Travailleurs migrants dans le secteur de la banane

 

La Convention Internationale des Nations Unies sur la Protection des Droits de tous les Travailleurs Immigrés et des Membres de leurs Familles (1990) définit un travailleur migrant comme «une personne exerçant ou ayant exercé une activité rémunérée dans un État dont elle n'est pas ressortissante». Cette définition inclut les travailleurs migrants temporaires (par exemple les travailleurs saisonniers dans l'agriculture).

L’OIT propose une définition similaire du «travailleur migrant» au paragraphe 1 de l'article 11 de la Convention No. 97, qui constitue également la base des dispositions de la partie II de la Convention No. 143.

Selon de récentes estimations de l'OIT, il y a 150,3 millions de travailleurs migrants dans le monde, dont 44,3% de femmes1.

Dans le secteur de la banane, les travailleurs migrants sont principalement masculins. Cela s’explique notamment par leur relative capacité à voyager du fait de leurs responsabilités familiales, mais aussi par la discrimination fondée sur le genre dans l’accès à l’emploi dont souffrent les femmes dans le secteur. En outre, les travailleurs migrants sont une population particulièrement vulnérable, surtout lorsqu'ils sont sans papiers.

Exemples de profils de migration dans le secteur l'industrie mondiale de la banane au niveau mondial:

  • les Haïtiens au nord-est de la République dominicaine;
  • les Nicaraguayens au nord-est du Costa Rica;
  • les Panaméens indigènes dans le sud du Costa Rica;
  • les Péruviens dans le sud de l'Équateur;
  • les Honduriens au Belize et au Guatemala;
  • les travailleurs venus du Burkina Faso et du Mali dans le nord de la Côte d'Ivoire;
  • les Nigérians dans l'ouest du Cameroun.

Les défis auxquels sont confrontés les travailleurs migrants dans le secteur bananier comprennent:

  • l'insécurité de l'emploi, les travailleurs migrants étant plus susceptible d’obtenir des contrats temporaires, moins concurrentiels (ou des contrats informels/oraux par le biais d’arrangements non conventionnels, notamment des accords de travail occasionnel)2;
  • un pouvoir de négociation minimal pour améliorer leurs conditions de travail, d'autant plus que les travailleurs migrants ont moins tendance à adhérer à un syndicat local en raison de la peur de la discrimination, de la répression et de la déportation (dans le cas des sans papiers). Légiférer sur le droit des travailleurs migrants ou étrangers de former ou d’adhérer à des syndicats - souvent basé sur les conditions de résidence et les principes de réciprocité - peut les empêcher de jouer un rôle actif dans la défense de leurs intérêts3. Les barrières linguistiques peuvent également affecter grandement le pouvoir de négociation des travailleurs migrants.
  • des logements temporaires et non conformes aux normes.
  • un accès limité aux soins de santé locaux et à la sécurité sociale, ce qui constitue un problème important dans le secteur de la banane en raison des risques élevés pour la santé et la sécurité des travailleurs4.

Exemple d'Haïtiens travaillant en République dominicaine

La République dominicaine5 est le plus grand exportateur de bananes biologiques au monde. On estime que plus de 30 000 travailleurs sont directement impliqués dans le secteur6, dont plus de 65% d'origine haïtienne (parmi lesquels environ 8% de femmes); et ce malgré le fait que le Code national du travail de la République dominicaine prévoit que les employeurs ne peuvent embaucher plus de 20% de main d’œuvre étrangère (hors cas spécifiques établis par la loi).

L’emploi de travailleurs haïtiens dans la production de bananes est un phénomène relativement récent, datant de la résurgence et de l'expansion de la production et des exportations de bananes dans les années 2000.

En 2014, le gouvernement a lancé le Plan national de régularisation des étrangers (PNRE) visant à légaliser le statut irrégulier des ressortissants étrangers résidant en République dominicaine. Ce plan a pour objectif d'améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs et de renforcer la sécurité nationale du pays. En 2016, près de 250 000 dossiers de ressortissants étrangers, dont 98% de travailleurs haïtiens, avaient été approuvés7.

La même année, une fédération indépendante de travailleurs ruraux affiliée à la plus grande fédération syndicale du pays (FEDELAC-CASC) - avec une tradition d'organisation de petits agriculteurs ayant gagné leurs terres grâce à des programmes de réforme agraire - a commencé à organiser des travailleurs agricoles, notamment dans le secteur bananier, dans les provinces de Montecristi et Mao.

Les nouveaux syndicats territoriaux enregistrés en 2015 et 2016 comprennent plusieurs centaines de petits cultivateurs de nationalité dominicaine organisés en un bail collectif, ainsi que plusieurs centaines d'Haïtiens travaillant dans des dizaines de fermes à travers la Linea Noroeste. La Fédération joue un rôle clé dans la mise en œuvre du Plan de régularisation et dans le dialogue et la négociation en cours pour le respect des droits des travailleurs migrants (mais aussi non-migrants) dans le secteur.

Exemple de BANELINO, une coopérative de producteurs de bananes certifiée Fairtrade opérant dans les provinces de Mao et Monte Cristi (nord-ouest) en République dominicaine

Exemple de BANELINO, une coopérative de producteurs de bananes certifiée Fairtrade opérant dans les provinces de Mao et Monte Cristi (nord-ouest) en République dominicaine

Dans le cadre du PNRE, et pour se conformer aux exigences de certification Fairtrade concernant l'exportation (au moins 95% des travailleurs immigrés doivent avoir un statut juridique), BANELINO a mis en place le processus suivant:

  • établissement d’un domaine technique juridique pour apporter un soutien aux travailleurs migrants de la part des partenaires;
  • recensement des travailleurs migrants: nombre, données personnelles, carte d'identité et durée de séjour dans le pays;
  • sensibilisation des producteurs et des travailleurs à l'importance de la régularisation des travailleurs migrants;
  • contact avec les consulats dans le pays voisin pour obtenir les documents d'identité nationaux (certificats de naissance et passeports);
  • préparation des documents pour tous les travailleurs en possession de la documentation juridique requise par le Département du PNRE;
  • organisation de l’inscription au PNRE et de la régularisation des travailleurs migrants;
  • suivi du processus de délivrance des visas et permis de travail aux travailleurs inscrits au PNRE.

Résultats

  • Assistance technique aux travailleurs migrants, mesures pour obtenir leur régularisation ou renouveler leur visa dans le cadre du PNRE.
  • Une plus grande prise de conscience de la nécessité de passeports et de procédures juridiques pour régulariser leur statut d'immigré et celui de leur famille.
  • Les producteurs et les travailleurs connaissent l'importance de formaliser les relations de travail.
  • Amélioration de la santé et de l’autonomie des travailleurs, se traduisant notamment par un renforcement de l’estime de soi et par davantage de déplacements.

Leçons retenues

  • Langue: des interprètes sont nécessaires pour faciliter la communication entre les travailleurs et les institutions.
  • Aspects légaux: les exigences de la régularisation sont très difficiles à satisfaire pour un travailleur sans assistance juridique. Il est fréquent que les travailleurs ne connaissent pas leur date de naissance ni la communauté dans laquelle ils sont nés, car cela n'a pas été déclaré à leur naissance dans leur pays d'origine. Ils ne possèdent pas non plus de documents d'identité, qui sont très difficiles à obtenir et ont un coût élevé dans les bureaux consulaires. L’entreprise a donc besoin d'une équipe juridique technique proactive pour gérer et traiter les dossiers d’immigration et pour interagir de manière efficace avec les travailleurs.
  • Aspects institutionnels: le délai pour postuler à la régularisation est limité, tandis que la délivrance des visas et des permis de travail par les consulats et institutions gouvernementales nécessite beaucoup de temps.

Références

Références

1 ILO. 2015. Global estimates on migrant workers

2 International Labour Organization, Food and Agriculture Organization, International Union of Food, Agricultural, Hotel, Restaurant, Catering, Tobacco and Allied Workers’ Associations. 2007. Agricultural workers and their contribution to sustainable agriculture and rural development.

3 ILO. 2015. Giving a voice to rural workers

4 International Labour Organization. Social protection for low-skilled migrant workers and their families. Policy Brief No. 7. Migrant Forum in Asia. September 2013

5 All information provided by BANELINO

6 BANELINO      

7 Ministerio de Interior y Policía. National Plan of Regularization of Foreign Workers (PNRE)