Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

Toyèmè Ninon Edith HOUHA

Coopérative d’Intermédiation pour le financement bancaire du monde rural (CIFR)
Benin

Réponse 1 : L’Afrique de l’Ouest, à voir la psychose généralisée née du colportage d’information sur le virus, n’est pas à l’abri de risques.

D’abord, elle n’est plus fréquentable. Les visiteurs de l’espace CEDEAO, de peur d’être contaminés ne sont plus excités à y venir. Les quelques vaillants qui y sont venus dans le cadre humanitaire et qui sont contaminés sont les exemples qui font reculer les autres. Le secteur touristique en porte donc les séquelles. Ensuite les mouvements humains entre Etats sont restreints. Les grandes réunions interétatiques, sous régionales et régionales sont suspendues. C’est le cas du salon (SIAO) au Burkina, de la coupe d’Afrique des nations que le Maroc demande à annuler, etc. La PAAO a dû annuler un forum ouest africain sur la faim et la malnutrition qu’elle avait planifié pour la fin de septembre 2014.Les mouvements entre grandes villes et les campagnes sont très réduits rien que pour éviter les contacts. Les échanges entre villes et villages sont quasiment rompus. La circulation des personnes et des biens qui est un grand principe de l’intégration des peuples est mise à rude épreuve. Les revenues se raréfient du fait que certaines activités comme le tourisme est en difficultés, les produits vivriers ne peuvent plus couler des campagnes vers les centres urbains. Les denrées alimentaires prennent plus de la valeur dans les villes. Les produits manufacturés utiles dans les campagnes prennent également plus de la valeur. Qui va payer ces surcoûts ? Lesdits surcoûts détériorent les poches pendant que les revenus n’augmentent pas. La cure alimentaire a commencé dans les ménages à faibles revenus dans les villes comme dans les campagnes. Les produits vivriers pourrissent dans les champs. Le coût des denrées alimentaires se renchérissent. Les risques d’une famine sont incontournables. Des familles sont rasées par la maladie engendrant des orphelins et enfants vulnérables, des veuves et des vieillards sans soutiens et sans revenus. Le risque que les producteurs, à cause du non écoulement de leurs produits (restriction sur la circulation obligeant) ont eu assez de pertes, mieux, ils n’auront pas assez de courage à produire dans les saisons prochaines. Cela, ajouté au manque de ressources né du chômage technique des personnes dont les entreprises ont fermées pour cause d’Ebola,  sans oublier les communautés de chasseurs mises en chômage prolongé, va à coup sûr provoquer une crise alimentaire et nutritionnelle dont on ne pourra pas maîtriser la durée dans le temps. Les enfants seront les premiers à en faire les frais. Il faut agir.

Réponse 2 : La viande apporte assez de protéine à l’organisme. La meilleure quantité de calorie utile à l’organisme peut provenir d’elle. Dans les Etats de l’Afrique de l’Ouest, la viande est une denrée utile prisée. Cette viande provient du cheptel élevé : volaille, caprin, bovin, cuniculture, aulacodiculture, etc. Elle provient en grande partie des produits de la chasse. Qui dit chasse dit viande de brousse. Aujourd’hui, une croix est mise sur les viandes brousse. L’autre analyse est de savoir quelle viande n’est pas de brousse en Afrique de l’ouest si nous savons que tous les animaux du cheptel élevé vivent de la brousse. Les bovins sont amenés au pâturage où ? La volaille se promène dans les champs pour se nourrir. Beaucoup de populations sont  subitement mises devant le fait qu’elles ne peuvent plus manger leurs viandes de prédilections. Le changement d’habitude alimentaire ne sera pas si facile. Pour telle ou telle raison, telle communauté ne mange pas telle viande. Or aujourd’hui, la sagesse et le risque sanitaire les obligent à choisir entre ne plus manger la  viande de brousse pour éviter Ebola et acheter la viande du cheptel élevé pour la protéine. Faire la dernière option est sage. Mais cela a un coût. D’ailleurs, les éleveurs n’ont pas été préparés à l’avènement d’une telle pression sur leurs produits. Comme dans l’économie de marché la forte demande implique nécessairement le renchérissement des prix. L’autre chose est que sous peu, il n’y aura plus de viande dans la sous région. Actions urgentes : il faut recenser les chasseurs et les reconvertir en éleveurs. Faire en sorte que les éleveurs, par souci de contamination de leurs animaux élèvent leurs animaux dans des enclos. Appuyer les éleveurs familiaux à adopter des techniques qui leur permettront de tirer profit. D’utiliser les réseaux d’organisations de la société civile de l’Afrique de l’Ouest pour communiquer et renforcer la capacité des acteurs locaux sur Ebola, l’élevage, les risques liés aux viandes de brousse, les risques liés aux animaux en vagabondage, la reconversion des chasseurs.

