L'Emploi rural décent

Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale: les défis du changement climatique et des bioénergies

02/06/2008

Le Sommet de l’alimentation de la FAO (Rome, 3-5 juin 2008) offre une occasion historique de relancer le processus de lutte contre la faim et la pauvreté tout en dopant la production agricole dans les pays en développement. Dans un document de politique préparé pour ce Sommet, la FAO exhorte la communauté internationale à prendre des mesures concrètes de toute urgence pour affronter la faim et la malnutrition, la flambée des prix alimentaires, la pénurie de ressources en terre et eau, le changement climatique, les besoins accrus en énergie et la croissance démographique. “La dramatique situation alimentaire mondiale actuelle nous rappelle l’équilibre fragile entre les approvisionnements alimentaires mondiaux et les besoins des habitants de la planète, et le fait que les engagements souscrits précédemment pour accélérer les progrès vers l’éradication de la faim n’ont pas été tenus”, a déclaré notamment M. Jacques Diouf, Directeur général de la FAO.

“Vu la gravité du déséquilibre entre l’offre et la demande de nourriture à l’échelle mondiale, le retour à la stabilité prochaine des marchés céréaliers est peu probable. Les prix pourraient baisser, mais ils ne retomberont vraisemblablement pas, pour de nombreuses années, aux bas niveaux que nous avons connus. “Nous espérons que les dirigeants mondiaux, qui se réuniront à Rome, conviendront de mesures urgentes à prendre pour doper la production agricole, spécialement dans les pays les plus affectés et, dans le même temps, protéger les pauvres afin qu’ils ne subissent pas de plein fouet les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires”, a ajouté M. Diouf.

La situation de nombreux marchés de denrées agricoles continue à être tendue en dépit d’accroissements sensibles de la production, indique la FAO, soulignant la faible probabilité de reconstitution des niveaux déprimés des stocks dans le proche avenir. “La probabilité d’assister à de nouvelles envolées des prix et de voir leur volatilité s’installer par suite d’événements imprévus reste forte pour les campagnes à venir”, selon le rapport de la FAO “La flambée des prix des denrées alimentaires: faits, perspectives, effets et actions requises”. De nombreux pays sont confrontés à la double envolée des prix des aliments et des combustibles qui menace la stabilité macro-économique et la croissance économique. Les consommateurs pauvres des villes et des zones rurales, qui consacrent une grande partie de leurs revenus à l’alimentation, seront les plus touchés.Le rapport dresse une liste de 22 pays particulièrement vulnérables en raison de niveaux élevés de sous-alimentation chronique (plus de 30 pour cent), conjugués à une forte dépendance des importations de céréales et de produits pétroliers. Des pays comme l’Érythrée, le Niger, les Comores, Haïti et le Liberia sont particulièrement touchés.Le rapport affirme que les hausses, même modérées (10-20 pour cent), des prix intérieurs pourraient avoir des répercussions négatives immédiates sur les ménages très pauvres qui consacrent une part importante de leurs revenus à l’alimentation.

Selon la FAO, le nombre de personnes affamées dans le monde était estimé, en 2002-2004, à 862 millions, dont 830 millions dans les pays en développement. Fournir une aide d’urgence aux plus pauvres et aux affamés de la planète, relancer l’agriculture et revitaliser les communautés rurales sont des éléments essentiels pour réduire la faim et améliorer la situation alimentaire mondiale dans le contexte actuel de la flambée des prix des denrées alimentaires, soutient la FAO. Protéger les habitants les plus vulnérables des zones rurales et urbaines pourrait nécessiter une distribution directe et ciblée d’aliments, des subventions alimentaires et des transferts de fonds ainsi que des programmes nutritionnels, y compris d’alimentation scolaire.Il convient de renforcer la protection sociale, en particulier pour les groupes vulnérables, notamment pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées.

En guise de réponse à court terme, il est urgent de doper la production alimentaire locale. Les mesures nécessaires pourraient comporter la distribution de semences, de fourrages et d’autres intrants aux petits agriculteurs grâce à un système de bons ou de subventions. S’il est mis en oeuvre judicieusement, un programme de ce type aura pour effet d’augmenter les revenus des petits producteurs et de limiter les hausses de prix sur les marchés locaux. A cet égard, la FAO a lancé un appel pour 1,7 milliard de dollars pour approvisionner en semences, engrais et autres intrants les pays à faible revenu et à déficit vivrier. En décembre dernier, M. Diouf a annoncé le lancement de cette initiative de la FAO grâce à 17 millions de dollars puisés sur ses ressources propres.

Le rapport souligne que l’envolée des prix alimentaires fournit aux secteurs privé et public des incitations à investir dans l’agriculture pour stimuler la production et la productivité. Il invite à relancer les investissements dans des secteurs longtemps négligés comme la recherche, la vulgarisation et les infrastructures agricoles.Les mesures de soutien doivent viser en particulier la recherche agronomique au service des agriculteurs pauvres, dont beaucoup exploitent des terres de plus en plus marginales et devraient bénéficier d’un meilleur accès aux facteurs de production, à savoir la terre, l’eau et les intrants. Selon le rapport, les mesures unilatérales de politique commerciale prises par certains pays pour assurer la disponibilité des denrées alimentaires sur le marché local peuvent exacerber l’instabilité des prix sur les marchés mondiaux et affecter la sécurité alimentaire dans d’autres pays. A cet égard, la coordination des politiques revêt une importance particulière.

Les politiques relatives à la production et au commerce des biocarburants devraient être examinées à la lumière de leurs effets possibles sur les marchés alimentaires internationaux et, de ce fait, sur la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays vulnérables. Pour réussir, les décisions prises et les politiques mises en œuvre dans ce domaine devraient tenir compte des impératifs de sécurité alimentaire.

“Nous vivons un moment historique: pour la première fois en 25 ans, une incitation fondamentale - les prix élevés des produits alimentaires - est en place pour stimuler le secteur agricole”, a dit M. Diouf.Les Gouvernements, avec l’appui de leurs partenaires internationaux, doivent maintenant mobiliser les investissements publics nécessaires et offrir un environnement propice à l’investissement privé, tout en mettant à l’abri de la faim les catégories les plus vulnérables.”Le Sommet de juin sur la sécurité alimentaire offre aux leaders mondiaux un forum unique pour adopter des politiques, des stratégies et des programmes nécessaires à relever les nouveaux défis de la sécurité alimentaire mondiale. Plusieurs chefs d’Etat et de Gouvernement ont déjà confirmé leur présence à ce Sommet auquel participeront également le Secrétaire général de l’ONU et les responsables de plusieurs organisations des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods.