Résistance aux antimicrobiens

AMR and the law

Pourquoi la législation est-elle pertinente pour la RAM?

La résistance aux antimicrobiens (RAM) est un problème multisectoriel qui nécessite la mobilisation et l'implication de différents acteurs dans tous les secteurs concernés par la RAM. Sur le plan juridique, s’attaquer aux problèmes liés à l’utilisation des antimicrobiens (UAM) et à la RAM, notamment au moyen de la législation, constitue un défi en raison de plusieurs facteurs, à savoir : 

  1. la pluralité  des domaines juridiques  connexes ; 

  1. la fragmentation de la législation résultant de l’absence d’approche coordonnée au moment de l’adoption des normes liées à la RAM, et 

  1. les évolutions scientifiques qui permettent d’actualiser les données sur la base desquelles les décisions sont prises.  

Une législation appropriée peut avoir un impact direct sur l’utilisation des antimicrobiens (UMA) et sur la réglementation des différentes phases de leur cycle de vie. La législation est essentielle pour transformer les objectifs politiques et techniques en dispositions contraignantes et assurer ainsi leur pérennité. Elle sert à établir le mandat et les responsabilités des entités publiques et des acteurs privés impliqués dans la lutte contre la RAM. La législation crée un cadre de référence clair pour tous les acteurs et fournit les principes et mécanismes qui contribuent à la réduction et à l'atténuation de la RAM. 

Elle peut également aider à prévenir la contamination des aliments et de l’environnement par des résidus antimicrobiens ou des bactéries résistantes, à détecter et à contrôler une contamination potentielle. Une législation efficace en matière de santé animale et végétale et le bien-être des animaux peut améliorer la résilience des humains, des animaux et des végétaux aux maladies, en minimisant le besoin d’antimicrobiens et donc les risques de développement de la résistance. 

Que peut faire la législation pour lutter contre la RAM ? 

  • Empêcher l'entrée de produits médicino-vétérinaires (PMV) contrefaits et non conformes aux exigences requises et contrôler leur qualité ;  

  • Veiller à ce que l'étiquetage des antimicrobiens comporte les avertissements et les instructions nécessaires ;  

  • Différencier les antimicrobiens des autres «additifs alimentaires»; 

  • Limiter les utilisations non thérapeutiques des antimicrobiens; 

  • Favoriser les options alternatives d’UAM par le biais d’une législation appropriée; 

  • Contrôler les déchets potentiellement contaminés par des antimicrobiens; 

  • Contrôler les résidus d’antimicrobiens dans les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, l’eau et le sol. 

Que pourrait-il se passer en l’absence d’une législation appropriée ? 

  • Le marché serait inondé de PMV contrefaits et non conformes aux exigences requises ; 

  • Utilisation par inadvertance d'aliments médicamenteux ; 

  • La surutilisation prolifique et la mauvaise utilisation d’antimicrobiens à des fins non thérapeutiques; 

  • La contamination des déchets par des antimicrobiens rejetés à proximité des sources d’eau; 

  • La contamination des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, de l’eau et du sol par des antimicrobiens entraînant l’introduction de produits contaminés dans la chaîne alimentaire. 

 

Cependant, la législation n'est pas une panacée, c’est-à-dire la solution à tous les problèmes. Certains défis peuvent être mieux traités par d'autres instruments et d’autres moyens, tels que des codes de pratique ou des campagnes de sensibilisation. 

Enfin, la législation ne doit pas être comprise uniquement comme un ensemble d'interdictions et d'exigences. La législation peut également servir à créer un environnement propice à la définition des priorités politiques, à faire participer toutes les parties prenantes à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques et à favoriser la mise en œuvre de bonnes pratiques de production et de gestion. À cet effet, l’objectif principal de la législation devrait viser à atténuer les risques de RAM sans créer des obstacles inutiles. 

(adaptation de Berkner, et al. , 2014)

Que fait la FAO en matière de législation et de RAM?

Méthodologie d’analyse de la législation relative à la RAM dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture de la FAO 

La FAO a élaboré la Méthodologie d’analyse de la législation relative à la RAM dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture (la « Méthodologie ») avec la contribution de l’OMSA (Organisation mondiale de la santé animale) et le soutien financier du Fonds Fleming du Royaume-Uni. La « Méthodologie » est un document d’orientation conçu, à l’origine, pour guider les experts juristes nationaux dans la réalisation de l’état des lieux du cadre légal et institutionnel national relatif à la RAM. Elle aide à identifier les dispositions pertinentes pour la RAM dans la législation nationale dans les différents domaines juridiques pertinents du secteur alimentaire et agricole. Depuis sa parution, la « Méthodologie » a été appliquée dans plus de vingt-sept (27) pays et pour quatre (4) organisations sous-régionales. 


 Soutien direct aux pays 

 Appui régional  

 Projets en préparation 

 

Outil d’évaluation de la législation pour combattre la RAM selon l’approche « Une seule santé » 

Répondant à la nécessité d’une approche concertée pour analyser la législation, la FAO, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et l’OMSA collaborent à l’élaboration d’un Outil d’évaluation de la législation pour combattre la RAM selon l’approche dite « Une seule santé ». Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) collabore également à l’élaboration de cet outil, financé avec le soutien du Fonds Fiduciaire Multipartenaires pour la lutte contre RAM (MPTF, selon son sigle en anglais). Cet outil est en cours d’élaboration et sera expérimenté au Maroc, au Cambodge et au Zimbabwe.  

Surveillance de la mise en œuvre du Code d’usages du Codex Alimentarius visant à réduire au minimum et à maitriser la résistance aux antimicrobiens d’origine alimentaire  

Initialement adopté en 2005, le Code d’usages du Codex Alimentarius visant à réduire au minimum et à maitriser la résistance aux antimicrobiens d’origine alimentaire (CXC 61-2005) a été révisé en 2021. À la suite de cette révision, un outil a été conçu pour analyser l’alignement des pratiques et de la législation nationale sur le Code d’usages. Dans cet outil, une partie est spécifiquement consacrée à la législation. Cette partie identifie les dispositions législatives pertinentes qui répondraient aux exigences du Code d’usages.  

AMR-LEX 

Avec le soutien financier du Fonds Fleming du Royaume-Uni et de l’Agence Norvégienne de Coopération pour le Développement (NORAD, selon son sigle en anglais), le Service du droit pour le développement de la FAO (LEGN) a mis au point une base de données nommée AMR-LEX. Elle est intégrée à la base de données  FAOLEX, la plus grande base de données au monde sur la politique et la législation en matière d'alimentation et d'agriculture. AMR-LEX est disponible et accessible en ligne gratuitement pour le public depuis   septembre 2022. Elle est régulièrement mise à jour.  

Conçue sur la base de l’approche « Une Seule Santé », AMR-LEX prend en compte les domaines juridiques pertinents relatifs à la RAM dans le secteur de l'alimentation et de l'agriculture. Elle tient compte des politiques publiques et législations spécifiques à la RAM, ainsi que des politiques et législations sectorielles dans les domaines juridiques pertinents pour la RAM. En outre, AMR-LEX intègre des profils nationaux et régionaux. Grâce aux profils nationaux, AMR-LEX offre la possibilité d’examiner différentes options législatives et de concevoir de nouvelles solutions réglementaires pour lutter contre la RAM. Par la diffusion de la législation (lois et textes d’application) et des politiques, AMR-LEX contribue à l’effort global de lutte contre la RAM. Elle met également en exergue l’importante contribution de la législation dans cette lutte. 

AMR-LEX est accessible via le lien suivant : https://amr-lex.fao.org/fr.html  

Pour de plus amples informations, veuillez contacter : [email protected]  

Ce que nous avons appris

La gestion et la réglementation de la RAM nécessitent une approche « Une seule santé » 

Selon la définition du Groupe d’experts de haut niveau pour l’approche « Une seule santé » (OHHLEP, selon son sigle en anglaisi), « Une seule santé » est une approche intégrée qui prête attention à l’interdépendance  entre la santé humaine, animale et l’environnement. L’une des complexités de la RAM réside dans le fait qu'elle est liée à différents secteurs et qu'elle doit impliquer plusieurs autorités et acteurs, ce qui exige une approche « Une seule santé ». La FAO et ses partenaires de la quadripartite (OMS, OMSA, PNUE) plaident en faveur de l’approche « Une seule santé » de la RAM qui rassemble les principaux secteurs susceptibles d’avoir un impact sur la RAM, notamment la santé humaine, la santé animale, la santé végétale, la sécurité sanitaire des aliments et l’environnement. L’approche « Une seule santé » pourrait être transposée dans la gestion de la RAM de plusieurs façons. Par exemple, par un mécanisme de coordination multisectorielle qui facilite la gestion coordonnée et multipartite de la RAM. Cela pourrait aboutir à l’établissement des liens institutionnels appropriés tenant compte des considérations transversales à inclure dans la législation sectorielle. 

La plupart des recommandations internationales relatives à la RAM peuvent être incorporées dans la législation sectorielle particulière    

Il y a un point de vue selon lequel il faut une législation spécifique sur la RAM afin de l'aborder d'une manière complète. Toutefois, à l’exception des mécanismes multisectoriels de gouvernance et de collaboration, la plupart des bases juridiques nécessaires pour lutter contre la RAM peuvent être réglementées par une législation sectorielle intégrant des normes de référence internationales. Il est également possible que la législation existante ne mentionne pas spécifiquement le terme « RAM », ce qui ne signifie pas que celle-ci n’est pas bien réglementée. L'expérience de la FAO montre que c'est par le biais de telles réglementations sectorielles et non par des lois cadres sur la RAM que la plupart des aspects nécessaires de la RAM sont réglementés. 

