Gestion Durable des Forêts (GDF) Boîte à outils

Finances forestières

Ce module a pour objectif d’aider les gestionnaires d’entreprises forestières communautaires, les entrepreneurs ou les gouvernements à mieux comprendre les questions liées au financement de la gestion durable des forêts (GDF). Il explique la notion de finances forestières et fournit un aperçu des besoins financiers des entreprises forestières et des facteurs qui les régissent. Le module présente les principales contraintes et suggère des moyens pour les surmonter, notamment en ce qui concerne la planification financière ; la surveillance économique ; la réduction des coûts ; l’augmentation des gains et l’accès au financement.

Planification financière

La planification financière est essentielle à la prise de décisions en matière de matériel, machines, personnel et infrastructures lors des opérations forestières. Les plans financiers précisent le montant et le calendrier prévus des dépenses, ainsi que le moment des mouvements de fonds provenant des ventes, des crédits et des prêts. Les plans financiers aident les gestionnaires forestiers à assurer que suffisamment de ressources financières sont disponibles pour couvrir les dépenses, en particulier lorsque les coûts plafonnent (pendant la récolte, par exemple) et aux périodes où les revenus sont faibles (lors de la saison des pluies, par exemple). Les plans financiers aident aussi à détecter les lacunes de financement afin que des mesures puissent être prises en temps voulu pour assurer un financement supplémentaire. Les plans financiers éviteront de formuler des hypothèses excessivement optimistes et ils évalueront tous les risques potentiels, comme ceux liés aux subsides tels que les paiements pour les services environnementaux qui dépendent de la réalisation de certains objectifs ou niveaux d’efficacité.

La planification financière concerne le court, le moyen et le long terme, et aller de quelques mois à un, cinq, dix, voire même 30 ans ou davantage. Beaucoup de sociétés privées et de consultants fournissent des services d’assistance à l’élaboration de la planification financière.

Surveillance économique

Surveillance économique

La surveillance économique est indispensable pour une planification financière efficace et pour la prise de décisions dans les entreprises forestières. Elle comprend l’information sur la productivité des opérations forestières et leurs coûts et revenus au fil du temps. L’un de ses aspects les plus critiques est la surveillance des activités forestières engendrant un coût important comme la construction de routes, le débardage, les transports et la préparation du site. La création d’un système de surveillance économique comprend la réalisation d’un inventaire des avoirs et obligations, et leurs valeurs, et l’information sur les rentrées de fonds et l’évolution de la valeur des biens  tels que les machines (du à la dépréciation, par exemple). Un système de surveillance bien conçu comptabilise les flux financiers dans différentes catégories de coûts – comme les salaires, les engins, les fournisseurs de services, le matériel, les redevances et les taxes – qui sont résumés annuellement dans un bilan. Dans les opérations de petite envergure, les informations collectées par le système  de surveillance pourraient être traitées et analysées à la main ou à l’aide de simples tableurs électroniques, alors que les grandes entreprises pourraient exiger un logiciel spécialisé.

Réduction des dépenses

Réduction des dépenses

Une façon de compenser le manque de fonds nécessaires et d’augmenter la rentabilité consiste à réduire les dépenses. La réduction de l’ampleur des opérations forestières a l’effet le plus immédiat sur les coûts mais pourrait nuire aux revenus. C’est pourquoi, dans de nombreux cas, il convient de réduire les dépenses en améliorant l’efficacité des processus de production. De telles améliorations pourraient inclure le choix de technologies et de machines plus adaptées aux opérations, aux capacités et au savoir-faire ;  le recrutement de personnel capable de relever les défis techniques et logistiques de la GDF ; et la formation du personnel existant. Les améliorations pourraient inclure aussi l’optimisation des processus de production, en évitant, par exemple, l’impact du mauvais fonctionnement des engins par un entretien correct et le remplacement régulier des machines vieillissantes. Les informations produites par la surveillance économique peuvent être particulièrement utiles pour déterminer les domaines où réduire les coûts.

La réduction des salaires du personnel peut aller à l’encontre des efforts déployés pour améliorer  l’efficacité car il est prouvé que des employés bien payés travaillent plus efficacement. Un système de primes, qui récompense les résultats exceptionnels des employés et des fournisseurs de services (et décourage le travail bâclé et les retards), peut favoriser tant les employeurs que les ouvriers.

Assurer la liquidité

Assurer la liquidité

La liquidité est la capacité de convertir un portefeuille d’investissement (ou une partie) en espèces avec des pertes de valeur faibles ou inexistantes, notamment pour assurer une rentrée de fonds suffisante. L’argent d’un compte bancaire peut être considéré comme liquide car il est accessible rapidement et facilement. Par contre, rendre liquides des biens immobilisés comme des machines ou des infrastructures sera probablement plus long et difficile à réaliser.

