La restauration des forêts a bénéficié de beaucoup d'attention de la part des scientifiques et des décideurs en raison de sa contribution potentielle à l'atténuation des effets du changement climatique (Shukla et al., 2019). Des solutions climatiques naturelles sont susceptibles favoriser plus d'un tiers du captage du carbone atmosphérique nécessaire pour limiter les risques de changement climatique au-dessus de 1,5°C (Griscom et al., 2017). Les forêts constituent l'une des solutions climatiques naturelles les plus importantes. La régénération des forêts a également des liens étroits avec la biodiversité étant donné que, pour régénérer des forêts stables qui fournissent de multiples services écosystémiques, il faut avoir une compréhension fonctionnelle de la biodiversité qui sous-tend les fonctions de l'écosystème (Aerts et Honnay, 2011). La restauration des forêts est donc incluse dans la conversation entourant les décisions et les cibles des Objectifs de développement durable, la Convention sur la diversité biologique, la Décennie de la restauration de l'écosystème de l'ONU , et le Défi de Bonn. La restauration des forêts suit les processus de dégradation des forêts et de déforestation, qui sont par contre abordés dans des modules séparés de la boîte à outils de la Gestion durable des forêts.
Le concept de régénération des forêts et du paysage est récemment devenu prioritaire. Ce dernier concerne la restauration non seulement du couvert forestier dans un site particulier, mais considère aussi le site dans le contexte du paysage comme un tout; il inclut toutes les utilisations du sol et les personnes qui s'y trouvent. La restauration des forêts et des paysages est traitée dans un module séparé: le module sur la Restauration des forêts et des paysages porte sur la restauration de nombreux sites dans le contexte d'un paysage affecté à des usages multiples.
Le présent module se concentre donc sur la forêt et sa régénération au niveau des sites. Il est toutefois très important que, même lorsqu'il s'agit de régénération forestière sur un seul site, celui-ci soit considéré dans son contexte environnemental et social. Les principes directeurs sont exposés plus en détail, et le lecteur peut se reporter à des oeuvres de référence dans la section Outils de ce module. Des cas sont présentés pour différentes zones écologiques afin d'illustrer les concepts de restauration sur site.
La régénération des forêts englobe une grande diversité de points de départ et d'objectifs. Elle est considérée comme un moyen d'inverser la dégradation des forêts ou la perte de productivité des biens et des services écosystémiques comme les aliments, le bois, la biodiversité et l'eau. En raison de l'activité anthropique et d'autres processus naturels, ces types de besoin de restauration se retrouvent partout dans les forêts du monde, des zones arides aux forêts tropicales humides, des hautes latitudes et altitudes, des régions pauvres aux régions riches. Selon certaines estimations, les pertes économiques annuelles causées par la déforestation et la dégradation des terres étaient de 1 500-3 400 milliards d'EUR en 2008, soit 3,3-7,5 pour cent du PIB mondial à cette époque (Secrétariat ELD, 2015).
La régénération des forêts inclut:
- la réhabilitation, c'est-à-dire la restauration d'espèces, de structures ou de processus souhaités dans un écosystème existant;
- la reconstruction, c'est-à-dire la restauration des plantes indigènes sur des terres affectées à d'autres utilisations;
- la remise en état, c'est-à-dire la restauration de terres sévèrement dégradées dépourvues de végétation;
- un remplacement plus radical, à travers lequel les espèces ou les provinces inadaptées à un endroit donné et incapables de migrer sont remplacées par des espèces introduites, en fonction de l'évolution rapide du climat.
(Stanturf, Palik et Dumroese, 2014)
La régénération des forêts peut être comprise par rapport à la courbe de transition forestière présentée dans la figure 1. La réhabilitation est normalement effectuée afin de restaurer la productivité d'une forêt au stade dégradé tandis que la reconstruction ou la remise en état est effectuée dans des forêts qui sont tellement dégradées qu'elles ont cessé de fonctionner comme des forêts efficaces. Dans de nombreuses régions du monde, les terres abandonnées à la suite d’une exploitation agricole se régénéreront naturellement pour former des forêts secondaires qui sont, de par leur nature et composition, différentes des forêts qui les ont précédées. Une gestion active peut accélérer ce processus ou modifier la trajectoire de la succession pour que la structure ou la composition atteignent mieux certains objectifs de gestion. Les catastrophes, y compris les incendies et les vents forts, peuvent provoquer une perte de couverture forestière sur de grandes surfaces, ce qui peut nécessiter une restauration en vue d’accélérer le processus de régénération naturelle et le retour à des conditions plus productives.
Figure 1. Les terres écologiquement propices à la forêt passent souvent d’une forêt primaire à un état de forêt improductive ou à un état non forestier à cause d'une gestion abusive. Dès lors, la régénération de la forêt peut accélérer la transition vers un état forestier productif (source: https://www.forestryandclimate.com).
Lorsque l'on pense à la restauration des forêts en considérant la courbe de transition forestière, il est important de tenir compte des différences écologiques entre les types de forêt. Par exemple, les successions forestières progressent de manière assez différente dans les forêts tropicales humides par rapport aux forêts sèches: dans les forêts humides, le bois des arbres au stade pionnier est généralement peu dense et fragile alors que le bois des arbres qui se développent plus tard est plus dense et plus robuste. Dans les forêts sèches c'est tout le contraire: le bois des arbres pionniers est généralement très dense alors que le bois des arbres à des stades ultérieurs de succession est plus tendre et frêle (Poorter et al., 2019). Cette différence s'explique par la variation de l'humidité ambiante de l'environnement provoquée par la couverture forestière et la concurrence des arbres. En outre, dans les forêts sèches, l'implantation d'arbres établis à partir de plantules est souvent moins rentable que le recours à l'ensemencement direct et à la régénération des porte-greffes.
Il existe de nombreuses façons pour les propriétaires et les gestionnaires forestiers de restaurer les forêts dont, notamment, la plantation, la régénération des semences, le prélèvement ou le contrôle des espèces moins recherchées, ou encore le désherbage pour réduire la concurrence. La régénération naturelle est sous-tendue par la protection contre les incendies ou contre le pâturage des animaux. La restauration des forêts ne se limite pas nécessairement aux systèmes forestiers naturels, puisque, dans de nombreux cas, soit à la suite d'une négligence, soit à la suite d'un bouleversement des conditions de vie normales dû à des troubles civil ou à des guerres, les forêts plantées se sont dégradées par manque de gestion ou manque de protection. Les plantations peuvent présenter des arbres surannés et incapables de remplir leur objectif initial, ou ne pas avoir assez d'arbres de culture pour les rendre financièrement viables. Dans certains cas, des plantations d'espèces exotiques peuvent être utilisées comme essences de soutien pour fournir un abri aux essences d'ombre ainsi qu'une source de revenus en vue de financer le processus de restauration. La section suivante de ce module explique plus en détail comment certaines de ces options peuvent être mises en oeuvre avec succès.