Production de bananes biologiques au Pérou


Presque toutes les bananes exportées par le Pérou sont biologiques, représentant ainsi près de 3% de la production de bananes biologiques au niveau mondial. En 2014, la production bananière péruvienne occupait environ 5 500 hectares, soit près de 4% de la superficie mondiale consacrée à la production de bananes. Elle se concentre dans les régions septentrionales de Piura, Tumbes et Lambayeque ou les bananes sont principalement cultivées par de petits exploitants dans des fermes de moins de 3 hectares. Depuis que le pays a démarré sa conversion de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique à la fin des années 1990, plus de 80% de la production de bananes s'est concentrée dans la vallée du Chira à Piura1.

  • Entre 2010 et 2015, la production de bananes biologiques a augmenté de 94% au Pérou2.
  • 5% des bananes produites au Pérou sont exportées par près de 7 000 petits agriculteurs.
  • Entre 2014 et 2015, les exportations ont augmenté de 19%, atteignant 145 millions de dollars US et près de 190 000 tonnes3.
  • Les bananes péruviennes sont exportées vers 15 pays. Les États-Unis en sont les premiers importateurs, suivis par les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique, la Corée du Sud, la Finlande et le Japon4.

Facteurs ayant influencé le développement de la production de bananes biologiques au Pérou:

  • Faibles niveaux de précipitations dans les zones de culture, réduisant considérablement les investissements dans le drainage.
  • Faible incidence de la cercosporiose noire.
  • Climat tropical et conditions météorologiques favorables.
  • Les petits agriculteurs se sont regroupés en associations, ce qui leur a permis d'être plus compétitifs sur les marchés internationaux, d'avoir un meilleur pouvoir de négociation et d'obtenir de meilleurs prix.
  • Un accord tarifaire bénéfique entre l'Union Européenne et l'Amérique latine, établi en 2012, a encouragé les exportations globales de bananes du Pérou, augmentant de ce fait la production biologique.

Exemple de Solidaridad5

Solidaridad est une organisation internationale à but non lucratif qui cumule plus de 45 ans d'expérience dans le domaine des filières durables. Au Pérou, Solidaridad collabore avec la filière de la banane biologique par le biais de son programme sur les fruits en impliquant les acteurs principaux pour parvenir à une production agricole plus efficace, résiliente et responsable. L'organisation a été l'un des principaux promoteurs de la filière de la banane au Pérou, aidant les premiers producteurs à obtenir des certifications, à s’organiser et à être autonomes. Le processus de production biologique ci-dessous a été mis en place dans les fermes péruviennes associées à Solidaridad:

 

Le processus étape par étape

1. Sélection du terrain

a. Le terrain doit être situé à proximité d'une voie d'accès et d'une source d'eau.

b. Un plan topographique est réalisé afin de localiser correctement l'infrastructure d'irrigation et de drainage.

c. Avant la préparation du sol, une analyse et une excavation doivent être effectuées pour étudier les différents profils de sols.

2. Préparation du sol

a. En cas de compactage, utiliser une charrue profonde tractée par un tracteur à ciseaux de 40 cm. Une charrue sous-soleuse peut être utilisée pour les cas extrêmes de compactage.

b. Les charrues chisel facilitent la pénétration verticale des racines, augmentant ainsi la résistance à la sécheresse, brisant les couches dures du sol et facilitant l'échange de gaz dans le sol.

3. Creusement

a. Le sol est humidifié et une cavité de 40 cm × 40 cm × 40 cm est creusée, prenant en compte la taille des graines. Un ensemencement trop superficiel affecte la production de la plante en raison des effets de périodes de sécheresse courtes ou prolongées. Il faut noter la couche superficielle ou couche arable (30 cm) du sol a une teneur en matières organiques et nutriments supérieure à celle des couches inférieures.

b. Il est important de creuser plusieurs jours avant de planter pour favoriser l'aération du sol et d'y ajouter une couche de compost. On peut utiliser 1 kg de compost, 300 g de guano et 100 g de Sul-Po-Mag. Le mélange est placé au fond de la cavité afin de nourrir les racines par la suite. On peut ajouter de la roche de phosphate en cas de carence en phosphore.

4. Sélection de la semence

a. Les semences doivent provenir de centres de production certifiés biologiques. Les plantes doivent être exemptes d'agents pathogènes, vigoureuses, avec une production soutenue: entre 12 et 13 mains de bananes commerciales, avec des rejets mesurant 1,5 m.

5. Extraction et sélection des rejets

a. L'extraction est effectuée lorsque le sol est humide. Le but est d'extraire des rejets qui ont au moins trois feuilles fonctionnelles en forme d'épée et une hauteur minimum d'un mètre.

b. Pour être plantés comme bulbes, les grands rejets ou ceux transportés sur de grandes distances sont coupés entre 5 cm et 10 cm au-dessus du cou et en biais, de sorte que les substances liquides puissent s'écouler, empêchant ainsi leur pourrissement. Les rejets sont classés par taille, puis seront plantés par ordre de taille et d'épaisseur. Les plus grands bulbes ont un délai de récolte plus court.

6. Nettoyage et lavage des rejets

a. Éliminer la terre restant sur le rejet avec de l'eau, ainsi que les racines et les parties du bulbe endommagées par des parasites ou micro-organismes. La partie dépassant du sol doit également être enlevée.

b. Il est préférable de ne pas utiliser les bulbes gravement endommagés. Lors du nettoyage du bulbe, les «bourgeons de couronne» situés autour de la graine ne doivent pas être endommagés.

7. Désinfection de la graine

a. Les bulbes sont immergés dans une solution de 5 ml de chlore par litre d'eau pendant trois minutes. Alternativement, ils peuvent être trempés dans de l'eau chauffée à une température entre 50 °C et 55 °C pendant 20 minutes.