Toutes les entreprises exigent un certain niveau de liquidité pour garantir un flux monétaire permettant de couvrir les dépenses opérationnelles et autres. Cependant, il s’agit souvent d’une difficulté pour les entreprises forestières car une proportion relativement élevée de capital est normalement immobilisée dans la terre, les forêts et les engins. Les recettes de la vente des produits pourraient ne pas se matérialiser quand les dépenses opérationnelles sont au plus haut.

De nombreuses entreprises forestières œuvrant dans l’industrie du bois font face à deux périodes particulièrement critiques en termes de liquidité, quelque soit l’année : au début de la période de récolte, lorsqu’il faut payer pour les opérations mais que le revenu des ventes de bois n’a pas encore été encaissé ; et entre les périodes de récolte quand les revenus pourraient être faibles mais les engins et les infrastructures doivent être entretenus et certaines opérations de terrain entreprises. Il pourrait être possible de négocier le renvoi des paiements (ne payer pour un service qu’après qu’il a été rendu, par exemple) et le paiement anticipé des ventes de bois. D’autres stratégies prévoient de minimiser ou d’éviter le blocage de ressources financières en immobilisations, et d’échelonner les activités préparatoires comme les inventaires hors de la période de récolte pour réduire le pic des coûts. Les sociétés devraient également  créer une réserve de fonds en espèces au fil du temps.

Une autre approche de l’amélioration des flux monétaires consiste à remplacer un pourcentage des coûts fixes (dépenses qui ont lieu indépendamment de la production, comme le remboursement des prêts pour une machine) par des coûts variables (dépenses liées directement à la production effective). Ainsi, la sous-traitance des opérations pourrait contribuer à réduire les coûts fixes liés à la propriété d’engins et au maintien d’un personnel permanent, ainsi qu’à se passer de la main-d’œuvre excédentaire hors saison.  La négociation de termes de paiement flexibles avec les sous-traitants, les fournisseurs de services et les employés pourrait aussi aider à assurer un flux financier harmonieux  - il pourrait être possible, par exemple, d’établir un élément du salaire lié à la production ou de compenser les salaires réduits par des primes à la fin de la période d’exploitation en fonction des bénéfices réalisés par l’entreprise. Une autre possibilité consisterait à  utiliser le matériel sur pied comme garantie ; ainsi, une plantation de tecks qui a une haute valeur commerciale connue pourrait servir à garantir un prêt si la rentrée de fonds doit être accrue, Une telle pratique pourrait être généralisée par le biais de politiques publiques.

Étude de marchés

Étude de marchés

Un facteur important  pour la réalisation d’un revenu suffisant est la  connaissance du marché ; cela est encore plus important pour les régimes de GDF qui prévoient la récolte accrue d’essences ligneuses « moins connues », dont certaines sont des essences potentiellement précieuses. Les études de marché pourraient donc servir à déterminer si l’on obtient les meilleurs prix pour les produits existants et  pour identifier et évaluer les marchés pour les nouveaux produits.  Même si les prix des espèces à forte demande dans les marchés d’exportation sont élevés, assurer la rentabilité des espèces moins connues, ainsi que de la plupart des produits forestiers non ligneux, pourrait imposer une recherche et une commercialisation considérables. Néanmoins, une analyse attentive des marchés locaux, nationaux et d’exportation pourraient révéler des occasions de revenus supplémentaires. La production de produits à valeur ajoutée et la certification du bois, par exemple, pourraient fournir de nouvelles opportunités pour les marchés d’exportation.

Certains pays ont des programmes publics et privés pour lesquels les propriétaires et entreprises forestiers reçoivent des subsides pour la fourniture de services environnementaux tels que la conservation de la biodiversité, la protection des eaux et le piégeage du carbone. Les entreprises forestières devraient évaluer les risques associés à la participation à de tels programmes pour s’assurer que les avantages sont supérieurs aux coûts.

Enfin, les entreprises devraient examiner si l’expansion de la production ou l’investissement dans  de nouvelles technologies peut accroître leur rentabilité, bien que la mise en place de tels systèmes puisse exiger des compétences particulières en matière de gestion, ainsi que des connaissances spécialisées et le recrutement de  personnel qualifié. La coopération avec d’autres entreprises, éventuellement par le biais d’associations et de coopératives, pourrait permettre de trouver de nouveaux clients, d’explorer de nouveaux marchés et de renforcer le pouvoir de négociation pour obtenir des prix plus avantageux.

