Les partenariats au service des ODD: Mme Beth Bechdol, Directrice générale adjointe, nous explique pourquoi il faut travailler avec le secteur privé pour bâtir le monde que nous souhaitons


22/02/2021 - 

Les Membres de la FAO ont adopté la nouvelle Stratégie relative à la mobilisation du secteur privé 2021-2025 à la dernière session du Conseil, en décembre 2020. La Stratégie est le fruit d’une nouvelle vision tournée vers l’avenir, qui vise à renforcer la mobilisation du secteur privé en vue de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).

Mme Beth Bechdol, Directrice générale adjointe et personne clé de l’équipe de direction centrale chargée de mener les consultations et les négociations sur la nouvelle Stratégie, explique pourquoi il est si important de mobiliser le secteur privé pour atteindre les ODD.

L’année 2020 marque le début d’une Décennie d’action, un appel à accélérer la concrétisation des objectifs de développement durable avant la date butoir de 2030. Du point de vue des partenariats, de quoi avons-nous besoin pour exécuter le Programme 2030?

Les 17 objectifs de développement durable (ODD) ne peuvent être atteints que si nous travaillons tous ensemble, dans les différents secteurs. Les partenariats stratégiques sont essentiels pour développer des solutions novatrices et susciter un changement profond. Il faut également que nous encouragions les collaborations qui favorisent la complémentarité des points forts de chacun.

La pandémie de covid-19 a seulement permis de mettre en évidence l’importance de travailler en partenariat et la nécessité de mettre en commun nos connaissances, nos innovations et nos ressources pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés en tant que communauté mondiale. Au cours de la prochaine décennie, nous devrons adopter une approche des partenariats novatrice, prise en main et dirigée par les pays, qui guidera notre collaboration avec les principaux acteurs de l’alimentation et de l’agriculture.

Pour tenir nos engagements d’ici à 2030, nous devrons être plus agiles, proactifs et stratégiques lorsque nous élaborerons des partenariats avec tous les acteurs qui contribuent à nos systèmes alimentaires, notamment les agriculteurs familiaux, la société civile, les peuples autochtones, le monde universitaire, les organisations philanthropiques et, en particulier, le secteur privé.

Pourquoi le secteur privé est-il un partenaire si important pour atteindre les ODD?

Le secteur privé fait partie intégrante de l’économie et de la société et son influence est encore plus évidente dans les systèmes agroalimentaires qu’ailleurs. L’alimentation et l’agriculture sont au cœur du Programme 2030. Ces deux secteurs sont appelés à nous aider à relever des défis mondiaux majeurs: il faut non seulement fournir à une population croissante des aliments peu coûteux, accessibles et nutritifs et gérer les effets du changement climatique, mais également préserver nos ressources naturelles et lutter contre les menaces émergentes liées aux organismes nuisibles et aux maladies.

Le secteur privé est également un partenaire de développement stratégique. Il est à l’avant-garde de nombreuses formes d’innovation et joue un rôle sans équivalent dans le commerce, le financement et l’investissement. Une collaboration plus étroite avec le secteur privé nous permettrait de mettre en commun nos connaissances, afin de trouver et de mettre en œuvre des solutions qui pourraient rendre nos systèmes alimentaires plus résilients, durables et inclusifs et donc nous rapprocher de la concrétisation des ODD.

Sur quelles activités de la FAO pensez-vous que les partenariats avec le secteur privé ont le plus d’impact?

Le secteur privé peut jouer un rôle décisif en contribuant à combler les lacunes financières qui empêchent de réaliser les ODD. Le développement agricole et le développement rural non agricole, en particulier, demanderont des niveaux élevés d’investissement de la part du secteur privé. Pour la FAO, il s’agit de privilégier à présent le financement, plutôt que le simple octroi de fonds. Nous nous efforcerons de catalyser et de panacher des sources de financement provenant d’investisseurs variés et de les structurer de façon à fournir les ressources nécessaires pour répondre aux besoins et aux priorités au niveau national.