8. Semis

a. Le bulbe doit être placé dans la cavité en position verticale, en orientant les parties attachées à la tige de la plante d'un seul côté pour s'assurer que les grappes de bananes apparaissent de manière ordonnée.

b. Le compactage du sol empêche le pourrissement des graines en éliminant les espaces vides où l'eau peut s'accumuler. Les travaux à effectuer après l’ensemencement comprennent:

 

Activité

Semaines après l'ensemencement

Œilletonnage

10 semaines (2,5 mois)

Élimination des chutes

12 semaines (3 mois)

Présélection du bulbe

14 semaines (3,5 mois)

Sélection du bulbe

20 semaines (5 mois)

9. Cultures associées

a. Dans les nouvelles plantations, implanter des cultures ayant une courte période végétative, de préférence des légumineuses, afin qu'elles inhibent le développement des mauvaises herbes et limitent l'évaporation causée par le soleil.

10. Irrigation

a. On procède à l’irigation tous les 15 jours en été et tous les 20 jours en hiver.

11. Lutte contre les mauvaises herbes

a. Elle s’effectue manuellement, sans application de produits.

12. Fertilisation

a. Une analyse de la fertilité du sol doit être effectuée avant le semis, et une fois tous les deux ans après le semis.

Une analyse foliaire doit être effectuée pour savoir si la plante assimile correctement les nutriments appliqués au sol sous forme d'engrais. Actuellement, trois échantillons (un tous les quatre mois) sont prélevés. Les engrais communément utilisés comprennent:

Type de
fertilisant

 

Ha/an

 

N

Kg/
ha

P

Kg/
ha

K

Kg/
ha

Ca

Kg/
ha

Mg

Kg/
ha

S

Kg/
ha

Sacs

Kg

Compost

180

6300

75

24

 

15

0

0

0

Sulfate de
Potassium

15

750

0

0

375

0

0

135

Guano

58

2900

348

203

58

232

14

43

Kimelgran

4

1

0

1

2

Sul-Po-Mag

9

450

0

0

99

0

81

99

Total

266

1500

424

227

551

233

97

277

13. Lutte antiparasitaire

a. Mettre en place une gestion intégrée des ravageurs. Appliquer des répulsifs biologiques tel que des composés à base de capsaïcine.

b. Appliquer du polysulfure de calcium (caldo Sulfocalcico) à la plante et au sol.

c. Mettre en place des contrôleurs biologiques comme l'Orius insidiosus, qui attaque les thrips.

d. Appliquer des champignons entomopathogènes: Beauveria bassiana et Lecanicillium peuvent être appliqués durant l'après-midi, et après que les gousses aient été dépouillées de leurs pseudo-tiges. 

14. Lutte contre le virus de la striure de la banane (BSV)

a. Identifier et éliminer les plantes affectées par la maladie.

b. Remplacer les plantes infectées par des rejets sains.

c. Appliquer de la chaux dans la zone où les plantes infectées ont été extraites.

d. Assurer une irrigation adéquate pour réduire le stress hydrique.

e. Réduire les dommages causés par d'autres ravageurs et maladies.

f. Réduire la concurrence des mauvaises herbes.

g. Améliorer la nutrition des plantes pour générer une plus grande résistance physiologique aux maladies.

h. Enlever les gousses sèches pour réduire les zones de refuge de la cochenille..

15. Contrôle de la pourriture aqueuse

a. Utiliser des graines saines.

b. Assurer un bon drainage du sol.

c. Désinfecter les outils.

d. Espacer les plantes pour permettre la ventilation et le séchage rapide du feuillage.

e. Retirer les gousses de la pseudo-tige au moment venu.

f. Établir un plan de fertilisation basé sur l'analyse du sol et les exigences de la plante, en portant une attention particulière aux quantités de potassium et de bore.

g. Surveiller la présence de charançons, en particulier de charançons rayés.

h. Couper les pseudo-tiges durant la période humide de la récolte pour empêcher l'accumulation d'eau de pluie et la propagation de bactéries.

i. Prévenir les blessures qui permettent l'entrée d’agent pathogènes. Retirer toutes les plantes affectées de la plantation, et saupoudrer la cavité de 2 kg ou 3 kg de chaux. Replanter dans les trois mois, en utilisant des graines saines et en appliquant du compost au fond de la cavité.

16. Contrôle du pourrissement de la couronne

a. Une fois remplis d'eau, recouvrir les réservoirs destinés au nettoyage afin que les spores transportées par le vent n'y entrent pas.

On peut appliquer par immersion un extrait de pamplemousse (2 à 3 ml/litre d'eau) ou de l'alun (sulfate d'aluminium et de potassium, 400 g/20 litres d'eau).

Défis

Les producteurs de bananes biologiques au Pérou sont confrontés à plusieurs difficultés:

 

  • Fournir un niveau suffisant d'éléments nutritifs, en particulier d'azote, aux bananiers. Il est difficile d'obtenir un engrais organique suffisamment riche en azote.
  • Disposer d’un matériel de plantation de qualité. De nombreux producteurs sécurisent leur matériel de plantation à partir de son utilisation sans vérifier la qualité des tiges auparavant.
  • Garantir un approvisionnement en eau suffisant pour l'irrigation.
  • Accéder à une meilleure technologie de production pour augmenter les rendements.

Références

Références

1 FIBL. Organic World statistics

2 Ministerio de Agricultura y Riego. 2015. Minagri: Exportación de Banano Orgánico Peruano Creció 94% en últimos 5 años

3 FreshPlaza. 2016. Peru: Organic Banana Exports Grow by 19%

4 FreshPlaza. 2016. Peru boosting organic banana production in Piura

5 Data from Solidaridad Peru