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Les secrets d’un nom, ou plutôt les secrets d’un fromage


Les indications géographiques contribuent à célébrer la richesse du patrimoine alimentaire national.

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Les indications géographiques jettent des passerelles vers le développement durable. Elles permettent de préserver les savoir-faire locaux, les connaissances traditionnelles, les ressources naturelles et la biodiversité, tout en soutenant les économies locales et en accroissant les revenus des petits agriculteurs du monde entier. ©EBRD-FAO/Nikoloz Mchedlidze

18/06/2020

Les origines du terme sulguni, qui désigne un fromage salé à pâte molle élaboré à partir de lait frais de vache ou de bufflonne, dérivent de «suli» et «guli», qui signifient respectivement «âme» et «cœur» en géorgien. Ce fromage presque toujours présent sur les tables géorgiennes ne pourrait pas être mieux nommé.

Le caractère exceptionnel du sulguni tient à son procédé de fabrication, qui a été perfectionné au fil des siècles: brassage et pétrissage du caillé, modelage en forme de disque, puis salage à sec. Cette technique confère au fromage ses couches distinctives, sa texture juteuse et un léger craquement à la coupe. Qu’il soit frais, sec, affiné, fumé ou aromatisé avec du miel, du vin ou des épices traditionnelles, le goût incomparable du sulguni en fait l’un des fromages les plus renommés du pays. 

Cependant, les fromages commercialisés sous le nom de sulguni ne respectent pas tous la recette traditionnelle, ce qui ternit l’image de ce produit qui incarne incontestablement un pan entier du riche patrimoine alimentaire géorgien. La Géorgie et d’autres pays dans le monde misent donc sur un étiquetage indiquant l’origine géographique pour protéger leurs traditions culinaires. 

Depuis plusieurs années, la FAO et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) travaillent aux côtés des gouvernements et des producteurs du monde entier afin d’encourager l’utilisation des indications géographiques pour les produits fabriqués de façon traditionnelle. Les étiquetages portant une indication géographique ajoutent de la valeur aux produits, ce qui augmente les revenus des ménages ruraux, valorise les cultures alimentaires locales et attire ainsi des jeunes vers une activité agricole prometteuse. Il s’agit là d’un exemple parmi tant d’autres des initiatives que mène la FAO avec ses partenaires pour soutenir les communautés et les moyens de subsistance ruraux.

Avec le soutien de la FAO et de la BERD, des producteurs de Géorgie, de Croatie, du Monténégro, de Serbie ou encore de Turquie ont enregistré des produits labellisés avec une indication géographique, ce qui a renforcé la fierté vis-à-vis des cultures loca

Des produits authentiques

La Géorgie regorge de mets uniques, du vin saperavi au churchkhela, confiserie élaborée à partir de raisin et de noix. À l’instar du sulguni, les qualités et la réputation de ces produits proviennent de leur lieu d’origine ou terroir. Ces produits sont le résultat de connaissances spécifiques et de pratiques fondées sur les interactions entre la communauté locale et son environnement. À cela s’ajoute le savoir‑faire local transmis de génération en génération. Et c’est précisément cette association qui confère aux produits leur goût, leur texture et leur aspect caractéristiques. 

Un label d’indication géographique officiel (IG) atteste que le produit provient d’un lieu particulier et possède des qualités spécifiques, qui sont garanties par cette indication géographique. Les indications géographiques font le lien entre les produits et le patrimoine local; elles sont mêmes protégées par des droits de propriété intellectuelle.

Préserver le patrimoine et le savoir culinaire 

La fabrication du sulguni est une activité régulière dans la vie de Venera Liparteliani, petite exploitante de Géorgie occidentale. «Le sulguni frais doit être tendre et juteux, dit-elle. Il n’est pas difficile à produire, mais vous devez suivre des étapes spécifiques».

Afin de commercialiser le sulguni avec un label IG garantissant son origine géographique, le fromage doit être fabriqué selon un cahier des charges précis. La FAO a donné aux producteurs de sulguni et à leur organisation, l’Association laitière géorgienne, les moyens d’améliorer ce cahier des charges pour garantir la sécurité sanitaire et leur permettre de s’adapter à la production moderne, tout en respectant la tradition. Grâce à un système de certification et de contrôle contre la contrefaçon, les consommateurs savent qu’ils acquièrent le produit authentique s’il est labellisé avec l’indication géographique sulguni. Cela vaut pour le fromage fabriqué par un petit producteur, comme Venera, ou par une grande entreprise.

Le goût si particulier du tushuri guda, autre fromage labellisé avec une indication géographique et soutenu par le projet, tient au lait de vaches et de brebis de races géorgiennes ainsi qu’à une méthode séculaire d’affinage dans un sac en peau de mouton. ©EBRD-FAO/Fernando Javier Urquijo

Bien plus qu’un simple étiquetage

Il existe plus de 8 000 produits protégés par une indication géographique dans le monde. La valeur de leurs échanges est d’environ 50 milliards d’euros par an. L’indication géographique peut être un atout pour les producteurs locaux à l’heure de commercialiser leurs produits: elle permet d’attirer l’attention des consommateurs, de vendre à des prix plus élevés et de répondre aux besoins d’un marché qui accorde de plus en plus d’importance à la qualité, à la tradition et à la réputation. 

Giorgi Karsamauli produit un autre fromage géorgien renommé, le tushuri guda, lui aussi maintenant protégé par une indication géographique. Il fait partie des jeunes fondateurs de l’Association du fromage tushuri guda et explique que cette certification permet de préserver les usages traditionnels, par exemple la conservation du fromage dans un sac en peau de mouton, plutôt que dans un sac plastique, tout en contribuant à garantir la sécurité sanitaire des aliments. Giorgi souligne également le travail fructueux qui a été réalisé en ce sens avec les pouvoirs publics et les services d’inspection. 

«Lorsque nous présentons notre tushuri guda à des expositions et des foires, les personnes sont très intriguées par ce sac en peau de mouton. Je leur explique ce que c’est, comment le fromage est fabriqué et dans quelle mesure cette élaboration lui confère des caractéristiques uniques», explique Giorgi. 

Il ajoute que le processus d’indication géographique peut offrir un avenir prometteur aux communautés des hautes montagnes en en améliorant les moyens de subsistance, tout en préservant le pastoralisme, qui protège les ressources naturelles du Parc national de Touchétie.

Les indications géographiques peuvent donner un second souffle aux économies rurales en soutenant des activités de production et en créant des emplois dans de nouveaux secteurs tels que le tourisme rural. 

Personnes, produits et terroirs

Du fait de l’exode rural croissant de des jeunes et de la faveur de plus en plus marquée des consommateurs pour les aliments transformés, les produits de terroir risquent de disparaître, surtout lorsque les habitudes et les modes de vie évoluent. Toutefois, aux côtés de partenaires tels que le Gouvernement géorgien, la FAO contribuer à instiller au sein des jeunes générations un sentiment de fierté vis-à-vis du riche patrimoine alimentaire local, en inscrivant les aliments traditionnels comme le sulguni et le tushuri guda dans un territoire, en établissant des liens entre les personnes, les produits et les terroirs. La reconnaissance de la contribution des producteurs au patrimoine culinaire national et à la biodiversité, l’ajout de valeur à ces produits et le sentiment d’attachement qu’ils suscitent permettent de renforcer les moyens de subsistance et contribuent à maintenir les traditions culinaires vivantes, afin de pouvoir continuer à les célébrer au cours des années à venir.

À mesure qu’approche l’échéance fixée en 2030 pour la concrétisation des objectifs de développement durable (ODD), des initiatives originales, qui relient les produits et les ressources naturelles, soutiennent les économies locales, renforcent les moyens d’existence ruraux, fournissent de meilleures garanties et informent les consommateurs sur la qualité de leurs aliments, peuvent contribuer à la réalisation de ces objectifs, en particulier ceux d’un monde libéré de la faim et de la malnutrition (ODD 2) et d’une production et d’une consommation durables (ODD 12). Concrètement, les indications géographiques sont bien plus qu’une énième information sur l’étiquette.

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