Dear HLPE-FSN Secretariat,
Please find attached my responses to the consultation on the scope of the report on Indigenous Peoples' food and knowledge systems.
Best regards,
Alex ALEXIS,
LLB, BA, LLM, MA, PhD Candidate
Lecturer/Chargé de cours, Faculté de droit, Université de Montréal
École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1,
Editor/Éditeur, Sorbonne Doctoral Law Review
Key questions to guide the e-consultation on the scope of the HLPE-FSN Report
- Do you agree with the guiding principles indicated above ?
Les principes directeurs du rapport sont pertinents.
- Should the objectives include mainstreaming Indigenous Peoples food and knowledge systems, and lessons learned from them, for the benefit of all, or solely for the benefit of Indigenous Peoples as rights holders?
Une grande partie des projets menés sur ou avec des communautés autochtones par des acteurs externes, notamment scientifiques, ont eu un caractère extractif. Ces initiatives se sont traduites par des transferts unilatéraux de connaissances servant principalement les intérêts des acteurs externes. Souvent, elles ont été réalisées en violation des droits des peuples autochtones, notamment le droit au consentement préalable donné en connaissance de cause, et sans partage équitable des avantages1.
Pour éviter que le rapport ne soit perçu comme une démarche extractive, il devrait chercher à bénéficier d’abord aux peuples autochtones. Par ailleurs, il pourrait mettre en lumière des enseignements, des pistes d’action et des bonnes pratiques inspirés des visions du monde, des savoirs et des modes de vie autochtones. Ces contributions, comme l’envisagent plusieurs personnes, communautés et organisations autochtones, pourraient enrichir l’humanité dans son ensemble, à condition qu’elles soient mobilisées dans le respect des droits et des aspirations des peuples autochtones2.
- What are the challenges related to Free, Prior and Informed Consent and Access and Benefit Sharing when widely promoting and/or mainstreaming Indigenous Peoples food and knowledge systems?
Les défis liés au consentement préalable donné en connaissance de cause, ont été abordés par divers instruments juridiques internationaux, tels que la Convention sur la diversité biologique et son Protocole de Nagoya. Ce dernier stipule que l’accès aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones associées aux ressources génétiques est conditionné à l’obtention d’un consentement préalable donné en connaissance de cause , ainsi qu’à la conclusion d’un accord de partage des avantages. Toute initiative visant à promouvoir ou intégrer ces connaissances (mainstreaming) doit respecter ce principe, qui est devenu courant en droit international3. Toutefois, plusieurs défis persistent, dont ceux relatifs à :
- La nature, l’étendue, la portée et la validité du consentement préalable donné en connaissance de cause : Ces aspects posent des questions complexes, notamment sur la manière de garantir un consentement conforme au droit et aux attentes des peuples autochtones. Un moyen d’y remédier est de se rapporter aux ordres juridiques autochtones pertinents.
- L’identification des détenteurs des connaissances traditionnelles : Cette tâche devient particulièrement ardue lorsque ces connaissances ont été largement diffusées de manière incorrecte en dehors des communautés autochtones d’origine, rendant difficile l’attribution légitime des droits.
- La distorsion entre accès gratuit et utilisation lucrative : Il existe un risque que des ressources génétiques, alimentaires ou des connaissances traditionnelles mises à disposition gratuitement à des fins de promotion ou d’intégration soient ensuite exploitées commercialement par l’industrie en violation des droits des peuples autochtones.
- How can the report ensure the inclusion of marginalized groups, sustainability, and protection against commercialization risks for Indigenous Peoples' food and knowledge systems?
Assurer l’inclusion des groupes marginalisés, garantir la durabilité et protéger les systèmes alimentaires et de connaissances autochtones contre les risques de commercialisation constituent des objectifs ambitieux et multidimensionnels, dépassant largement le cadre et les moyens du rapport. Toutefois, ce dernier peut, à son échelle, contribuer à ces objectifs en mettant en œuvre les principes et mesures suivants :
- L’inclusion d’acteurs autochtones et issus de la diversité : Associer des scientifiques autochtones et, le cas échéant, des chercheurs issus de groupes marginalisés à l’élaboration du rapport afin de refléter une diversité de perspectives.
