La restauration des forêts et des paysages (RFP) a pour objectif de valoriser des paysages variés, productifs et multifonctionnels qui résistent également aux fluctuations économiques et aux changements climatiques. La RFP déplace l’importance accordée à la simple maximisation du couvert arboré pour s’intéresser au rétablissement de la multifonctionnalité de l’écosystème dans les paysages déjà dégradés, en s’efforçant d’atteindre un équilibre entre la restauration des services environnementaux et l’amélioration de la capacité productive de la terre pour l’agriculture, la sylviculture et ses autres utilisations.
La RFP diffère du reboisement au niveau des sites forestiers parce qu’elle vise expressément à restaurer des processus écologiques comme les cycles hydrologiques et nutritifs, la formation des sols, les dynamiques de la faune sauvage qui fonctionnent ou ne sont efficaces qu’à une échelle plus grande – ou à l’échelle du paysage. Cela explique que le terme «restauration» soit préféré au terme «reboisement».
La RFP est bien plus qu’une démarche technique: l’implication des propriétaires fonciers et d’autres parties prenantes aux processus décisionnels participatifs en fait partie intégrante. Elle fait appel à des démarches collaboratives pour harmoniser les nombreuses décisions des propriétaires fonciers sur l’utilisation des terres avec l’objectif d’améliorer l’intégrité écologique et les résultats économiques, ainsi que de renforcer le développement socioéconomique des communautés locales.
Parce que les connaissances et les compétences des personnes sont une ressource importante pour la restauration des paysages, il est essentiel que les femmes et les hommes puissent y contribuer de manière équitable. L’aménagement du paysage ne sera efficace qu’en tenant compte des préoccupations des femmes et des hommes. Pourtant, un écart important subsiste encore au niveau des connaissances car les femmes sont souvent exclues des processus participatifs.
Les approches paysagères font intervenir les propriétaires fonciers, les leaders politiques et d’autres parties prenantes mais peu d’entre eux sont des femmes. Cela veut dire que les femmes ne peuvent pas participer aux discussions déterminantes alors que l’expérience montre que la réussite des approches paysagères dépend de la participation active des communautés, du secteur privé et d’autres acteurs, y compris les femmes.
Les décisions concernant la mise en œuvre de la RFP dépendent nécessairement de l’ampleur et de la nature de la dégradation des terres, ainsi que des ressources disponibles et des caractéristiques biophysiques des paysages. Elles dépendent également des aspirations et des besoins des parties prenantes, ainsi que d’un éventail de facteurs sociaux, économiques et environnementaux.
- Les personnes qui entreprennent une initiative de RFP devraient se poser les quatre questions clés suivantes:
- Quelle est l’ampleur de la restauration requise dans un paysage particulier?
- Quel type de restauration faut-il effectuer pour chaque site?
- Dans quelles zones faut-il entreprendre ces interventions au niveau du paysage ?
- Comment devrait être organisé, financé et géré un programme de remise en état?
L’ampleur de la restauration
L’ampleur de la restauration
requise dans un paysage dépend de l’étendue et des conditions préalables des terres forestières, des agroécosystèmes et des forêts naturelles. La RFP n’est pas une question de maximisation du couvert arboré mais de réponse aux besoins en produits forestiers et en services environnementaux. Elle vise expressément à éviter toute nouvelle dégradation des terres et toute nouvelle perte de forêt naturelle. Toute zone restaurée devrait faire partie d’une mosaïque d’autres affectations des terres comme, par exemple, l’agriculture. La question qui devrait être posée est la suivante: «Une forêt peut-elle être régénérée de manière à compléter l’agriculture ou même contribuer à augmenter la production vivrière, plutôt que d’entrer en concurrence pour accéder à la terre?”
Le type optimal de restauration
Le type optimal de restauration
pourra varier considérablement à l’intérieur d’un paysage, en adoptant des approches différentes en fonction des zones. Dans certaines zones, les arbres pourront être plantés en monocultures à vocation commerciale, alors qu’ailleurs des efforts seront entrepris pour remettre les écosystèmes forestiers originaux en état (une démarche évoquée ici sous le nom de restauration écologique). La combinaison des activités de restauration à l’intérieur d’un paysage augmentera vraisemblablement la productivité et la fourniture de services environnementaux tout en répondant aux besoins des personnes qui vivent dans ce paysage. D’autres efforts de restauration peuvent supposer la réintroduction de quelques essences forestières (mais pas forcément de toutes) qui se trouvaient déjà dans le paysage en question (souvent qualifiée de remise en état), ou de différentes formes d’agroforesterie. La figure 1 présente une typologie d’interventions de restauration possibles.
La zone d’intervention
La zone d’intervention
de la RFP est influencée par des considérations comme: l'emplacement des zones les plus dégradées du paysage; les zones du paysage dans lesquelles la restauration est le plus nécessaire; ou bien s’il serait plus efficace d’éliminer les obstacles qui empêchent le bon fonctionnement écologique. Parmi les exemples de zones à fort impact, on trouve: les pentes abruptes érodées; les zones riveraines; les corridors entre les vestiges de forêts naturelles et les zones tampons autour des parcelles boisées résiduelles. La zone d’intervention sera vraisemblablement aussi influencée par des facteurs sociaux ou démographiques, des facteurs économiques comme l’accès aux marchés (déterminant pour la rentabilité des produits issus des zones remise en état), et des priorités locales, sous-nationales ou nationales.
La planification et l’organisation
La planification et l’organisation
d’une initiative de RFP est plus complexe que la restauration ou la remise en état d’un site forestier. La RFP a une dimension politique car elle opère souvent entre différentes circonscriptions politiques (par ex. limites des administrations locales) et car elle a des répercussions sur la production vivrière et les produits ligneux, ainsi que sur la fourniture de services environnementaux comme la qualité de l’eau ou le stockage du carbone, et la satisfaction des besoins récréatifs et culturels. Les interventions de RFP qui ont pour objectif de changer la nature et la composition des paysages en mosaïque risquent vraisemblablement d’avantager quelques propriétaires fonciers et d’en désavantager d’autres. Les parties prenantes autres que les propriétaires fonciers, comme les utilisateurs des eaux en aval qui bénéficieraient d’une meilleure qualité de l’eau, peuvent aussi être concernés par les résultats des interventions de RFP. Le meilleur moyen de s’assurer que les décisions sur la gestion de l’utilisation du territoire – y compris les décisions relatives à la RFP – soient acceptables pour le plus grand nombre de parties prenantes est de faire intervenir ces partes prenantes dans le processus décisionnel. Les acteurs de la RFP devront concilier les objectifs sous-nationaux ou nationaux (par ex. la protection des bassins versants ou la conservation de la biodiversité) avec les priorités des communautés locales et des propriétaires fonciers individuels. Il faudra donc vraisemblablement trouver une combinaison judicieuse entre planification et gestion descendante et ascendante.