L’accès aux données et aux technologies est aussi un domaine dans lequel le secteur privé peut apporter une importante contribution à nos activités. Ces dernières années, nous avons constaté combien l’accès aux données a été essentiel pour aider nos Membres à protéger l’alimentation, l’agriculture et les moyens d’existence contre les menaces émergentes, qu’elles prennent la forme d’organismes nuisibles transfrontières, tels que la chenille légionnaire d’automne ou le criquet pèlerin, ou de répercussions économiques dues à la pandémie mondiale. En cette ère du numérique, il est extrêmement important de pouvoir accéder aux données du secteur privé sur la production, le commerce, les marchés et d’autres aspects de la chaîne de valeur. La mobilisation du secteur privé dans ce domaine nous permettra de produire encore plus de connaissances, de données, d’informations sur les marchés et de pratiques optimales, en temps réel.

Depuis votre arrivée à la FAO, vous avez mené le processus intensif de consultation et de négociation visant à élaborer une nouvelle stratégie de mobilisation du secteur privé. Pourquoi est-il important de disposer d’une nouvelle stratégie aujourd’hui?

La FAO a toujours collaboré avec le secteur privé selon quelques modalités principales, à savoir les dialogues sur les politiques, la promotion et la communication, le renforcement des capacités, la mobilisation de ressources, la coopération technique et les contributions aux capacités de la FAO en matière de connaissances et de recherche. Ces types de collaboration sont toujours aussi importants, car ils nous permettent d’intégrer les connaissances et l’expertise du secteur privé dans l’ensemble de nos domaines d’activités et encouragent les différents secteurs à adopter des normes et des règles internationales – le Code de conduite international sur l’utilisation et la gestion durables des engrais, par exemple – qui sont des références pour établir des normes industrielles.

Toutefois, nous souhaitons désormais élargir notre collaboration avec le secteur privé selon des modalités qui, nous le croyons, renforceront les effets de nos activités. Il s’agira de favoriser l’innovation, d’encourager le partage et la diffusion des données, d’améliorer les investissements alignés sur les ODD dans les secteurs alimentaire et agricole et d’intensifier les efforts collectifs menés par de multiples parties prenantes, afin de proposer des solutions novatrices qui soient prises en main et dirigées par les pays.

La nouvelle stratégie est l’aboutissement d’un processus consultatif inclusif et est fondée sur les besoins exprimés par les Membres de la FAO, ainsi que sur les recommandations et les retours d’information communiqués par les représentants du secteur privé et le personnel de la FAO. L’année dernière, nous avons organisé une série de consultations approfondies en ligne, auxquelles ont participé plus de 75 entités du secteur privé et qui portaient sur les pratiques optimales et les enseignements tirés de l’expérience, ainsi que sur les difficultés et les moyens d’améliorer nos futures collaborations.

La nouvelle Stratégie de la FAO relative à la mobilisation du secteur privé, qui a été adoptée par l’ensemble de nos 194 Membres, jette les bases de collaborations qui peuvent susciter des changements profonds et des innovations et produire des effets et des bénéfices durables et mesurables. Cette mobilisation peut être mise en œuvre par différents moyens, notamment dans le cadre de partenariats, mais pas seulement, car nous diversifions nos modalités de collaboration avec le secteur privé.

Quand on parle du secteur privé, on a tendance à penser aux grandes entreprises multinationales. Est-ce que ce sont elles que vous essayez de mobiliser?

Il y a une grande diversité au sein du secteur privé. Il est certain que les grandes entreprises et les institutions financières ont leur rôle à jouer, mais c’est également le cas des jeunes pousses et des entrepreneurs, des associations industrielles ou professionnelles et des fondations philanthropiques. Les partenariats de la FAO doivent faire écho à cette diversité et prendre également en compte la valeur stratégique géographique (locale, nationale et régionale) et sectorielle.

Nous souhaitons en particulier mobiliser davantage les micro, petites et moyennes entreprises locales (MPME). À ce propos, l’un de nos plus récents accords de partenariat a été signé avec Paradise Foods Ltd, une entreprise locale du secteur privé en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette collaboration permettra aux petits producteurs de cacao de bénéficier de l’expertise du secteur privé pour améliorer la qualité de leurs produits et accéder à des marchés plus exigeants et plus rentables, ce qui améliorera et rendra plus sûrs les revenus des producteurs.

