juin 2008 | ||
Perspectives de l'alimentation | ||
Analyse des marchés mondiaux | ||
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Dossier spécial
Depuis la parution du dernier numéro de Perspectives de l'alimentation en novembre 2007, la forte volatilité des prix, tant historique qu'implicite (voir encadré) demeure une caractéristique importante sur de nombreux marchés internationaux des produits. Cette volatilité persistante reflète l'incertitude qui continue de régner quant à la manière dont les fondamentaux du marché ont évolué et évolueront. On trouvera ci-après une mise à jour sur les indicateurs de la volatilité exposés dans le précédent rapport, ainsi qu'un rappel des questions importantes qui se rattachent à la volatilité des prix.
En ce qui concerne les produits en vrac (blé, riz, maïs et soja), on constate que la volatilité historique des prix du blé sur le marché international n'a cessé de croître ces dernières années, pour atteindre un niveau sans précédent en 2008. De même, la volatilité des cours mondiaux du riz a atteint des sommets jamais vus en 2008, alors qu'en 2007 elle s'établissait à tout juste un huitième de la variabilité moyenne dans le secteur des céréales. La tendance récente de la volatilité historique du maïs et du soja reflète celle de la volatilité implicite, et en 2008 elle est restée de l'ordre de 30 pour cent.
S'agissant des huiles végétales, la volatilité est plutôt uniforme pour tous les produits depuis 2002, même si un certain regain de volatilité des prix de l’huile de palme, de tournesol et de colza a été constatée. La nette oscillation vers le haut en ce qui concerne les prix des produits laitiers, qui a été enregistrée en 2006 et a persisté tout au long de 2007, semble devoir s'apaiser pour l'année en cours. En ce qui concerne les produits carnés, les variations de prix ont été très faibles ces deux dernières années, mais pour les cours de la viande porcine, la volatilité a doublé sur les quatre premiers mois de 2008 par rapport à l'année précédente. À l'exception du sucre et du coton, la volatilité historique de nombreuses matières premières - traditionnellement la plus élevée de tous les produits agricoles - n'a cessé de diminué après avoir atteint des sommets il y a deux ans.
Faute de données facilement disponibles en ce qui concerne les options, ce qui permettrait d'estimer la volatilité implicite de toute la gamme de produits, seuls le blé, le maïs et le soja sont pris en compte. Le Chicago Board of Trade (CBOT) est considéré unanimement comme le grand centre où les prix sont déterminés. Les volatilités implicites de ces trois produits ces 10 dernières années et sur les 28 derniers mois sont indiquées dans la figure ci-dessous.
Les volatilités implicites des produits se sont accrues constamment ces deux dernières décennies et semblent désormais une caractéristique permanente sur les marchés, ce qui n'était pas le cas auparavant. Un examen plus attentif du passé récent montre combien ces marchés sont devenus instables et comment la volatilité s'est maintenue. Depuis le début de 2006, la volatilité implicite des trois produits a souvent atteint des niveaux bien supérieurs à 30 pour cent, dépassant largement 60 pour cent dans le cas du blé en mars 2008. En avril 2008, la volatilité implicite s'établissait à environ 40 pour cent pour le blé et le soja et à 30 pour cent pour le maïs. Comment pouvons-nous interpréter ces valeurs? Ces pourcentages sont la mesure de l'écart-type entre les prix à terme (dans les six mois) par rapport aux valeurs escomptées sous-jacentes. En s'en tenant à des hypothèses raisonnables, on peut énoncer que 'le marché estime avec 68 pour cent de certitude que les prix augmenteront ou diminueront de 40 pour cent pour le blé et le soja et de 30 pour cent pour le maïs". Dans le même esprit, la probabilité que les prix dépassent leur valeur actuelle de plus de 50 pour cent dans un délai de 6 mois est estimée à environ 2 pour cent, en d’autres termes, le fait est plutôt improbable. Il ne s’agit pas d’affirmer que de tels événements ne se produiront pas. La flambée des prix du maïs, qui a débuté en septembre 2006, a provoqué la surprise sur les marchés – bien que les négociants aient misé sur des prix supérieurs, ils retenaient alors que les prix du maïs avaient seulement 5 pour cent de chances d’augmenter de 50 pour cent ou plus en six mois. Au lieu de cela, les prix ont réellement grimpé de presque 60 pour cent sur cette période. Une erreur de jugement ponctuelle? Apparemment non. Plus récemment, les négociants de blé se sont trouvés totalement dépourvus car, en avril 2007, ils étaient persuadés à 99 pour cent que les prix du blé n’augmenteraient pas de plus de la moitié de leur valeur, alors qu'ils ont doublé en 6 mois.
Les amples oscillations vers le haut de la volatilité implicite auxquelles on assiste aujourd’hui attestent de l’énorme incertitude qu’affrontent les marchés dans leurs estimations de l’évolution probable des prix des céréales à court terme. Le fait que la volatilité implicite du blé ait largement diminué en avril 2008 par rapport au mois précédent et qu'elle soit relativement stable dans le cas du maïs pourrait indiquer que les marchés céréaliers entrent dans une période de stabilité relative, ou même que les prix pourraient baisser par rapport aux sommets actuels. La volatilité est un élément important pour l’appréciation de la tendance qu’a un produit à subir des variations de prix. Les produits plus volatils sont sujets à des variations de prix plus amples et plus fréquentes. La volatilité implicite peut représenter un instrument de mesure efficace pour révéler les attentes des négociants quant à l'évolution des prix à court terme. Toutefois, à en juger par les grands bouleversements qui ont marqué les marchés ces deux dernières années, elle montre également la mesure dans laquelle les prévisions peuvent être erronées.
Le coût des denrées alimentaires continue de monter en flèche dans le monde entier. La concurrence féroce engendrée par la baisse des disponibilités de blé, de maïs et de riz ainsi que de nombreux autres produits agricoles sur le marché mondial ne marque pas de signe d’infléchissement dans l’immédiat et le risque de pénuries alimentaires et de troubles sociaux devient préoccupant dans les pays à faible revenu. Il est donc nécessaire d’adopter de toute urgence des stratégies, tant à court qu’à long terme, pour les réduire. L’une des stratégies à long terme susceptible de contribuer à contenir l’inflation des prix, notamment si des périodes de crise venaient à se reproduire, consisterait à diversifier la base des cultures vivrières en privilégiant les denrées de base nutritives et polyvalentes qui sont beaucoup moins sensibles aux perturbations des marchés internationaux. La pomme de terre est l’une d’entre elles. Donnée factuelle: l’inflation des prix de la pomme de terre est beaucoup plus faible. La FAO a récemment analysé l’inflation des prix dans plus de 70 des pays les plus vulnérables au monde. L’inflation des prix des céréales s’est révélée être considérablement plus élevée et plus généralisée que celle des pommes de terre et d’autres cultures racines. Contrairement aux principales céréales, la pomme de terre n’est pas commercialisée sur le marché mondial. Seule une partie infime de la production fait partie du commerce extérieur. Le prix de la pomme de terre dépend en général de la demande et de l’offre à l'échelle locale et n’est pas soumis aux fluctuations des marchés internationaux. Par ailleurs, vu que la pomme de terre ne compte pas parmi les principaux produits de base commercialisés, elle ne risque pas non plus de subir les effets pervers de la spéculation, ce qui est loin d’être le cas des céréales. Il s’agit donc d’une culture vivement recommandée pour atteindre la sécurité alimentaire et pour aider les consommateurs des pays à faible revenu à se protéger d’une nouvelle crise des disponibilités alimentaires et de la demande mondiale.
La pomme de terre est la principale denrée alimentaire non céréalière du monde. Cultivée sur presque 20 millions d’hectares, la production a atteint le chiffre record de 320 millions de tonnes en 2007. Dans les pays en développement, la production de pommes de terre augmente considérablement et représente plus de la moitié de la récolte mondiale. Ce résultat est remarquable lorsque l’on sait qu’il y a seulement 20 ans, leur part dans la production mondiale était tout juste supérieure à 20 pour cent. L’augmentation rapide de la production de pommes de terre tranche radicalement avec la diminution des taux de croissance des autres principales denrées alimentaires, telles que le maïs et le blé. D’après les prévisions, on enregistrera une hausse de 2 à 3 pour cent de la production mondiale de cette denrée au cours des dix prochaines années dans les pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne qui sera le principal moteur de la croissance. Donnée factuelle: les pays émergents réalisent le potentiel de la pomme de terre. En Chine, premier producteur mondial de pommes de terre, les spécialistes ont proposé que la pomme de terre devienne la principale culture vivrière. L’Inde, de son côté, envisage de doubler la production dans les cinq à dix prochaines années.
D’ores et déjà, pour de nombreux producteurs pauvres et de ménages touchés par la malnutrition, la pomme de terre est une source primaire ou secondaire d’alimentation et de nutrition. Cette denrée est particulièrement prisée par ces populations agricoles, car sa teneur énergétique est élevée et sa culture assure des rendements assez stables qui ne pourraient être obtenus avec d’autres denrées cultivées dans des conditions similaires. À cet égard, elle est parfaitement adaptée aux lieux où la terre est limitée, mais où la main-d’œuvre est abondante, conditions qui caractérisent une grande partie des pays en développement les plus pauvres. Donnée factuelle: la pomme de terre est l’une des cultures vivrières les plus aptes à garantir la sécurité alimentaire.La pomme de terre produit davantage de nourriture nutritive plus rapidement, sur moins de terres et dans des climats plus rudes, que toute autre grande culture; 85 pour cent de la plante est comestible pour l'homme, contre environ 50% pour les céréales. Son adaptabilité à un large éventail de systèmes agricoles est également remarquable. Le cycle végétatif court et très flexible de la pomme de terre, qui permet d’obtenir des rendements élevés 100 jours après la plantation, s’associe bien avec le riz dans les systèmes à deux récoltes et peut être une culture intercalaire du maïs ou du soja, par exemple. La pomme de terre peut être cultivée à pratiquement toutes les altitudes et dans tous les climats, depuis les hautes terres stériles des Andes jusqu’aux plaines tropicales d’Afrique et d’Asie.
La quantité de pommes de terre destinée à être transformée ne cesse de croître pour faire face à l’augmentation de la demande des industries de la restauration rapide, des snacks et des aliments préparés. L’essor des populations urbaines, la hausse des revenus, la diversification des modes de consommation et le temps important nécessaire pour préparer les tubercules avant de les consommer en sont les principales raisons. La transformation structurelle des économies fondées sur l’agriculture rurale en sociétés plus urbanisées offre de nouveaux débouchés aux producteurs, aux transformateurs et aux vendeurs dans la chaîne de valeur de la pomme de terre. Ces possibilités peuvent favoriser la création d’activités génératrices de revenus et d’emplois dans le secteur. Donnée factuelle: la pomme de terre détient un potentiel important pour générer des revenus. Plus qu’une simple culture vivrière pour les ruraux pauvres, la pomme de terre peut aussi être une source de revenus pour les ménages agricoles à faible revenu, et une matière première pouvant faire l’objet d’un traitement ultérieur en vue d’obtenir des produits à valeur ajoutée destinés à la consommation, tant dans les villes que dans les campagnes. La pomme de terre peut être utilisée de diverses manières pour des usages spécifiques, ce qui lui confère un rôle important dans les systèmes agricoles des pays en développement. Toutefois, pour exploiter ce potentiel, il faut établir une chaîne de valeur efficace (voir encadré).
L’expansion de la culture de la pomme de terre pourrait être très avantageuse pour les pays dont le régime alimentaire est peu varié et qui sont fortement tributaires des importations céréalières. Donnée factuelle: la farine de pomme de terre se mélange facilement à la farine de blé S’inspirant de la revalorisation du manioc, les gouvernements ont lancé des initiatives de réduction des importations coûteuses de blé, en encourageant, par exemple, la consommation de pain préparé avec des farines de blé et de pomme de terre. D’autres pays dont le régime alimentaire est peu diversifié et qui dépendent considérablement des exportations pourraient également en tirer profit. Plusieurs pays ont ainsi récemment interdit les exportations de riz pour se protéger des pénuries et pour mettre leur économie à l’abri de l’inflation intérieure des prix alimentaires. Cependant, ces mesures n’ont fait qu’attiser l’inflation des cours internationaux du riz. Si l’assortiment alimentaire des consommateurs avait été constitué d’une plus large gamme de produits de base, de telles contraintes n’auraient sans doute pas été nécessaires. L’un des enjeux, pour le secteur, sera de fournir les incitations nécessaires pour soutenir la production de pomme de terre sans freiner l’élan impulsé pour améliorer le rapport coût-efficacité et la productivité, même dans des contextes économiques moins favorables que celui qui existe aujourd’hui, si et lorsque le monde reviendra à «l’ère de l’alimentation à bas prix». On oublie trop rapidement dans le contexte de la flambée des prix actuelle qu’il y a encore peu de temps, les prix internationaux des céréales, après ajustement pour l’inflation, étaient tombés à des niveaux historiquement bas. Une période de forte expansion, suivie d’un effondrement, des prix céréaliers pourrait facilement compromettre les investissements dans les secteurs de la pomme de terre, si les consommateurs décidaient d’acheter à nouveau des céréales importées, subventionnées et bon marché. Les investissements visant à promouvoir la culture de la pomme de terre doivent être considérés comme une assurance contre les turbulences des marchés internationaux et surtout, comme une mesure de protection de la sécurité alimentaire. La pomme de terre a un grand potentiel à cet égard. Au cours des 30 prochaines années, la population mondiale devrait augmenter d’un tiers et plus de 95 pour cent de cet essor concernera les pays en développement où la pression sur la terre et l'eau est déjà très importante. Compte tenu de la demande croissante qui sera exercée sur les ressources naturelles mondiales, il est probable que les prix seront à nouveau en crise. La communauté internationale est donc confrontée au défi majeur d’assurer la sécurité alimentaire pour les générations d’aujourd’hui et de demain, tout en protégeant la base de ressources naturelles dont dépend le monde entier. Il est clair que la pomme de terre sera un élément important des efforts consentis pour relever ce défi. |
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