Il convient de reconnaître que lorsque la mise en œuvre d'un aspect de la RAM requiert l’implication de plusieurs autorités nationales, les législations multisectorielles, dont le champ d'application de la RAM est plus large, facilitent la reconnaissance des rôles et responsabilités de chaque institution. Ces législations garantissent également l'implication des différentes institutions de manière pérenne. La mise en place d'un mécanisme de gouvernance de la RAM ou l'institutionnalisation de programmes de surveillance intégrée sont des exemples d’une législation multisectorielle. Une telle législation pourrait introduire l’obligation d'échange d'informations, l’obligation de déclarer la RAM comme sujet d’intérêt général ou l’obligation d’allouer des fonds nécessaires pour atténuer la RAM.  

Principaux domaines réglementaires pour lutter contre la RAM dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture 

Pour aborder ce problème multisectoriel, la législation dans les différents domaines concernés par la RAM devrait contenir à la fois des éléments relatifs à l'utilisation des antimicrobiens et, plus largement, à la RAM. 

Il s'agit notamment des cadres juridiques qui réglementent les antimicrobiens, de ceux qui contrôlent la contamination des aliments et de l'environnement par des résidus d'antimicrobiens et des micro-organismes résistants, et de ceux qui améliorent et maintiennent l'état de santé des plantes et des animaux, afin de réduire le besoin d'antimicrobiens. L’un des instruments les plus importants pour lutter contre l’UAM est le cadre réglementaire des produits médicinaux-vétérinaires (PMV). Chaque étape du cycle de vie des PMV contient des mécanismes réglementaires visant à prévenir la distribution ou l’utilisation inappropriée d’antimicrobiens, ainsi que la vente de PMV falsifiés et de qualité douteuse. Les aliments médicamenteux pour les animaux qui contiennent des antimicrobiens devraient également être soumis aux mêmes exigences que les PMV qui contiennent des antimicrobiens.  Le cadre juridique plus large des aliments pour animaux et les additifs pour l’alimentation animale pourrait également avoir une incidence potentielle sur la RAM. 

Des préoccupations similaires peuvent survenir en ce qui concerne l’autorisation des antimicrobiens pour la production végétale.  En effet, il existe de nombreuses données sur l’utilisation des antimicrobiens comme pesticides, notamment les antibiotiques et les fongicides, qui sont pourtant importants pour la médecine humaine. Les cadres réglementaires relatifs aux pesticides doivent prévoir, afin de l’atténuer, la possibilité que les antimicrobiens émis par les pesticides dans le sol et l'eau puissent être transmis aux animaux, entrer dans la chaîne alimentaire ou avoir un impact sur l'environnement. 

La législation sur la sécurité sanitaire des aliments peut également jouer un rôle dans la lutte contre la RAM, en incluant des dispositions permettant à un État d’établir, de surveiller et de contrôler les limites maximales de résidus (LMR) de PMV et de pesticides dans les aliments. Une telle législation peut également permettre à un État d’effectuer une surveillance du marché des aliments pour détecter les bactéries résistantes aux antimicrobiens. 

Les cadres réglementaires relatifs aux déchets, à l’eau, au sol et à l’environnement devraient également contenir des dispositions pertinentes pour l’UAM et la RAM. Ces dispositions permettraient, en particulier, de réglementer le rejet de déchets et des eaux usées contenant des résidus des antimicrobiens ainsi que des micro-organismes résistants provenant de sources telles que les hôpitaux, les usines d’aliments pour animaux, les usines pharmaceutiques, les eaux municipales et les exploitations agricoles.  Le cadre réglementaire dans ces domaines couvre les activités qui peuvent avoir une incidence sur la RAM. Il tient compte de la nécessité de surveiller et de contrôler la contamination du sol et de l’eau. En outre, la législation sur l’eau devrait traiter des questions liées à l’accès à l’eau et à l’usage des eaux potentiellement contaminées.  

Enfin, dans les domaines de la santé des végétaux, la santé animale et du bien-être des animaux, la législation est un instrument approprié pour prévoir des dispositions visant à améliorer et à maintenir un bon état phytosanitaire des végétaux et un bon état zoosanitaire des animaux. La mise en place de systèmes résilients dans ces domaines pourrait réduire la nécessité d’utiliser des antimicrobiens et, par conséquent, les risques causés par la RAM. 

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