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Les coopératives dirigées par des femmes renforcent la résilience face à l’adversité en Türkiye


Les coopératives offrent aux femmes la possibilité d’accéder à l’indépendance économique et de reconstruire leurs vies au lendemain du séisme

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Membre de la coopérative de Samandağ réservée aux femmes, Çiğdem Kudret produit diverses spécialités locales qui sont ensuite vendues sur les marchés et en ligne. Avec l’appui de la FAO, des coopératives turques promeuvent l’entrepreneuriat et l’autosuffisance économique des femmes. ©FAO/Bradley Secker

06/03/2024

En 2019, Çiğdem Kudret s’est rendu compte que ses compétences – à savoir faire des confitures, des marinades, des mélanges d’épices et du concentré de tomate – pouvaient être monétisées. Cette prise de conscience a été provoquée par un cours que Çiğdem a suivi à la coopérative locale de femmes de Samandağ, et a éveillé chez Çiğdem une passion pour l’entrepreneuriat et l’autosuffisance économique.

Élevée dans une famille où les femmes étaient dissuadées de travailler en dehors du foyer, Çiğdem n’avait jamais connu l’indépendance financière. Après son mariage, elle est devenue femme au foyer et mère de trois enfants. 

«Grâce à la coopérative, j’ai eu pour la première fois de l’argent en poche», dit Çiğdem. «Notre père ne voulait pas que ses filles travaillent. Mais j’ai toujours voulu travailler et apporter ma contribution. J’ai des capacités, mais comme personne ne m’encourageait, je suis restée enfermée dans ce carcan.» 

Créé en 2019 en collaboration avec l’Agence turque pour l’emploi et le Centre d’enseignement public, le cours de la coopérative sur la production de confiture a permis de développer les compétences des participantes. Grâce à une annonce dans la presse locale, 25 femmes ont voulu y prendre part, dont Çiğdem. Après six mois de formation intensive, Çiğdem a rejoint l’équipe de production.

La coopérative, qui est en activité depuis 2020, a été fondée par un membre du conseil municipal local, Atiye Sönmez Erdoğdu. Pour les femmes locales, la coopérative était plus qu’une source de revenus, elle leur donnait un sens de la communauté et de l’autonomie. Il s’agissait de la première coopérative de femmes dans la province du Hatay, dans le sud de la Türkiye.

Pour les femmes de la coopérative, l’autonomisation économique a également remis en question la répartition traditionnelle des rôles entre les femmes et les hommes dans les ménages. ©FAO/Bradley Secker

«Notre objectif était de donner l’exemple et d’ouvrir la voie», explique Atiye. 

Dans le sillage de cette coopérative, 7 autres ont été établies à Samandağ et 30 ont été créées dans la province du Hatay dans son ensemble. Conseillère financière de profession, Atiye travaille à titre gracieux à la coopérative, où elle gère les comptes et apporte une assistance judiciaire.

«Atiye m’a aidée à devenir stagiaire. Le jour où j’ai passé cette porte, une lumière a éclairé ma vie. Et je ne voulais pas l’éteindre», raconte Çiğdem.

«Quand je viens, ici, je ressens l’apaisement qu’on éprouve quand on arrive chez soi. C’est comme ça que je me sens ici.»

Quand un tremblement de terre dévastateur a frappé la région en 2023, les nouveaux moyens de subsistance de Çiğdem ont été menacés. Le séisme a frappé le sud-est de la Türkiye, dans la région de l’Anatolie, et 11 provinces ont subi des dégâts, dont la province du Hataye où habitaient Çiğdem et Atiye.

La coopérative a essuyé de graves pertes et seuls 10 pour cent de ses produits ont pu être récupérés. 

Le tremblement de terre a profondément ébranlé la région et laissé des milliers de personnes sans accès aux produits de première nécessité et incapables de rétablir leurs moyens de subsistance.

Quatre-vingt-dix pour cent de Samandağ ont été détruits et presque tout le monde a perdu des êtres chers, comme le raconte Atiye. Cette dernière s’est retrouvée sans domicile et a dû vivre dans sa voiture pendant quelque temps.

Le séisme a également détruit la maison de Çiğdem.

«Après le tremblement de terre, nous avons connu une période très sombre. Les enfants nous ont poussés à quitter la ville. Je n’avais pas envie de quitter cet endroit. Après, j’ai eu un sentiment de vide, comme si [la coopérative] était une deuxième maison que j’avais abandonnée. Je sentais que je devais y retourner», se souvient-elle.

En dépit de ce qu’elle avait perdu, Atiye était déterminée à maintenir la coopérative en activité. Avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), elle a obtenu un nouvel ordinateur portable et a relancé l’activité de commerce en ligne de la coopérative. Elle a rallié d’autres membres et encouragé celles qui avaient quitté la région à revenir et à reprendre la production, malgré les difficultés. 

La FAO, qui soutenait déjà la coopérative avant le tremblement de terre, est intervenue pour aider le collectif à se relever. En fournissant des machines et du matériel, elle a fait en sorte que les coopératives dirigées par des femmes reçoivent l’aide dont elles avaient besoin pour reconstruire et se remettre. 

De telles initiatives sont conformes à l’engagement pris par la FAO d’investir dans l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans les systèmes agroalimentaires. Elles contribuent grandement à encourager les progrès et à améliorer la résilience et la sécurité alimentaire des ménages et des communautés.

Avec l’aide de la FAO, Atiye Sönmez Erdoğdu, chef de la coopérative, s’est battue avec acharnement pour faire revenir les employées et relancer la production après le tremblement de terre dévastateur de 2023. ©FAO/Bradley Secker

Çiğdem est également retournée à Samandağ et a repris le travail à la coopérative, même si elle vit toujours dans une tente.

Atiye souligne à quel point ces coopératives sont importantes pour le relèvement après une catastrophe.

«Les femmes viennent à la coopérative depuis leurs tentes et guérissent en échangeant entre elles et en participant à la production», dit Atiye. «Le soir, quand elles partent, elles prennent leur salaire du jour et l’ajoutent à leurs économies. Nous contribuons ainsi à leur guérison sur les plans économique, social et psychologique.» 

Neşe Çakır Sayran, spécialiste des questions de genre à la FAO, insiste sur l’importance d’investir dans les capacités et les connaissances des femmes.

 «L’autonomisation des femmes n’est pas qu’économique, mais aussi sociale et culturelle. Elle mène à la participation des femmes à la prise de décisions, ce qui est particulièrement crucial», explique Mme Sayran.

De fait, la coopérative n’est pas qu’une source de revenus, mais a également remis en question la répartition traditionnelle des rôles entre femmes et hommes dans les ménages.

«Lorsque les femmes disent qu’elles sortent pour gagner de l’argent, elles sont davantage respectées par leurs époux», souligne Atiye. «Quand elles rentrent à la maison, le partage des tâches ménagères se fait plus facilement.»

Atiye est d’avis que les coopératives sont déterminantes pour passer du travail non rémunéré à l’autonomisation économique. «L’un des accomplissements concrets de notre coopérative est que nous avons rendu visible le travail domestique invisible et non rémunéré. Nous avons associé le produit de ce travail à une marque, l’avons conditionné et l’avons mis sur le marché.» 

Çiğdem fait le même constat dans sa vie quotidienne.

 «Mon mari et moi communiquons bien et nous répartissons bien les tâches. Maintenant, il voit à quel point je me donne du mal – pour m’occuper des enfants et pour contribuer au budget.» 

Alors que la Türkiye reconstruit après les séismes subis, les coopératives dirigées par des femmes donnent aux femmes les moyens d’être résilientes. 

«Nous espérons que nous surmonterons cette épreuve ensemble et que nous ferons des progrès avec l’aide de l’équipe de la FAO», dit Çiğdem.

«À l’avenir, je veux devenir plus forte et contribuer davantage à l’économie. Je veux bâtir un avenir plus solide pour mes enfants. C’est pourquoi je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour travailler et gagner autant d’argent que possible.»

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