Décisions sur l’investissement

Décisions sur l’investissement

La planification financière est essentielle à la prise de décisions d’investissement rationnelles, comme participer à des appels d’offres pour des concessions forestières, la construction d’édifices et de routes ; le mode d’exploitation ; les traitements sylvicoles ;  la préparation des plans de gestion ;  et la formation du personnel. Pour la plupart des entreprises, l’achat de machines est de loin la décision la plus importante en ce qui concerne leurs investissements. Ces décisions devront comprendre trois niveaux d’analyse :

  1. le calcul du rapport coûts-bénéfices et les indices de rentabilité comme la valeur actuelle nette et le taux interne de rentabilité ;
  2. l’évaluation des risques en estimant les périodes d’amortissements et une analyse attentive comprenant les scénarios « pessimistes » ; et
  3. la prise en compte de toutes les autres répercussions de l’investissement, comme la fiabilité et les aspects sociaux et environnementaux.

Financement supplémentaire

Financement supplémentaire

La grande majorité des entreprises forestières exige un certain niveau de financement extérieur pour la mise en œuvre de la GDF ; l’obtention de prêts et de subventions est donc une tâche fondamentale qui incombe aux gestionnaires d’entreprises forestières.

Les  grands investissements sont généralement financés par le biais de prêts bancaires, dont les conditions peuvent varier largement. De nombreuses banques rurales et de développement offrent des lignes de crédit à des conditions favorables pour les entreprises forestières engagées dans la GDF. En outre, beaucoup de pays pratiquent des avantages fiscaux pour les entreprises forestières qui peuvent prouver qu’elles appliquent des mesures spécifiques en faveur de l’environnement. La certification via le Forest Steward Council (FSC) ou le Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières (PEFC), ou un autre type d’évaluation extérieure est normalement requise pour que les entreprises puissent bénéficier de tels avantages fiscaux ou de conditions de crédit favorables.

Les entreprises devraient déclarer clairement l’objectif des prêts et évaluer de façon réaliste leur capacité à les rembourser. Les réseaux interpersonnels, les informations disponibles en ligne, et les consultations avec les directeurs de banque ou d’autres fournisseurs de services sont des sources potentiellement utiles d’information sur les  programmes de crédit. L’obtention du matériel et des documents requis pour l’octroi d’un prêt pourrait prendre beaucoup de temps, et une documentation incomplète et des antécédents défavorables en matière de crédit pourraient retarder, voire empêcher, l’approbation du prêt ; en outre, les demandes repoussées risquent de réduire la probabilité de prêts futurs.

Les nouveaux programmes de financement conçus sont très dynamiques et fortement influencés par les politiques en vigueur. Les gestionnaires d’entreprises devraient se tenir au courant des nouvelles opportunités et consulter régulièrement les mises à jour sur les sites des organismes gouvernementaux compétents, ainsi que ceux d’organisations internationales non gouvernementales et intergouvernementales présentes dans le pays ou la région. Dans de nombreux pays, des courtiers spécialisés facilitent les rapports entre les propriétaires et les gestionnaires forestiers et les institutions de crédit, et peuvent favoriser l’accès à des investissements majeurs. Certains services gouvernementaux de vulgarisation, organisations non gouvernementales, universités et instituts de recherche aident à obtenir des financements de sources extérieures ; la formation de coopératives et d’associations peut faciliter pour les petites et moyennes entreprises l’accès au crédit et à d’autres systèmes de financement. Toutefois, pour les communautés forestières traditionnelles, qui ne disposent pas de la documentation nécessaire, de garanties couvrant les responsabilités et des compétences permettant un accès officiel au crédit, les programmes de financement informels basés sur les relations personnelles pourraient être le meilleur moyen d’obtenir des fonds supplémentaires.

Attractivité financière de la GDF

Attractivité financière de la GDF

L’intérêt financier à long terme de la gestion des forêts est une condition fondamentale pour le succès de la GDF. Comme on l’a vu plus haut, les entreprises forestières actives doivent relever d’énormes défis pour effectuer une gestion financière correcte, mais la GDF offre aussi plusieurs avantages financiers potentiels. Ainsi, l’effort réalisé par une entreprise pour mettre en place la GDF favorise l’innovation et les améliorations structurelles qui rehaussent son professionnalisme et la qualité de ses opérations à tous les niveaux, y compris la gestion. Les activités préparatoires comme les inventaires et la planification peuvent réduire les coûts de production notamment par l’utilisation plus efficace d’engins coûteux et la minimisation des pertes de bois. La GDF facilite l’accès aux opportunités de financement sous forme de crédit, de prêts et de subventions, permet de bénéficier d’avantages fiscaux. Les entreprises dont la GDF est certifiée  peuvent obtenir un accès privilégié aux marchés stables et se forger une réputation de comportement responsable. Enfin, la GDF aide à assurer une utilisation rentable des forêts à long terme et l’accès permanent à la ressource et aux marchés, tant au profit de l’entreprise forestière, que de l’ensemble de la communauté. Pour que les entreprises puissent bénéficier au mieux des avantages offerts par la GDF, il est essentiel qu’elles comprennent l’importance d’une gestion financière qualité.