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Les statistiques, toute une aventure


En quoi la collecte de statistiques sur l’agriculture est un défi qu’il vaut la peine de relever

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Les routes impraticables et les ponts inondés ou endommagés font partie des difficultés qui entravent la mise en œuvre de l’initiative majeure 50x2030, une enquête agricole menée au Libéria et dans 49 autres pays. © FAO/Andrew Esiebo

20/01/2025

Deux véhicules à quatre roues motrices dérapent et s’embourbent pour la énième fois. La route qu’ils empruntent, au sud-est de la capitale du pays, Monrovia, est une des principales voies rapides du pays, mais les pluies saisonnières l’ont transformée en bourbier gluant marron-rougeâtre.

L’équipe, vêtue de jaune fluorescent, renonce finalement à pousser les véhicules et se dirige à pied vers la forêt humide environnante. Il leur faudra deux ou trois heures pour parvenir à leur destination. Mais qui sont ces personnages qui portent ces gilets très visibles? Des gardes forestiers? Des gardes‑moniteurs? Des gardes-chasses? La réponse est peut-être inattendue, mais ce sont en fait des statisticiens.

Les cinq statisticiens de cette équipe sont des membres du personnel de la FAO et du principal bureau de statistiques du pays, l’Institut de statistiques et de services d’information géographique du Libéria.

Sachant que ce n’est pas la première fois que ces statisticiens de terrain sont confrontés à un tel scénario, cela peut sembler être une évidence quand le chef d’équipe de l’Institut, Anthony Dymacole, affirme que, parmi les obstacles auxquels ils font face lorsqu’ils enquêtent dans des zones rurales, «un des plus difficiles à surmonter est le manque d’accessibilité».

Il leur arrive de trouver d’autres obstacles en travers de leur chemin, notamment des barrages routiers de sécurité, qui peuvent les bloquer pendant des jours, des ponts inondés ou endommagés et même des animaux sauvages.

Alors que la mission consiste simplement à recueillir des données, ces situations semblent extrêmes, mais l’on ne saurait surestimer leur difficulté. «Si vous ne prenez pas la mesure de la situation, celle-ci est difficile à gérer», affirme Yakob Seid, Statisticien principal à la FAO.

L’objectif de l’initiative 50x2030 est justement de faire des mesures, car celle-ci, comme son nom le suggère, vise à faciliter les enquêtes statistiques sur l’agriculture qu’il est prévu de mener dans 50 pays d’Afrique et d’Asie d’ici à la prochaine décennie. Mise en œuvre par la FAO, la Banque mondiale et le Fonds international de développement agricole aux côtés des autorités, l’initiative a été déployée dans 26 pays jusqu’à présent.

Dans la plupart de ces 50 pays à revenu faible ou intermédiaire, l’agriculture est la principale source de revenus et d’emploi et représente une part essentielle du produit intérieur brut.  

Les gouvernements et les partenaires de développement, notamment la FAO, investissent des ressources considérables dans le secteur agricole de ces pays. «Toutefois, si nous ne disposons pas de suffisamment de données, nous ne pourrons pas évaluer si ces ressources permettent d’améliorer efficacement les conditions de vie et les moyens de subsistance des populations», affirme M. Seid.

Lorsque les statisticiens parviennent dans les communautés, les informations qu’ils recueillent, notamment sur les cultures produites, les superficies récoltées, la main-d’œuvre et d’autres intrants, sont cruciales pour évaluer les besoins et formuler des politiques visant à améliorer les conditions de vie et les moyens de subsistance des agriculteurs. © FAO/Andrew Esiebo

Mais, concrètement, que mesurent exactement les équipes de statisticiens? Sans surprise, les informations principales qu’ils recherchent concernent la quantité de cultures produites par les agriculteurs, la superficie récoltée, l’apport de main-d’œuvre et les caractéristiques démographiques de celle-ci, les machines utilisées, l’impact sur l’environnement et les technologies employées, notamment l’irrigation.

