FAO au Sénégal

L’expansion des jardins urbains à Dakar

Au coucher du soleil, une femme arrose les plantes dans le jardin urbain Dakar, Sénégal - ©Giada Connestari pour la Stampa
25/05/2015

La capitale sénégalaise est aujourd’hui en pleine croissance démographique. Pour assurer l'approvisionnement en aliments frais et nutritifs, la Coopération italienne soutient un projet de jardins urbains qui se développe partout dans la ville

Sur tout le continent africain, la population urbaine est en pleine croissance, du Nigeria à l'Égypte, de l'Éthiopie au Ghana: le taux de natalité y est plus élevé que partout ailleurs dans le monde. Le Sénégal, avec une population totale d'environ 13 millions d'habitants, ne fait pas exception. Les personnes qui vivent principalement dans les villes représentent 42,5 pour cent de la population, soit environ 5,5 millions de personnes vivant dans les zones urbaines. Ce nombre devrait tripler: en 2050 la population urbaine atteindra 18 millions de personnes (64 pour cent), dépassant ainsi la population rurale.

Dakar, avec ses 3 millions d'habitants est l'une des métropoles avec un taux de croissance démographique le plus élevé. "La ville voit le nombre de ses habitants croître régulièrement», explique Soham ElWardini, adjoint au maire de Dakar. Cette croissance n’est pas seulement en chiffres absolus. La population varie considérablement au cours de l'année. "De nombreux agriculteurs qui travaillent pendant 3-4 mois dans les champs viennent pour le reste de l'année à Dakar et deviennent des marchands ambulants."

Cette grande affluence entraine des problèmes considérables pour la municipalité: de l’éclairage public aux infrastructures routières, du contrôle des marchands ambulants à la modernisation du réseau électrique, de la création de nouveaux emplois à l'amélioration des services sociaux. "Et pourtant la question cruciale pour nous, le maire Khalifa Sall et moi, est de garantir la sécurité alimentaire de ses habitants», poursuit ElWardini jetant le regard à la fenêtre de l'hôtel de ville en style portugais. «En Sierra Leone, pays voisin, l’épidémie d'Ébola a montré la faiblesse des systèmes alimentaires urbains, au moment où les marchés locaux ont été fermés à cause de l’épidémie. Dakar doit mettre en œuvre des mécanismes sociaux et culturels pour essayer d'augmenter l'autoproduction de produits alimentaires".

Ndeye Gueye, âgée de 61 ans, mère de sept enfants, (« deux sont en Italie, l’un est ouvrier, et ma fille travaille dans une boulangerie sénégalaise à Bergame») se définie comme une «agricultrice urbaine». Son jardin est composé de quelques tables avec des bacs recyclés, où elle produit de la menthe - très utilisée pour le thé et pour la cuisine. Elle produit aussi de la salade et des choux. «La table de culture est levée et je ne dois même pas m’incliner". Elle rit tout en continuant à vendre des lots d'herbes aromatiques. "Avec le jardin j’ai amélioré mon alimentation et celle de ma famille et je parviens à économiser un peu d'argent », poursuit-elle, en ôtant d’un geste rapide les quelques mauvaises herbes qui poussent dans son jardin urbain.

La capitale sénégalaise est en passe de devenir l'une des premières ville-jardin d'Afrique. Depuis des années, les jardins urbains se multiplient dans les dix-neuf quartiers de la ville. En Italie, ce type de jardins est très répandu.  Ce modèle a sans doute inspiré le projet de coopération décentralisée "Micro jardins Milan- Dakar», réalisé depuis 2006 par la FAO et la Coopération Italienne, avec le soutien de la Commune de Milan, la ville de Dakar, l'Université de Milan et de l’Ong ACRACSS.

« Aujourd'hui, ce sont environ 145 jardins qui  impliquent des milliers de personnes », explique Paola Castelgrande, responsable du projet pour la FAO. L’on compte douze Centres de Formation et de Démonstration et plus de 130 Centres de Production Communautaires. Les habitants, surtout des femmes, pour plus de 80 pour cent,  apprennent à mettre en place leur propre jardin à la maison ou dans d'autres espaces publics, mis gratuitement à disposition par la ville de Dakar. Au cours des 10 dernières années, plus de 8 000 personnes ont été formées dans les différents Centres de Formation de la ville.

 « Les habitants  qui  fréquentent le centre de Grand Dakar viennent de tous les horizons», explique Coumba Diop, une des formatrices du projet. « Pendant une semaine, ils apprennent à mettre en place leur propre jardin avec du matériel recyclé et apprennent les techniques de jardinage. À la fin de la formation, ils reçoivent une ou deux tables d'un mètre carré pour la culture et un appui pour augmenter la production avec de nouvelles tables à la maison ou dans les Centres de Production Communautaire ».