Réponse 3 : Qui parle de chaînes de production agricole, d’élevage, de pêche, de transformation des produits agricoles, de transport chaîne de production agricole, d’élevage, de pêche, de transformation des produits agricoles, de transport, parle avant tout des acteurs, c'est-à-dire des hommes, des femmes et des enfants qui travaillent sur chaque maillon. Le contact entre les hommes est avant tout le premier facteur favorisant la contamination. C’est d’ailleurs ce qui a fait que les écoles peinent à ouvrir leurs portes dans les Etats les plus touchés. En claire, toutes ces chaines sont brisées. Il faut de la méthode pour les reconstruire parce qu’aujourd’hui, chacun a peur de chacun. Qui n’est pas atteint du virus ? Qui na pas le virus en incubation ? Qui n’a pas  quoi ? Toutes les distorsions née de la psychose d’Ebola fait que véritablement, les zones de production sont coupés des grands centres de consommation. Qui va se rendre dans tel village en quête de produits pour rentrer malade ? Qui va se rendre au marché pour en revenir malade d’Ebola ? Il y a un autre aspect du débat. Les acteurs de chacune de ces chaines sont en relation avec des banques, des structures de micro finance. Comment faire face au problème de remboursement des crédits de production, d’achat de matériels, d’achat de moyens de transports et de transformation ?

Réponse 4 : Des entreprises ont fermé leurs portes dans les Etats les plus touchés. Les établissements d’enseignements y ont également fermé leurs portes. La communauté des chasseurs est au chômage. Quand on parle de fermeture d’entreprises, il faut savoir que beaucoup de personnes sont concernées : la personne mise en chômage, sa famille, ses amis mais aussi et surtout ceux chez qui ils achètent. Un chasseur vend à des grossistes qui vont revendre à des détaillants. Tous ceux-là sont affectés par l’arrêt brutal des activités du premier. Si une école ferme, ne regardons pas encore les animateurs de ladite école. Il faut regarder les autres prestataires de l’école à savoir, les vendeurs d’aliments de la cantine, les livreurs de livres, de fournitures scolaires etc. Quand l’école est privée, les enseignants sont au chômage en même temps. Seuls ceux du secteur public peuvent continuer à percevoir leur salaire tans que l’Etat sera capable de le leur verser. Ebola cause plus de dommages que les gens le croient.

Réponse 5 : Le rôle des organisations étatiques et non étatiques est la concertation. Il faut des rencontres à plusieurs niveaux. Les chefs d’Etats et de gouvernement viennent de tenir une réunion à Accra à cet effet. Mais l’actualité politique du Burkina a pris le pas sur Ebola. Les médias ont montré que les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest ont désigné le Président Sénégalais pour suivre la crise burkinabè. Qui est le Président désigné pour suivre la crise de la fièvre Ebola ? Quelle politique commune de riposte à Ebola est adoptée par les ministres de la santé de la CEDEAO, de l’UEMOA, de l’UA ? Et les ministres de l’agriculture ? Et les ministres du secteur de l’éducation ? Et la société civile ? Et les OING ? Et où sont les acteurs de la lutte contre la faim et la malnutrition de ces espaces ?

Pour ce qui nous concerne, il y a lieu d’anticiper sur toutes les causes et conséquences d’Ebola sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Si les organisations comme UEMOA, CEDEAO, UA, les organisations interétatiques de l’Afrique de l’Ouest, les organisations internationales, la coopération internationale, la communauté internationale, les ONG, les OING ne sont pas bien sensibilisées sur leurs rôles très salvateurs pour vaincre la crise alimentaire et nutritionnelle que Ebola peut engendrer, il faut le leur faire savoir. Aucune d’elles ne sera de trop.

Réponse 6 : Pour insuffler un sursaut et une dynamique d’action au niveau des acteurs à tous les niveaux il faut beaucoup communiquer et par tous les moyens. La PAAO doit actionner ses réseaux nationaux en vue de plaidoyers sur la production de viande, l’appui aux petits producteurs et les agriculteurs familiaux à cet effet. Le PAAO et les réseaux des alliances nationales avec les autres acteurs de la société civile doivent faire le plaidoyer en vue de l’intégration de la dimension Ebola et autres épidémies dans le droit à l’alimentation en Afrique de l’Ouest. Et dans le cadre de la faim Zéro  en Afrique de l’Ouest, toutes les maladies endémiques doivent être prises en compte comme des risques à surmonter.

Toyèmè Ninon Edith HOUHA,

Présidente de la Coopérative d’Intermédiation

pour le financement bancaire du monde rural

(CIFR) membre de

l’Alliance du Bénin

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