En Inde, un mouvement populaire en faveur de l’agriculture naturelle gagne du terrain, contribuant à améliorer les moyens d’existence des populations, leurs revenus et la santé des sols. ©FAO/Francisco Martinez
En Inde, un mouvement populaire axé sur l’agriculture agroécologique gagne rapidement du terrain. Nées dans l’État du Karnataka, dans le sud du pays, les méthodes agricoles naturelles ont été adoptées d’abord par des dizaines, puis des centaines et désormais des centaines de milliers d’agriculteurs dans toute l’Inde. Quelle est donc leur particularité?
Les méthodes naturelles se sont répandues avec l’appui du programme d’agriculture naturelle communautaire de l’Andhra Pradesh (APCNF), une initiative agricole lancée par le gouvernement de cet État, grâce à l’expertise technique de la FAO. Ce programme encourage une agriculture qui, au lieu d’utiliser des produits chimiques, a recours à des pesticides d’origine botanique élaborés sur place et à des méthodes de culture novatrices qui préviennent naturellement les infestations d’organismes nuisibles et l’apparition de maladies. Ces méthodes ont permis aux agriculteurs de réduire considérablement leurs coûts de production et de mettre fin au cycle d’endettement dans lequel ils sont souvent pris lorsqu’ils sont tributaires de pesticides et d’engrais chimiques coûteux.
Le témoignage de Kakani
Kakani Sivannarayana ne cultivait que des bananes sur son lopin. Cette culture étant la plus rentable, son choix s’imposait car elle était la seule à lui permettre de faire usage d’engrais et de pesticides chimiques.
Mais paradoxalement, ces produits chimiques coûteux endommageaient les sols, dont ils épuisaient les réserves en éléments nutritifs et appauvrissaient la diversité microbiologique, qui recèle des bactéries et des champignons utiles. Au fil du temps, la terre devenait moins productive, ce qui se traduisait par une baisse de rendement pour Kakani.
Lorsqu’il a entendu parler de l’agriculture agroécologique par des exploitants voisins, il a estimé que la transition vers un système agricole plus naturel valait la peine d’être tentée.
«L’utilisation de sept ou huit sacs d’engrais revenait cher. À présent que j’utilise des méthodes agricoles naturelles, seuls sont nécessaires le drava jiwamrut et le ghana jiwamrut [deux biostimulants naturels élaborés à partir d’ingrédients disponibles sur place, soit la bouse et l’urine de vache, la canne à sucre, la farine de légumes secs et une poignée de terreau], qui sont très bon marché. C’est pourquoi je pratique une agriculture naturelle: des coûts réduits et de meilleurs revenus», explique Kakani.
Kakani a constaté les bienfaits des méthodes agricoles naturelles et encourage ses voisins agriculteurs à les appliquer à leur tour. ©FAO/Francisco Martinez
«Lorsque nous utilisions des engrais chimiques, nos sols étaient tassés comme la surface d’une route en ciment. Ils n’absorbaient plus l’eau, et les dépenses ne cessaient de s’accumuler. Cependant, après avoir adopté des pratiques agricoles naturelles, les sols s’ameublissent et les bananes deviennent plus savoureuses. Les produits restent frais plus longtemps aussi», dit Kakani.
Outre la réduction de ses coûts, l’agriculture naturelle a aussi augmenté ses revenus et la santé de ses sols grâce aux cultures intercalaires, méthode qui consiste à faire pousser plusieurs cultures compatibles sur une même parcelle. Le but est d’utiliser efficacement les synergies naturelles des végétaux pour améliorer le rendement. C’est ainsi qu’une culture peut naturellement fournir au sol les nutriments dont une autre a besoin pour croître, ou encore repousser ou piéger les organismes nuisibles susceptibles de s’attaquer aux plantes voisines.
«Avec l’agriculture chimique, nous ne pouvions pratiquer qu’une seule culture sur un lopin. En agriculture naturelle, quatre ou cinq cultures intercalaires sont pratiquées en parallèle, qui peuvent être la tomate, l’aubergine, le piment ou des légumes secs, ce qui dégage un revenu d’appoint et améliore la nutrition».
La réussite des pratiques agroécologiques dans ses cultures a conduit Kakani à encourager les autres habitants de son village à lui emboîter le pas.
«Je les ai invités à sonder mes sols pour savoir combien de vers de terre ils contenaient par rapport aux champs où sont utilisés des engrais chimiques», explique Kakani.
Les vers de terre se développent dans des sols sains et concourent à la bonne santé de ceux-ci en augmentant leur teneur en éléments nutritifs, en stimulant leur drainage et en stabilisant leur structure, ce qui contribue à améliorer la productivité agricole. Comme on devait s’y attendre, «nous avons constaté que les vers de terre étaient beaucoup plus nombreux dans les champs cultivés selon des méthodes naturelles», déclare Kakani.
Avec l’aide de la FAO, Kakani a créé sa propre école pratique d’agriculture afin de transmettre des techniques qui ne font appel à aucun produit chimique. ©FAO/Francisco Martinez
Des méthodes naturelles pour un avenir meilleur
Le succès de Kakani grâce à ses méthodes d’agriculture naturelle lui ont valu d’être reconnu et soutenu par la FAO et le gouvernement de l’ Andhra Pradesh, ce qui l’a conduit à devenir formateur, en mettant en place, dans son village, une école pratique d’agriculture destinée à aider d’autres exploitants à utiliser ces méthodes et à tirer les enseignements de leurs propres pratiques. Aujourd’hui, Kakani tient aussi un magasin proposant des produits de gestion sans pesticides, qui fournit aux agriculteurs locaux des solutions naturelles et locales de lutte contre les organismes nuisibles et de gestion des sols.
De nombreuses pratiques agricoles qui ont cours aujourd’hui dans le monde, telles que la monoculture et la dépendance excessive à l’égard des produits chimiques, ne sont pas durables. Elles dégradent les sols, exercent une pression énorme sur les ressources hydriques et entament les bénéfices des agriculteurs, sont nocives pour leur santé et dommageables à leurs moyens d’existence. Les méthodes d’agriculture naturelle témoignent de l’existence d’une autre voie.
Grâce à Kakani et à d’autres pionniers comme lui qui ont fait connaître cette solution naturelle, les petits exploitants agricoles dépensent moins en intrants, obtiennent des rendements plus élevés et des conditions d’exploitation plus durables, sans parler du fait que les consommateurs disposent ainsi d’aliments exempts de produits chimiques. La promotion du recours à ces pratiques simples et naturelles ouvre la voie à l’avènement d’un secteur agricole plus durable, meilleur pour l’avenir de notre planète.
Derrière tous nos aliments, il y a toujours quelqu’un qui les a produits, plantés, récoltés, pêchés ou transportés. À l’approche de la Journée mondiale de l’alimentation (16 octobre), nous tenons à remercier ces héros de l’alimentation qui, en toutes circonstances, continuent de fournir des aliments à leur communauté et au‑delà, contribuant ainsi à développer, à nourrir et à pérenniser notre monde.
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