- La reconnaissance des épistémologies autochtones : Intégrer les visions du monde (ontologies) et modes de connaissance (épistémologies) des peuples autochtones, en sus des connaissances scientifiques modernes occidentales.
- Une description mesurée et ciblée : Limiter le niveau de détail des systèmes alimentaires et de connaissances autochtones à ce qui est strictement nécessaire à la compréhension et à la finalité du rapport, afin d’éviter toute sur-exposition ou exploitation potentielle en violation des droits des peuples autochtones.
- Le respect des principes juridiques et éthiques : Garantir que tout accès aux systèmes alimentaires et de connaissances autochtones repose sur un consentement préalable donné en connaissance de cause, en particulier lorsque ces informations ne sont pas encore publiées ou sont obtenues directement auprès de communautés ou peuples autochtones.
- How should oral knowledge and traditions be documented and referenced in the development of the report?
Les connaissances et traditions orales devraient être documentées et référencées dans le rapport dans le strict respect des droits des peuples autochtones. Cela inclut l’application des principes de consentement préalable donné en connaissance de cause et de minimisation, tels que décrits précédemment (voir point 4). Ces connaissances devront être dûment attribuées, en reconnaissant et en protégeant les droits de propriété intellectuelle des personnes, communautés et peuples autochtones qui en sont les détenteurs, conformément à l’article 31 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
6. What dimensions linked to Indigenous Peoples’ agency, e.g., in governance issues, could be addressed?
Le principe d’autodétermination des peuples autochtones, consacré par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, doit occuper une place centrale dans le rapport. En matière d’alimentation et de nutrition, ce principe se traduit notamment par le concept de souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire, telle que définie dans le Livre Blanc/Wiphala sur les systèmes alimentaires des Peuples Autochtones, s’entend du « droit des peuples autochtones à choisir, cultiver et préserver leurs pratiques alimentaires et leurs valeurs bioculturelles » 4.
- Are there important/relevant policy papers and instruments missing from the foundational documents list?
La liste des instruments juridiques et documents de politique « fondationnels » est pertinente. Elle pourrait néanmoins être enrichie ultérieurement par d’autres instruments portant sur les connaissances autochtones et leur interaction avec les connaissances scientifiques occidentales. À titre d’exemples :
- La Déclaration des Nations-Unies sur les droits des paysans (2018)5
- L’article 26.3 invite les États à prendre des mesures pour faire cesser les discriminations à l’encontre des des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.
- La Déclaration de l’UNESCO sur la science ouverte (2021)
- Elle met en avant le pluralisme épistémique en encourageant un dialogue ouvert entre la science et d’autres systèmes de connaissances (art. 6). Elle insiste également sur la prise en compte des savoirs des communautés marginalisées dans la résolution des problèmes sociétaux (art. 13.d et 14.d).
- Could you please indicate relevant references that should be taken into account?
Outre les références juridiques mentionnées précédemment (point 7), les références académiques suivantes peuvent être éventuellement prises en considération :
- Vijayan, Dhanya, David Ludwig, Constance Rybak, Harald Kaechele, Harry Hoffmann, Hettie C. Schönfeldt, Hadijah A. Mbwana, Carlos Vacaflores Rivero, and Katharina Löhr. 2022. “Indigenous Knowledge in Food System Transformations.” Communications Earth & Environment 3(1):1–3. doi: 10.1038/s43247-022-00543-1.
- Kennedy, Gina, Zeyuan Wang, Patrick Maundu, and Danny Hunter. 2022. “The Role of Traditional Knowledge and Food Biodiversity to Transform Modern Food Systems.” Trends in Food Science & Technology 130:32–41. doi: 10.1016/j.tifs.2022.09.011.
- What best practices, ethical standards, and strategies for addressing climate change should be highlighted in the report?
