie régénératrice que recherchent les millions de personnes dans le monde qui se promènent en altitude ou partent à l’assaut des sommets, en parcourant des forêts et en s’immergeant dans la nature. Mais les personnes qui vivent à l’année dans les montagnes ont souvent des pensées plus terre à terre et se soucient par exemple de leur connexion internet.

Karen Martinez* vit avec sa grand-mère à 4 200 mètres d’altitude, dans la partie argentine des Andes. Cette éleveuse possède un cheptel de 250 lamas, 100 moutons et 17 chèvres, mais elle rêve d’une connexion internet. Elle souhaite pouvoir étudier en ligne sans avoir à quitter la montagne.

«C’est difficile d’étudier sans internet mais je ne veux pas partir», raconte la jeune femme de 24 ans.

Le quotidien dans les montagnes est souvent difficile et éloigné de toute dimension méditative.

«Je voudrais que l’approvisionnement en eau de ma maison soit amélioré car, comme l’eau gèle en hiver, nous devons apporter plus d’eau à la maison», explique Karen.

Les difficultés quotidiennes et le manque de débouchés conduit de nombreuses personnes, en particulier parmi les jeunes, à quitter les montagnes pour étudier ou travailler.

«Ici au village, tout le monde part, hormis les personnes âgées», déclare Karen.

Souvent, ce sont les hommes qui partent et les femmes qui restent pour gérer le foyer et la communauté. Pourtant, dans ces sociétés, les femmes n’ont généralement pas le même statut juridique, le même pouvoir de décision ni le même accès à la formation, aux services et aux ressources que les hommes. Elles se chargent donc des tâches réalisées auparavant par les hommes mais dans de moins bonnes conditions.

Plus de la moitié des femmes vivant dans des régions montagneuses ont une activité agricole. Ce sont généralement elles qui gèrent les ressources naturelles dont elles dépendent et assurent l’alimentation de la famille. Les femmes et les filles sont les gardiennes et les passeuses des traditions et cultures locales. Néanmoins, dans certaines sociétés montagnardes, elles sont aussi plus exposées à l’insécurité alimentaire en raison de normes et de stéréotypes socioculturels discriminatoires fondés sur le genre. En général, les femmes rencontrent également des difficultés pour gagner leur vie de manière stable et indépendante.

Muna Gurung (à gauche/en haut: ©Patricia Breuer Moreno) et Asha Maliki (à droite/en bas: ©Alia Datoo) ont surmonté les discriminations, les barrières sociales et le harcèlement sexuel pour devenir guides de trek, une activité traditionnellement masculine.

Trek et tourisme en montagne

Le tourisme en montagne offre de plus en plus de débouchés intéressants aux femmes. Il s’agit traditionnellement de la chasse gardée des hommes dans de nombreux pays. Néanmoins, de plus en plus de femmes deviennent guides de trek ou de montagne, monitrices d’escalade ou gérantes de chambres d’hôtes.

Muna Gurung, du Népal, est devenue guide de montagne malgré les réticences de sa famille et de la société.

Muna avait été orientée très jeune vers une vie traditionnelle. Mariée à l’âge de 14 ans et mère à 15 ans, elle n’a pourtant pas abandonné l’idée d’avoir une vie professionnelle. «Je voulais vraiment guider des treks car je n’avais jamais vu de femme le faire [...] Ma mère ne voulait pas en entendre parler», explique-t-elle.

Après une formation de six mois avec l’association à but non lucratif Empowering Women of Nepal et l’agence 3 Sisters Adventure Trekking, Muna a décroché un emploi. Elle travaille comme guide depuis 17 ans. Elle réalise des ascensions à l’étranger et est reconnue à l’international.

Asha Maliki est une autre guide de trek qui s’est fait une place dans ce milieu malgré les discriminations, l’hostilité et le harcèlement sexuel.

«La plus grande difficulté en montagne, c’est les hommes. Les femmes ne sont jamais autorisées à les dépasser ni à être leurs égales. On attend toujours des femmes qu’elles laissent le premier rôle aux hommes, c’est ce qu’on nous apprend et ce qu’on nous demande», explique-t-elle.

Elle a gravi cinq fois le Kilimandjaro par la voie Umbwe mais elle est toujours critiquée et harcelée par des guides masculins ou même par des touristes.

Asha voudrait monter une coopérative pour permettre aux montagnardes de mettre de l’argent de côté et de se soutenir les unes les autres sur les plans financier et social.

Les femmes sont souvent les principales gardiennes des territoires montagneux. Le Partenariat de la montagne, hébergé par la FAO, travaille à ce que les activités de développement en montagne soient plus équitables et plus inclusives. ©Saad Amer

Aider les femmes au service des montagnes

Le secrétariat du Partenariat de la montagne, hébergé par la FAO, travaille au nom des femmes et des hommes qui vivent dans des communautés montagnardes et préservent la biodiversité et d’autres ressources précieuses.

Le Partenariat de la montagne s’efforce de rendre les activités de développement en montagne plus équitables et plus inclusives en incitant les États et les organisations intergouvernementales à prendre en compte les questions de genre dans leurs politiques et projets et en demandant à ce que les données soient ventilées par sexe. Ainsi, les femmes ont un meilleur accès aux terres, à la formation et aux ressources financières.

Le Partenariat de la montagne s’intéresse également aux débouchés que le tourisme et les produits locaux comme les textiles et les aliments biologiques peuvent offrir aux petits producteurs. L’initiative sur les produits du Partenariat de la montagne, financée par l’Italie, permet d’apporter un soutien technique et financier à de petits producteurs issus de pays en développement, principalement des femmes, pour qu’ils créent des entreprises, renforcent leurs compétences en matière de commercialisation et développent leurs moyens de subsistance en améliorant les chaînes de valeur des produits de la montagne.

Les femmes sont en première ligne pour préserver la biodiversité, les cultures et les traditions montagnardes. En soutenant des projets et des activités touristiques pilotés au niveau local pour développer les moyens de subsistance, le Partenariat de la montagne œuvre à l’égalité des genres sur les plans juridique, économique et social.

Les femmes jouent un rôle fondamental dans la préservation des ressources naturelles, la défense du patrimoine culturel et l’économie locale. Voilà une des nombreuses raisons pour lesquelles nous pouvons vraiment dire que les femmes déplacent les montagnes.

*Les entretiens cités dans ce texte et dans le rapport connexe ont été menés par le réseau Mountain Women of the World, qui vise à développer une communauté internationale de montagnardes pour protéger les montagnes. L’objectif est de raconter comment cette vie dans les montagnes renforce le pouvoir collectif des femmes et leur solidarité afin de vivre en harmonie avec la Terre, de manière humble et résiliente.

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