La nouvelle stratégie convient également que les agriculteurs, y compris les petits exploitants et les agriculteurs familiaux, sont des parties prenantes, non seulement en tant qu’entités du secteur privé et agents du changement, mais également en tant que bénéficiaires de la mobilisation du secteur privé.

Il n’existe pas d’approche universelle des partenariats. Les collaborations, et en fin de compte les solutions, doivent être adaptées en fonction des différents besoins, des différents contextes et environnements et des différents résultats escomptés. Le but de ces partenariats n’est pas seulement d’aider nos Membres à éradiquer la faim et la pauvreté, mais également de concrétiser notre volonté de ne laisser personne de côté en transformant les systèmes alimentaires pour améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie. En fin de compte, il s’agit de déterminer quelles sont les collaborations qui sont alignées sur les ODD et qui produiront de véritables effets sur le terrain.

En mobilisant le secteur privé, la FAO ne risque-t-elle pas de compromettre sa neutralité ou son impartialité?

Une collaboration accrue avec le secteur privé impliquera bien évidemment un certain niveau de risque, mais ce risque peut être géré efficacement. C’est l’approche que nous devons adopter si nous voulons instaurer un dialogue, renforcer la confiance et bâtir des collaborations axées sur les résultats avec le secteur privé.

La FAO est fermement résolue à préserver sa neutralité et son impartialité, en particulier en ce qui concerne nos activités d’établissement de normes. L’Organisation se doit de protéger sa réputation et son intégrité eu égard à une influence anormale, qu’elle soit réelle ou perçue, et c’est pourquoi notre mobilisation du secteur privé est guidée par des principes clairs qui nous aideront à gérer efficacement tout risque et à mettre en place des garde-fous qui garantissent la pleine indépendance des processus de prise de décisions au sein de la FAO.

On trouve dans la nouvelle Stratégie un guide complet sur la collaboration avec le secteur privé qui est destiné au personnel de la FAO et nous aidera à minimiser encore plus les risques en donnant les moyens à notre personnel de collaborer avec le secteur privé d’une manière qui coïncide avec les valeurs des Nations Unies.

Enfin, pourquoi le secteur privé devrait-il nouer des partenariats avec nous? Qu’est-ce que la FAO peut lui offrir?

En tant qu’organisme prépondérant dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture et partisan de l’innovation dans les systèmes agroalimentaires, la FAO parvient à mettre en rapport ses Membres et les entités du secteur privé pertinentes autour de priorités et d’investissements communs dans l’alimentation et l’agriculture, afin d’offrir aux acteurs de l’ensemble de la chaîne de valeur des possibilités, notamment en matière de formation, de renforcement des capacités et d’accès à des solutions dans les domaines du financement, de la technologie et des infrastructures.

Le secteur privé nous a également fait savoir qu’il était attaché au rôle d’intermédiaire impartial que joue la FAO dans le cadre d’alliances multidisciplinaires. En tant que passeur de connaissances indépendant, objectif et neutre, nous contribuons à créer des liens, pas seulement entre les gouvernements et le secteur privé, mais également avec le secteur financier, les coopératives et le monde universitaire. À titre d’exemple, au Ghana, nous avons réuni des fonctionnaires, des financeurs privés et d’autres parties prenantes des systèmes agroalimentaires afin d’étudier comment élaborer et intégrer dans les plans d’investissements agricoles nationaux des instruments novateurs de financement et de gestion des risques, notamment des assurances agricoles.

Enfin, et plus important encore, la FAO est un fournisseur de normes et de règles reconnues au niveau mondial qui peuvent aider les entreprises du secteur privé à mieux s’aligner sur les ODD et à renforcer leurs capacités à planifier, renforcer, mesurer et faire connaître l’impact de leurs opérations dans les secteurs agroalimentaires.

Nous n’avons pas de temps à perdre si nous souhaitons atteindre les ODD d’ici à 2030 et nous nous réjouissons à l’idée de travailler avec le secteur privé afin d’accélérer la concrétisation de nos ambitions communes pour l’avenir de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de la nutrition, du développement rural et de l’utilisation durable des ressources naturelles. Nous devons agir dès maintenant de façon conjointe, cohérente et décisive!

Pour en savoir plus: Stratégie de la FAO relative à la mobilisation du secteur privé 2021-2025