Au-delà des tables, certains  mettent en place des jardins en récupérant des vieilles gouttières, de vieux pneus ; d’autres  réutilisent des bouteilles en plastique comme vase. Dans un coin, quelqu'un a mis un petit jardin au-dessus du poulailler. « On utilise les déchets des poulets comme de l’engrais», poursuit Mme Diop. 

Pour assurer l'accès aux aliments frais et sains, le projet implique également 27 écoles élémentaires. «Nous formons huit enseignants et huit élèves qui, à leur tour forment d'autres personnes à l'école, de sorte que le modèle se diffuse le plus rapidement possible».

Dans le quartier de Ouakam, c’est l'aube. Nous sommes à l'école élémentaire "Terme Sud". Une fillette de onze ans, tient une scie, tandis que son camarade martèle avec force pour fermer les planches. En Italie, les enseignants seraient inquiets face à la scène. Mais ici, les formateurs veillent sereinement et guident pas à pas la réalisation de la table pour leur jardin urbain. "S’ils se blessent, c’est leur faute", et ils relativisent. "Ici, les enfants apprennent la technique et l’enseignent aux parents. Les jardins mis en place à l'école sont ensuite pris en charge par les élèves qui mangent les produits: salade, épinards, pommes de terre".         

Pour beaucoup, les jardins urbains constituent un revenu supplémentaire. Aminata Seck ne fait pas ses soixante ans. Avant, elle n'avait aucun revenu. Maintenant, avec l’espace qu’elle cultive, elle peut produire des légumes frais et biologiques, soit pour la famille, soit pour les clients réguliers qui apprécient les produits, souvent meilleurs que ceux des minis marchés. « Avec la salade, je gagne 600 francs par jour, et même 14 euros par mois avec la menthe. »

Ces micro jardins sont très productifs et peuvent être cultivés par tous: les femmes, les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées. Pour un mètre carré, on  peut obtenir environ 200 tomates (30 kg) l’année, 36 salades tous les 60 jours, 10 choux chaque 90 jours et 100 oignons tous les 120 jours.

Les "micro-jardins" ne jouent pas seulement un rôle de soutien à la sécurité alimentaire.  « Les micro jardins sont aussi un lieu de rencontre pour les femmes », explique en souriant Fatma Diouf, âgée de 55 ans du centre de Derkele. « Nous parlons et faisons des projets: nous voulons par exemple ouvrir une petite boutique pour vendre ces produits. » Les amies se mettent toutes en pose, en attendant que le photographe fasse leur portrait. «Nous sommes fières de nous et de ce que nous faisons», dit l'amie de Fatma, Yacin Ndiaye, 63 ans, vêtue de tissus très colorés malien. Elle vient au jardin de Derkele tous les jours.  « Nous cuisinons ensemble avec le fourneau solaire », rit-elle. « Avant, j’étais à la maison, déprimée, je ne faisais que les travaux domestiques. Si je me sens mieux? Bien sûr! » Les hommes viennent ici ? « Oui, mais nous leur faisons faire seulement quelques travaux, car ils préfèrent manger! », elles rient toutes ensemble.

Dans le centre du parc urbain et zoologique de Hann, une recherche sur le compostage est en cours, grâce à l'appui de l'Université de Milan. Ici on produit du compostage avec des vers de terre, le compostage traditionnel et liquide avec l'oxygénateur. «Le soutien de la recherche a été important pour adopter des stratégies plus efficaces », explique Agnes Diouf, formatrice au jardin du parc urbain de Hann. « Aucune importance de savoir si le jardin est sur un rond-point, à côté d'une autoroute, ou dans un quartier résidentiel: nous avons tout le nécessaire et chacun sait comment mieux gérer ses produits. » Parce que la résilience alimentaire, c’est aussi cela.

Remarque: Le projet de micro jardins sera exposé à l’EXPO Milan 2015 avec 1) une série d'ateliers et de laboratoires à la Cascina Triulza Expo pour une durée d'une semaine chacun, aux mois de Juin, Juillet et Septembre ; 2) un séminaire à l’Expo dans le Cluster des Zones Arides au cours de la semaine dédiée au Sénégal du 22 au 27 Juillet ; et 3) avec l’exposition de tables des micros jardins et conférence / témoignages pendant les jours dédiés à Dakar pour l'EXPO dans la Ville du 5 au 9 octobre, au Centre Urbain - Galleria Vittorio Emanuele, Milan.

Par Emanuele Bompan, article initialement  publié en ligne par le quotidien italien La Stampa

Traduction : FAO Sénégal 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas la responsabilité de la FAO

L’invasione degli orti urbani di Dakar
http://www.lastampa.it/2015/05/25/scienza/ambiente/speciali/food4/senegal/linvasione-degli-orti-urbani-di-dakar-iMo5NP1v9NGnDqiZEotlNJ/pagina.html

Galerie photo en ligne : http://www.lastampa.it/scienza/ambiente/speciali/food4/senegal