Une approche fondée sur les droits représenterait une stratégie particulièrement pertinente. Elle pourrait s'appuyer sur l'article 7.5 de l'Accord de Paris de 2015, qui souligne que, dans le cadre des efforts visant à intégrer l'objectif d'adaptation dans les politiques socioéconomiques et environnementales, les États devraient tenir compte des meilleures données scientifiques disponibles ainsi que, le cas échéant, des connaissances traditionnelles, du savoir des peuples autochtones et des systèmes de connaissances locaux.
- Which best practices or strategies to promote cross-cultural understanding should be highlighted in the report?
L'attention portée à la question ontologique constitue une des bonnes pratiques et stratégies essentielles pour favoriser la compréhension interculturelle dans le cadre du rapport. En effet, les connaissances/épistémologies autochtones se distinguent souvent des connaissances/épistémologies scientifiques occidentales par le fait que, souvent, elles reposent toutes les deux sur des postulats ontologiques différents. L'ontologie, qui se concentre sur les entités considérées comme existant dans le monde, précède l'épistémologie, qui s'intéresse aux modes de connaissance des entités postulées par l'ontologie. Par exemple, la « nature », le « territoire », l'« environnement » ou la « nourriture » ne sont pas nécessairement compris de la même manière dans un contexte scientifique que dans un contexte autochtone donné. Autrement dit, suivant les contextes, ces entités ne sont pas investies des mêmes propriétés ontologiques. Par conséquent, les connaissances et épistémologies fondées sur ces différentes « visions du monde » (de ce qu’est par exemple la « nature » ou la « nourriture »), seront nécessairement différentes ou, à tout le moins, distinctes. Dès lors, il serait erroné de vouloir évaluer à tout prix la validité d’un système de connaissances selon les (seuls) critères d’un autre système fondé sur une ontologie différente.
Le manque d’attention à la question ontologique est souvent à l’origine des malentendus qui surviennent dans les initiatives ou tentatives visant à faire dialoguer les systèmes de connaissances autochtones avec les connaissances scientifiques occidentales.
- Are the previous legal documents such as Prior and Informed Consent, enough in light of this evolution of thinking about Indigenous People’s knowledge, or do they need to be revised?
En tant que principe, le consentement préalable donné en connaissance de cause demeure juridiquement valide, au sein à la fois de divers ordres juridiques (inter)étatiques et autochtones. Toutefois, des difficultés existent au niveau de l'identification ou de l’attribution de certaines connaissances autochtones à leurs peuples ou communautés d'origine, et l'évolution des technologies numériques représente un défi supplémentaire pour l'application de ce principe. En réponse à ces défis, certains acteurs ont appelé à une révision du principe du consentement préalable donné en connaissance de cause, notamment dans le cadre des débats récents sur les Digital Sequence Information (DSI) au sein de la Convention sur la diversité biologique et dans d’autres forums onusiens (TIRPAA, BBNJ, FAO, OMS, etc.). Un mécanisme multilatéral pour le partage des avantages, incluant un fonds mondial, a ainsi été établi à la Convention sur la diversité biologique. Si ce mécanisme réduit considérablement la portée du consentement préalable donné en connaissance de cause pour l'utilisation des DSI par les États fournisseurs des ressources génétiques originelles, la décision 16/2 adoptée lors de la 16e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique à Cali (COP16, 2024) réitère la nécessité que ce mécanisme multilatéral doit respecter les droits des peuples autochtones. Dans tous les cas, si, pour des raisons pratiques, le principe de consentement préalable donné en connaissance de cause en contexte autochtone devrait être radicalement révisé, cela doit se faire nécessairement de concert et en accord avec les peuples ou communautés autochtones concernés.
1 Le Livre Blanc/Wiphala sur les systèmes alimentaires des Peuples Autochtones, Rome, FAO, 2023, p. 20‑21.
2 Ibid., p. 20.
3 Elisa Morgera, Fair and Equitable Benefit-sharing in International Law, London, Oxford University Press, 2024, 286 p.
4 Le Livre Blanc/Wiphala sur les systèmes alimentaires des Peuples Autochtones, op. cit., p. xii.
5 La Déclaration retient une définition extensive de la catégorie de « paysans », si bien qu’elle peut trouver à s’appliquer, sous réserve des critères définis, aux personnes et communautés autochtones travaillant la terre.
Alex ALEXIS