Un tel travail semble facile, mais les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles paraissent. Par exemple, les petits exploitants savent parfois à peu près ce qu’ils produisent et ce qu’il advient des denrées, mais nombre d’entre eux pensent en termes de sacs de céréales ou de paniers de légumes et non en kilos de récolte, ce qui complique le travail des statisticiens lorsqu’ils doivent enregistrer les données dans un format qui corresponde aux normes nationales et internationales.

L’équipe de statisticiens, aussi appelés enquêteurs, doit souvent s’en remettre à des coupes témoins, ce qui consiste à prélever un échantillon de récolte dans une petite partie du champ de l’agriculteur pour calculer le rendement et à extrapoler le résultat en fonction de la surface totale. Afin d’obtenir une image précise de la proportion de la récolte consacrée aux différentes utilisations, les statisticiens emploient souvent la méthode dite «des piles proportionnelles»: ils demandent à l’agriculteur de faire de petites piles qui représentent les différentes utilisations de la récolte, notamment la consommation familiale, la vente au comptant ou le paiement d’un loyer.

Susannah Tarway, une agricultrice qui gagne sa vie en produisant du manioc, des pommes de terre et du gombo, affirme qu’elle est convaincue que l’enquête «facilitera [son] travail... et [l’]aidera à scolariser [ses] enfants», car les données peuvent mettre en évidence des besoins, notamment en matière d’engrais, auxquels peuvent ensuite répondre les autorités et d’autres partenaires et ainsi aider les agriculteurs à améliorer les moyens de subsistance de leur famille.

Au Libéria, comme dans de nombreux pays, la collecte de ces informations se fait attendre depuis longtemps, le recensement agricole le plus récent, réalisé sur papier, ayant eu lieu il y a une cinquantaine d’années. L’utilisation de tablettes à la place du papier a d’énormes avantages, non seulement parce que cette méthode est plus rapide, mais également parce qu’elle permet de limiter les erreurs potentielles. En effet, grâce aux modèles qu’ils utilisent, les enquêteurs peuvent repérer les incohérences avant que celles-ci ne soient intégrées à l’ensemble de données.

Toutefois, les tablettes ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Pour transmettre les données recueillies sur le terrain vers un serveur central, il faut avoir accès à un réseau internet mobile, dont de nombreuses régions ne disposent pas, ce qui oblige les équipes à se rendre à l’endroit le plus proche où une couverture mobile est disponible. Tant que les données n’ont pas été transmises et vérifiées, la mission des enquêteurs n’est pas terminée.

Une des difficultés auxquelles sont confrontés les statisticiens est due au fait que les agriculteurs n’utilisent pas toujours des unités de mesure normalisées pour quantifier les récoltes, ni des pourcentages pour ventiler les différentes utilisations de la production. © FAO/Andrew Esiebo

Avec le soutien qu’apporte la FAO dans le cadre de ce travail d’enquête, le Libéria et ses statisticiens seront mieux armés pour mener à bien eux-mêmes les cruciales activités de mesure et de collecte de données dans les années à venir.

Il est essentiel que les autorités disposent de données fiables pour qu’elles puissent mieux comprendre la situation de leur secteur agricole et qu’elles sachent quels secteurs prospèrent et quels sont ceux dans lesquels il faut investir davantage. Le processus «ne consiste pas à collecter des données pour le simple plaisir de collecter des données. Il s’agit d’utiliser les données au service de grands objectifs de développement, notamment l’éradication de la faim et la réduction de la pauvreté», explique Jose Rosero Moncayo, Statisticien en chef et Directeur de la Division de la statistique de la FAO.

Grâce au soutien de la FAO et de ses partenaires au titre de l’initiative 50x2030, les décideurs et les agriculteurs seront mieux à même de tirer le meilleur parti de leurs ressources, pour leur propre avenir et celui de leur pays. 

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