Bureau régional de la FAO pour l'Afrique

Entretien avec Hélder Muteia, Coordonnateur Sous-régional de la FAO pour l'Afrique Centrale, Représentant de la FAO au Gabon et à Sao Tomé et Principe

Journée mondiale de l'alimentation : « Agir pour l’avenir. Améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie »

M. Hélder Muteia, Coordonnateur Sous-régional de la FAO pour l'Afrique Centrale /©FAO

1. Le 16 octobre de chaque année le monde célèbre la Journée Mondiale de l’Alimentation (JMA) dont le thème de cette année est « Agir pour l’avenir. Améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie ».  Qu’est ce qui a motivé la FAO pour retenir cette thématique ?

La Journée mondiale de l’alimentation 2021 marque le 76e anniversaire de la FAO et la 41e édition de cette célébration. Le thème choisi pour cette année est « Agir pour l'avenir : Améliorer la production, la nutrition, l'environnement et les conditions de vie ». La réalité actuelle montre qu’un nombre élevé d'environ 811 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, dont 250 millions en Afrique.

Ce thème est donc d’une actualité et d’une pertinence cruciales ; il constitue une opportunité pour un appel à un changement de paradigme, notamment sur 4 objectifs concrets : (1) Améliorer la production en augmentant la productivité et en cultivant davantage de nourriture localement. Malgré l'abondance de terres agricoles non cultivées, la majorité des pays africains importent des aliments ; (2) Améliorer la nutrition en promouvant des régimes alimentaires sains, diversifiés, équilibrés et riches en nutriments ; (3) Améliorer l'environnement par un engagement mondial pour la gestion durable des ressources naturelles qui soutiennent la vie dans la planète; (4) Améliorer les conditions de vie des personnes vulnérables en promouvant un monde plus juste, plus sain, plus durable et sans gaspillage de nourriture.

C’est un moment pour rappeler que les systèmes alimentaires sont importants pour la santé, l’environnement et le bien-être. Ils emploient près d'un milliard de personnes, plus que tout autre secteur. Même ceux qui ne travaillent pas directement dans le secteur agro-alimentaire participent en tant que consommateurs, et leurs choix ont un impact sur l'équilibre alimentaire mondial.

 

2. La célébration cette année se tient encore dans un contexte global marqué par la pandémie de COVID-19. Quel est l’impact aujourd’hui de la COVID- 19 sur les systèmes alimentaires en Afrique centrale et au Gabon en particulier ?

Pour la deuxième fois, la JMA est célébrée alors que la pandémie de covid-19 continue de sévir. En plus des conséquences sanitaires, la pandémie a perturbé les systèmes agroalimentaires et déclenché une récession économique mondiale.

Il en résulte une réduction considérable des moyens d’existence des ménages et une augmentation de l’insécurité alimentaire et des inégalités. Le commerce alimentaire au niveau national et international a subi une forte baisse en raison des mesures adoptées ; le ralentissement économique a généré du chômage et une baisse des revenus qui limitent l'accès des populations à une alimentation riche et diversifiée.

En Afrique centrale, le commerce alimentaire a été particulièrement touché avec une augmentation significative des prix et une pénurie de certains produits, et le Gabon a ressenti cette réalité. À ce jour, les effets sont visibles, il y a des perturbations des systèmes alimentaires et les niveaux de précarité urbaine et rurale ont augmenté.

 

3. Selon le dernier rapport de 2021 sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 811 millions de personnes souffrent encore de la faim. Quelle est la situation en Afrique centrale et quels sont les principaux facteurs de cette situation ?

En Afrique centrale, plus de 52 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire et nutritionnelle, contre 43 millions en 2018. On sait aussi qu'environ 32 % des enfants de moins de 5 ans présentent un retard de croissance. Avec la Covid-19, la situation nutritionnelle des groupes de population les plus vulnérables s’est détériorée davantage.

Dans une région riche en ressources naturelles, avec des sols fertiles, des forêts diversifiées, une faune terrestre et aquatique importante, et des précipitations abondantes dans la plupart des territoires, il est regrettable que nous vivions dans cette situation. Présentement, la balance commerciale agro-alimentaire négative pèse en moyenne près de 500 milliards de francs CFA par an par Etat.

La hausse de la faim est aggravée par trois principaux facteurs : les conflits, les changements climatiques, les crises économiques et sanitaires.

 

4. Quelle est la réponse de la FAO face à cette situation et quel bilan peut-on retenir des interventions de la FAO dans la sous-région et au Gabon en particulier ?

La FAO a pour mandat de contribuer à « l’élimination de la faim dans le monde », et de « permettre à tous d'avoir un accès régulier et suffisant à une nourriture de bonne qualité permettant à tous de mener une vie active et saine ».  Pour remplir ce mandat, la FAO est représentée dans tous les pays de la sous-région, et dispose d'un portefeuille de plus de 151 projets, estimé à environ 180 millions de dollars, dans différents domaines de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche et de la foresterie, la résilience, les urgences et les politiques agricoles.

