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Une grande innovation pour l’aquaculture du Guyana


Les éleveurs de crevettes en eau saumâtre trouvent des solutions pour surmonter le changement climatique et prospérer malgré lui

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Les éleveurs de crevettes en eau saumâtre de l’est du Guyana utilisaient traditionnellement l’eau de mer naturellement apportée par la marée, mais les rendements ont chuté à cause des inondations et des changements dans le régime des vents. © FAO/Shara Seelall

31/01/2025

Près de la côte où se jette le fleuve Corentyne, dans la région la plus orientale du Guyana, on élève localement deux espèces endémiques de crevettes vivant en eau saumâtre (Penaeus subtilis et Penaeus schmitti). Ces crevettes se développent dans les étangs artificiels où se mélangent l’eau douce du fleuve Canje, d’autres cours d’eau intérieurs et l’eau de mer de l’océan Atlantique, créant des conditions saumâtres optimales qui contribuent à la saveur et à la couleur exceptionnelles de ces espèces.

Comme beaucoup, Suedat Persaud élève ces crevettes, une spécialité, depuis plusieurs décennies. Il est aussi le fondateur et le secrétaire de la société coopérative d’aquaculture «East Berbice-Corentyne Aquaculture Cooperative Society Ltd», qui regroupe des pisciculteurs travaillant dans des eaux saumâtres dans le village de Fyrish.

Ses parents étaient eux aussi pisciculteurs et se spécialisaient dans l’élevage de crevettes, de crabes, de mulets et de crossies en eau saumâtre, autant d’espèces que Suedat continue de cultiver.

«À l’époque de mes parents, j’ai appris plusieurs méthodes de pisciculture, en particulier pour les crevettes d’eau saumâtre, et j’utilise encore certaines d’entre elles aujourd’hui. Après leur décès, j’ai continué sur leur voie. Aujourd’hui, je suis père de deux garçons qui participent aussi au travail piscicole», explique-t-il.

Pourtant, l’élevage de crevettes en eau saumâtre n’est plus le même qu’avant.

«Nous avons connu beaucoup de difficultés à cause du changement climatique et d’autres évènements météorologiques au fil des décennies», explique-t-il, en mentionnant les sécheresses liées au phénomène El Niño et les inondations provoquées par La Niña. «Nous avons également constaté des changements dans le régime des vents, qui apportent plus d’eau douce de la rivière, moins salée, ce qui a des effets sur la quantité de larves de crevettes qu’on obtient.»

Traditionnellement, les pisciculteurs de la région du Berbice oriental s’appuient sur un système de production qui ne nécessite pas, ou peu, de nourrissage, car il utilise l’eau de mer que la marée apporte naturellement pour remplir les étangs et y introduire des larves de crevettes d’origine sauvage. Cette méthode nécessitait de changer souvent d’étang et d’en creuser de nouveaux pour favoriser la croissance des larves. Si cette approche traditionnelle peut être bon marché, elle implique des vulnérabilités importantes sur le plan de la constance des stocks, des changements environnementaux et des maladies.

«Au fil des ans, les récoltes n’ont plus été suffisantes. La fertilité des sols a chuté, les rendements ont chuté, la production a chuté et nous avons fini par manquer de crevettes. Il fallait que ça change», ajoute-t-il.

Pour garantir la viabilité et la croissance, le secteur a besoin de systèmes de soutien consolidés, ce qui suppose par exemple de développer l’accès à la formation, aux ressources et aux débouchés commerciaux, ainsi que d’améliorer les pratiques de gestion afin de renforcer la résilience.

En 2021, le Gouvernement du Guyana a lancé un projet visant à améliorer les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et les exportations de crevettes. Au mois de janvier 2024, les investissements s’élevaient à plus de 1,5 million d’USD: la production est passée de 105 tonnes en 2020 à 958 tonnes en 2023.

De plus, la formation dispensée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le service des pêches du Ministère de l’agriculture guyanien ont permis d’apporter un soutien supplémentaire. Cette formation a présenté aux pisciculteurs une méthode qui permet d’accroître la production de crevettes par l’augmentation du nourrissage et qui utilise un système commandé de pompage de l’eau de mer dans les étangs.

Dans le cadre du projet en faveur du développement durable de chaînes de valeur résilientes («Sustainable Development of Resilient Value Chains»), la FAO et le Ministère ont aussi mis en place d’autres bonnes pratiques aquacoles, telles que la plantation et la restauration de mangroves. 

La FAO et le Ministère guyanien de l’agriculture ont formé les agriculteurs à une méthode de pompage de l’eau de mer dans les étangs. Grâce à ce système commandé et à l’augmentation du nourrissage, la production de crevettes a progressé. En haut, à gauche: Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Rabani Gajnabi. En bas, à droite: © FAO/Shara Seelall.

Suedat se souvient du jour où il a observé la mise en pratique de certaines des connaissances qu’il avait acquises. «Je visitais un village où il y avait deux grands marais dans lesquels les pêcheurs capturaient des crabes, et j’ai remarqué que beaucoup de palétuviers étaient plantés autour des digues extérieures afin d’aider les poissons à se développer. Je me suis rendu compte alors de l’importance de la mangrove, qui crée un habitat et une zone de nourrissage, et de la qualité des rendements.»

Les coûts initiaux et les frais de fonctionnement de cette nouvelle méthode sont certes plus élevés, mais Suedat a été convaincu que les avantages potentiels étaient plus importants que les coûts.

Peu de temps après, lui et d’autres pisciculteurs ont demandé au Ministère de l’agriculture de les aider à planter de la mangrove autour de leurs étangs de pisciculture. Grâce aux micro-subventions accordées par la FAO et de l’Université des Indes occidentales, l’Institut national de recherche et de vulgarisation agricoles (NAREI) a créé un programme de formation sur la plantation et la restauration des mangroves. Un projet pilote local de restauration des mangroves a été entrepris afin d’aider l’élevage de crevettes en eaux saumâtres.

La FAO a fourni du matériel agricole ainsi qu’une formation au sujet de la manutention après-récolte, l’entreposage frigorifique et les conditions sanitaires. Elle a également apporté des améliorations à la construction des étangs afin que les pompes puissent acheminer l’eau depuis l’océan. 

L’élevage de crevettes d’eau saumâtre est devenu une activité plus lucrative car les consommateurs, en particulier ceux de la diaspora guyanienne, sont prêts à payer le prix fort pour ce produit. © FAO/Shara Seelall

Suedat et les membres de la coopérative envisagent maintenant un avenir plus prometteur pour l’élevage de ces crevettes en eau saumâtre grâce aux formations en matière de bonne gestion agricole, de sécurité sanitaire des aliments et de gestion d’entreprise.

Pour l’heure, la production est passée d’environ 35 000 kg par mois à quelque 60 000 kg par mois. Ce secteur est devenu plus lucratif car les consommateurs, en particulier ceux de la diaspora guyanienne, sont prêts à payer le prix fort pour ce produit. Les agriculteurs commercialisent aussi désormais des crevettes d’eau saumâtre dans d’autres régions du Guyana.

En augmentant les rendements tout en réduisant la pression sur l’environnement, les éleveurs de crevettes vivant en eau saumâtre ont su s’adapter au changement climatique et assuré leurs moyens de subsistance pour l’avenir.

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