Parmi les initiatives sous-régionales, on peut souligner : le projet sur « les classes vertes pour une production innovante, ludique, éducative et nutritive » mis en œuvre au Cameroun, au Congo et Gabon; l’approche « Une Seule Santé » pour éliminer durablement la rage, mais aussi pour réduire les risques de futures épidémies de maladies infectieuses émergentes ; la gestion durable des forêts et de la faune; la pêche et l'aquaculture ; les produits forestiers non-ligneux ; le Programme d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle de deuxième génération en appui à la CEEAC; et la mise en place d'un réseau des Alliances Parlementaires de l'Afrique Centrale pour la sécurité alimentaire et Nutritionnelle.

Au niveau du Gabon on peut citer le Recensement Général de l'Agriculture qui est une initiative gouvernementale qui bénéficie d’un soutien financier de la Banque Mondiale et d’un appui technique de la FAO. Le Recensement permettra au gouvernement de disposer de statistiques agricoles fiables et à jour pour permettre la planification et la formulation de politiques agricoles.

Le Gouvernement, en collaboration avec la FAO, a lancé le programme Gabon Famille Verte en réponse à la crise générée par la COVID19. L'initiative a impacté plus de 15 000 personnes.

La FAO soutient le programme de réinsertion sociale des détenus de la prison d'Oyem, à travers la mise à disposition du matériel agricole, des semences variées et la formation.

Enfin, en appui au gouvernement, un Guide et des recommandations alimentaires pour des régimes sains a été élaboré. L’objectif est d’aider la population à connaitre l’importance d’une alimentation saine et équilibrée et pousser les personnes de tout âge à faire chaque jour les bons choix alimentaires pour satisfaire leurs besoins ainsi que ceux de leurs enfants en éléments nutritifs.

 

5. Un Sommet mondial sur les systèmes alimentaires s’est tenu en septembre dernier à l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, pourquoi avoir tenu un tel sommet et quel rôle la FAO a-t-elle joué aux côtés des Etats Membres pour ce sommet ? 

Le sommet sur les systèmes alimentaires, organisé à l'initiative du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Antonio Guterres, a été une occasion vitale de contribuer à faire avancer la vision de l’Agenda 2030 en transformant la façon dont nous produisons, transformons et consommons les aliments. Des décisions collectives et audacieuses ont été prises par les dirigeants dans ce cadre. Les sujets abordés et les recommandations du sommet sont le résultat des recherches et consultations inclusives et participatives approfondies menées dans chaque pays. En sa qualité d’organisme référent des Nations Unies pour la piste d’action n° 1 qui vise à « garantir à tous un accès effectif et durable à des aliments sains et nutritifs », et en tant que représentant auprès du Comité scientifique, la FAO a été au côté des pays durant tout le processus jusqu’au sommet.

Ce fut un moment pour comprendre que les systèmes alimentaires sont complexes, multiformes et nécessitent la collaboration de tous. Un accent particulier a été mis sur la durabilité environnementale, la nutrition et le rôle des femmes dans les systèmes alimentaires. Un système alimentaire qui fonctionne bien peut aider à accroître la résilience des moyens d’existence des populations vulnérables, à prévenir les conflits, à protéger l'environnement, à promouvoir une gestion efficiente et durable des terres et des eaux et à assurer la santé pour tous. Le Sommet a rassemblé tout le monde – décideurs, agriculteurs, peuples autochtones, jeunes et citoyens du monde entier – pour se frayer un chemin vers un monde où la bonne alimentation pour tous est une réalité. Le message final était une invitation à améliorer la façon dont nous produisons, transformons, consommons et préservons les ressources naturelles.

 

6. Quelle est, Monsieur le Coordonnateur au-delà de ces activités que vous avez succinctement énumérées, l’ambition de la FAO, pour le développement de l’Agriculture au Gabon ?

Le grand défi du Gabon est de diversifier son économie à travers le développement de l'agriculture. Les conditions climatiques sont favorables, les sols sont riches, les ressources naturelles abondantes et il y a une grande disponibilité en eau sur la quasi-totalité du territoire national.

Nous travaillons aux côtés du gouvernement et d'autres partenaires pour faciliter l’accès au foncier, nous appuyons les politiques de recherche et de diffusion des technologies adaptées, de transformation et d'accès aux marchés et des politiques d'accès au crédit et de l’investissement structurant pour favoriser l’accroissement des performances des chaines de valeur prioritaires.

Dans le cadre du Plan Stratégique Gabon Emergent et le Plan d’Accélération de la Transformation 2021-2023 et de la nouvelle initiative de la FAO « Main dans la Mains », nous continuerons à soutenir la formulation du Programme National d'Investissement dans l'Agriculture et la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle.